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SPL et SEML : la fin du calvaire au JO de ce matin
La question s’est souvent posée, en droit, de savoir s’il était nécessaire que tous les associés exercent statutairement toutes les compétences composant l’objet social d’une SEM ou d’une SPL. Dès 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a admis une telle participation en précisant :
« Considérant qu’en application de l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales, si les collectivités territoriales et leurs groupements ne peuvent être actionnaires d’une société publique locale dont l’objet social ne comporterait aucune des compétences attribuées à ceux-ci, en revanche, il ne résulte pas des dispositions précitées de l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales que les actionnaires d’une société publique locale doivent être attributaires de l’ensemble des compétences regroupées dans l’objet social de la société publique locale ; qu’il ne résulte pas davantage des mêmes dispositions qu’un actionnaire d’une société publique locale ne détiendrait les pouvoirs attachés à la qualité d’actionnaire d’une société anonyme qu’en ce qui concerne la compétence initiale ayant permis son entrée dans le capital ; qu’il s’ensuit que la composition d’une société publique locale par deux actionnaires ayant des compétences complémentaires mais néanmoins distinctes, ne méconnaît pas la règle du minimum de deux actionnaires posée par l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales » (29 mars 2012, COMMUNAUTE DE COMMUNES SAMBRE AVESNOIS, n°1201729).
Plus récemment, dans un jugement rendu le 7 novembre 2014, le tribunal administratif de Melun a jugé dans le même sens :
Considérant, d’une part, que ces dispositions n’impliquent pas que l’objet social d’une SPLA se confonde avec les compétences exercées par ses membres fondateurs ; qu’ainsi, la circonstance que la communauté́ d’agglomération de Marne-et-Gondoire exerce de plein droit, en application des dispositions de l’article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales, des compétences en matière d’aménagement de l’espace communautaire, ne fait pas obstacle à ce qu’elle puisse créer une SPLA dont l’objet social n’est pas circonscrit à l’espace communautaire ; que par suite, la première branche du moyen mentionné au point 5 doit être écartée ;
Considérant, d’autre part, que ces dispositions n’impliquent pas davantage que les membres créateurs d’une SPLA disposent des mêmes compétences sur un territoire identique, dès lors que chacun de ceux-ci exerce une compétence se rapportant à l’objet social de la SPLA […] (TA Melun, 7 novembre 2014, n°1206600).
Au regard de ces deux jurisprudences, sous réserve que les actionnaires d’une SEM ou SPL exercent des compétences complémentaires mais néanmoins distinctes qui se retrouvent dans l’objet social de la Société, aucun principe n’interdit la participation desdits actionnaires au capital de la Société.
Il s’agit aussi, de manière très explicite, de la position du TA de Clermont-Ferrand (1er juill. 2014, n° 1301728, 1301729, 1301730, 1301731 et 1301732, voir commentaire Y. Wels in Semaine Juridique ACT n° 5, 2 Février 2015, 2023).
Cette position, qui apparaît comme étant la plus fiable en droit, a toutefois été contredite par le tribunal administratif de Rennes dans un jugement rendu le 11 avril 2013 :
« 4. Considérant qu’il ressort des pièces des dossiers que, depuis le 1er janvier 2011, les collectivités membres de la communauté d’agglomération LTA, dont les communes de Ploubezre, de Pleumeur-Bodou et de Ploumilliau et les communes membres des syndicats du Léguer et de la Baie, ont intégralement transféré à cet établissement public de coopération intercommunale la compétence “assainissement collectif et non collectif” ; que ce transfert de compétence fait ainsi obstacle à ce que les collectivités concernées puissent entrer au capital d’une SPL, dont l’objet social s’inscrit dans le cadre de cette compétence transférée, dès lors que cela aurait pour effet de les faire participer, en leur qualité d’actionnaires, aux décisions de la SPL concernant la mise en oeuvre de cette compétence en méconnaissance des principes de spécialité et d’exclusivité régissant les transferts de compétences ; que, de même, la communauté d’agglomération LTA, qui ne dispose que de la seule compétence relative à la protection de la ressource en eau, notamment dans le cadre d’actions de restauration et d’entretien des cours d’eau et des zones humides ne peut, pour les mêmes motifs, être actionnaire d’une SPL compétente en matière de gestion de l’eau potable, demeurée de la compétence des communes de Pleumeur-Bodou, Ploubezre, Ploumilliau et des syndicats du Léguer et de la Baie ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que dès lors qu’une collectivité ne peut adhérer à une SPL dont seulement une partie de l’activité relèverait de son champ de compétence, le préfet des Côtes-d’Armor est fondé à demander l’annulation des délibérations litigieuses ; que si le préfet des Côtes-d’Armor demande également l’annulation des actes qui découlent de la création de la SPL LTEau, il n’assortit pas cette demande de précisions suffisantes sur la nature des actes en cause et il appartient, en tout état de cause, aux collectivités concernées de tirer elles-mêmes les conséquences des annulations prononcées par le présent jugement ; (TA de Rennes, 11 avril 2013, Communauté d’agglomération Lannion-Trégor agglomeration, n°1203243).
Or, cette jurisprudence a récemment été confirmée par la CAA de Nantes dans un arrêt rendu le 19 septembre 2014 et aux termes duquel seules les compétences partagées permettraient à plusieurs collectivités d’être actionnaires d’une même Société :
qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que, hors le cas, prévu par l’article L. 1521-1, où l’objet social de la société s’inscrit dans le cadre d’une compétence que la commune n’exerce plus du fait de son transfert, après la création de la société, à un établissement public de coopération intercommunale, la participation d’une commune et d’un établissement public de coopération intercommunale à une société publique locale, qui a d’ailleurs nécessairement pour effet de leur conférer la qualité d’actionnaire et de leur ouvrir droit à participer au vote des décisions prises par le conseil de surveillance ou le conseil d’administration de la société, n’est possible que lorsque l’objet social de celle-ci se rapporte à une compétence partagée ; que dans l’hypothèse où une commune ou un établissement public de coopération intercommunale n’exerçait pas l’une des compétences sur laquelle porte l’objet social de la société lorsque cette dernière a été créée, les mêmes dispositions font obstacle à ce qu’il en soit actionnaire ; qu’il en va de même pour l’établissement public de coopération intercommunale lorsque l’objet social de la société porte, notamment, sur des compétences qui ne lui ont pas été transférées ou ne sont pas susceptibles de l’être (CAA Nantes, 19 septembre 2014, n° 13NT01683).
Le débat demeure donc entre les positions :
- d’une part des TA de Lille, de Melun et de Clermont-Ferrand, qui autorisent une SPL entre une commune et sa communauté dès lors que chaque actionnaire retrouve un peu de ses compétences dans l’objet social de la SPL
- et d’autre part du TA de Rennes et de la CAA de Nantes qui imposent que l’objet social soit, comme s’il s’agissait d’une compétence en droit public, à l’intersection des champs d’attributions des actionnaires de la SPL.
En attendant, prudence…