Le harceleur harcelé pourrait-il enfin être inquiété ?

Par un arrêt du 12 novembre 2015, la Cour administrative d’appel de Versailles a précisé les possibilités, pour l’administration, de sanctionner disciplinairement l’agent ayant dénoncé, de mauvaise foi, des faits de harcèlement sexuel non fondés (CAA Versailles, 12 novembre 2015, Mme B, req. n° 14VE03618) :

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que l’autorité investie du pouvoir disciplinaire ne peut légalement prendre une sanction disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire qui a relaté, de bonne foi, des faits de harcèlement sexuel qu’il estime avoir subis, notamment auprès de l’autorité hiérarchique dont il relève, même si les agissements ainsi relatés ne peuvent être regardés comme constitutifs de faits de harcèlement sexuel ou assimilés au sens de ces dispositions ; qu’en revanche, la protection prévue par ces dispositions ne peut trouver à s’appliquer au fonctionnaire qui, de mauvaise foi, a relaté de tels faits de harcèlement sexuel, en toute connaissance de leur fausseté et dans le seul but, notamment, de nuire à un autre agent, à un supérieur hiérarchique ou à l’image de l’administration, ou d’éviter le prononcé d’une sanction disciplinaire à raison d’autres faits (…).

Le premier critère à remplir pour envisager une telle sanction est celui, déjà posé par la jurisprudence en matière de harcèlement moral, de la mauvaise foi de l’agent : l’agent doit avoir connaissance de la fausseté de sa dénonciation (CAA Nantes, 4 décembre 2009, Mme Hélène X, req. n° 09NT01302).

Le second critère tient, quant à lui, au but poursuivi. Et la liste n’est pas exhaustive : nuire à un autre agent, à un supérieur hiérarchique ou à l’image de l’administration, ou encore éviter le prononcé d’une sanction disciplinaire à raison d’autres faits. Par cette précision, le juge met notamment fin au statut intouchable du “harceleur harcelé” de l’agent qui, poursuivi pour des faits de harcèlement, tente de brouiller les pistes en se présentant en victime.

Reste à voir comment seront appréhendés concrètement ces deux critères par le juge, qui risque d’attendre des preuves tangibles de la mauvaise foi, et comment l’administration va réussir à démontrer qu’ils sont bien remplis…