L’open data continue de progresser : un département ne peut interdire aux sociétés privées la réutilisation des bases de données publiques ouvertes au public.

Comme ce blog l’a souvent évoqué, l’open data progresse :

De plus en plus, nos données publiques vont glisser, avec quelques concessions (anonymisations ; secret du commerce et de l’industrie…) vers une libre transmission.

Dernier exemple en date : l’arrêt du 8 février 2017, n°389806, « notrefamille.com », du Conseil d’Etat.

Le litige tirait son origine d’une délibération par laquelle le Conseil général de la Vienne avait fixé les conditions de réutilisation, par les tiers, des archives publiques conservées par le service des archives départementales.

Cette délibération :

« précise, notamment, que la réutilisation des archives publiques s’effectue à partir de la consultation des documents d’archives, soit en salle de lecture, soit sur le site internet du département. Telle que sa portée a été précisée par le président du conseil général à la suite d’une demande formulée par la société NotreFamille.com, cette délibération a notamment pour objet et pour effet d’interdire de collecter, au moyen d’un logiciel de collecte et d’indexation systématique, les données figurant dans la base de données rendue accessible publiquement en ligne, contenant, sous une forme numérisée, l’ensemble des archives publiques du département relatives à l’état civil. Elle n’autorise également la cession, par le département, des fichiers numériques contenant ces archives que si elle est nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public

Bref, les données départementales sont accessibles, mais pas ou peu utilisables par des sociétés commerciales.

Dès lors :

« Par une décision du 1er juillet 2010, le président du conseil général de la Vienne a rejeté la demande de la société NotreFamille.com tendant à l’abrogation de cette délibération au motif que le département tenait de l’article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle, en sa qualité de producteur de base de donnée, le droit d’interdire l’extraction et à la réutilisation des informations contenues dans la base de données publique des archives départementales ».

Le Conseil d’Etat a fini par donner raison à cette société requérante en posant que :

« les articles 15 et 16 de la loi du 17 juillet 1978 alors applicable régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les personnes mentionnées à l’article 1er de la loi du 17 juillet 1978 ainsi que les établissements, organismes ou services culturels qui en relèvent, exercent les droits de propriété intellectuelle ou les droits voisins que, le cas échéant, ils détiennent sur les informations publiques, comme sur les procédés de collecte, de production, de mise à disposition ou de diffusion de ces informations. Il s’ensuit que ces dispositions font obstacle à ce que les personnes et services qui viennent d’être mentionnés, qui ne sont pas des tiers au sens et pour l’application du c) de l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978, puissent se fonder sur les droits que tient le producteur de bases de données de l’article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle, pour s’opposer à l’extraction ou à la réutilisation du contenu de telles bases, lorsque ce contenu revêt la nature d’informations publiques au sens des dispositions du même article. Il s’ensuit qu’en jugeant qu’un service culturel producteur d’une base de données pouvait se prévaloir du droit qu’il tient, en cette qualité, de l’article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle pour interdire la réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu de cette base, la cour administrative d’appel de Bordeaux a entaché son arrêt d’erreur de droit.

[…] Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, que la société NotreFamille.com est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. »

 

Un tel service public doit donc permettre l’utilisation de ses fichiers, de ses bases de données, comme autant d’informations publiques.

Qu’on s’en réjouisse ou qu’on s’en offusque, qu’on y voie une victoire de la circulation et de la transparence, ou une honteuse mise à profit d’un travail public (mais ouvrons, sur ce point, la voie d’une réflexion tarifaire !)… peu importe. C’est le sens de l’histoire, force est de le constater. Nos descendants vivrons peut-être un retour de balancier. Peut-être devons nous lutter contre les défauts de cette évolution. Mais force est de le constater : nos administrations glissent vers une transformation en « maisons de verre » (glasnost) pour le meilleur et pour le pire…

Voici cet arrêt, identifié sur FilDroitPublic :

ce-389806