En cas de résiliation anticipée d’un contrat – notamment pour un motif d’intérêt général – le cocontractant de l’administration doit en principe être indemnisé. Mais concernant le quantum de cette indemnisation les débats peuvent très souvent être houleux entre les parties et aboutissent souvent à la saisine du juge administratif qui fixe l’indemnisation.
Dans une décision très récente, la CAA de Bordeaux (9 mai 2018, req n° 15BX02770) nous a fournit des éclaircissements précieux quant au calcul de l’indemnisation en cas de non amortissement des biens de retour dans le cadre d’une résiliation anticipée d’une DSP ayant pour objet la gestion des services publics de l’eau potable et de l’assainissement.
Dans cette espèce, la communauté urbaine du Grand Toulouse (à l’époque) a succédé à la commune ayant conclu ce contrat en 1991 et a résilié par délibération en date du 16 décembre 2010 le contrat avant le terme de celui-ci prévu pour le 30 septembre 2020.
Le TA de Toulouse ayant condamné Toulouse Metropole (désormais) d’indemniser les préjudices subis, cette dernière a interjeté appel.
La CAA rappelle tout d’abord le principe – maintes fois réaffirmé par le juge administratif – selon lequel le cocontractant de l’administration est fondé de demander l’indemnisation du préjudice subi à raison du retour anticipé des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique dès lors que ces derniers n’ont pas pu être totalement amortis.
Ensuite, elle précise que:
- lorsque l’amortissement de ces biens [dits de retour] a été calculé sur la base d’une durée d’utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan.
- dans le cas où leur durée d’utilisation était supérieure à la durée du contrat, l’indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l’amortissement de ces biens sur la durée du contrat.
La cour rappelle que:
« Si, en présence d’une convention conclue entre une personne publique et une personne privée, il est loisible aux parties de déroger à ces principes, l’indemnité mise à la charge de la personne publique au titre de ces biens ne saurait en toute hypothèse excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus. Il résulte de ces principes que seule doit être recherchée, pour justifier le montant de l’indemnité de résiliation, la valeur nette comptable des immobilisations non amorties à l’échéance du contrat, à l’exclusion de toute tentative d’appréciation économique du financement des investissements (amortissement de la dette) ou des résultats de l’exploitation. »
Il en résulte que pour l’indemnisation des biens de retour, seule la valeur nette comptable des immobilisations non amorties à l’échéance du contrat doit être pris en compte à l’exclusion de toute autre tentative de calcul en intégrant l’amortissement de la dette ou autres résultats; l’imagination des cocontractants pouvant être débordante sur ce point…
Le juge estime par ailleurs que seule la durée initiale du contrat devait être prise en compte en écartant ainsi tout avenant postérieur à l’entrée en vigueur de la loi de 1995 ayant pour effet de rendre possible une durée de contrat supérieure à 20 ans. (cf. sur ce point notre article ici). De plus, la date de fin de la concession n’a aucune incidence sur le calcul des investissements effectivement non amortis à la date du rachat de la concession par Toulouse Métropole, qui ne dépend que de la passation d’écritures comptables.
Ces précisions pourront guider (et peut être apaiser?…) les débats entre cocontractants en cas de rupture anticipée d’un contrat de DSP.