Sur la base d’un corpus juridique tout aussi lacunaire que bigarré, l’administration recrute ses aumôniers militaires, hospitaliers et pénitentiaires.
Histoire de mettre un peu d’ordre (la grâce divine n’ayant pas suppléé à toutes les carences humaines), furent pris :
- le décret n° 2017-756 du 3 mai 2017 relatif aux aumôniers militaires, hospitaliers et pénitentiaires et à leur formation civile et civique,
- l’arrêté interministériel du 5 mai 2017 relatif aux diplômes de formation civile et civique suivie par les aumôniers militaires d’active et les aumôniers hospitaliers et pénitentiaires et fixant les modalités d’établissement de la liste de ces formations.
Las, d’aucuns trouvèrent que c’était là beaucoup empiéter sur le terrain de la liberté de religion. Le Conseil d’Etat a mis ces auréoles au carré et a rejeté les recours en posant que :
- le pouvoir réglementaire est (mais sans que le débat ait porté sur l’article 34 de la Constitution) :
- « compétent pour définir ou préciser les conditions auxquelles est subordonnée l’intervention des aumôniers dans les armées, les établissements hospitaliers et les établissements pénitentiaires »
- le fait que les clergés (quand ils existent…) ont un monopole de proposition des candidats n’interdit pas à l’administration de filtrer lesdits candidats sous quelques conditions :
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« compte tenu de leur ministère religieux, les aumôniers militaires et les aumôniers hospitaliers ne peuvent être recrutés par l’administration que sur proposition d’une autorité représentative de leur culte ; qu’il en va de même pour les aumôniers pénitentiaires, qui ne sont agréés par l’Etat que sur proposition de l’aumônier national du culte concerné ; que cette règle ne fait pas obstacle à ce que le pouvoir réglementaire soumette leur recrutement ou, pour les aumôniers pénitentiaires, leur indemnisation, d’une part, aux conditions applicables à la catégorie d’agents publics dont, le cas échéant, ils relèvent, pour autant que ces conditions ne soient pas incompatibles avec leur ministère, d’autre part, à des conditions particulières liées aux exigences propres aux services publics au sein desquels ils interviennent et aux publics auxquels ils s’adressent »
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- ainsi, est-il légal qu’en sus des conditions fixées par la loi, le pouvoir réglementaire ait imposé :
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« une obligation de détention d’un diplôme de formation civile et civique pour les aumôniers recrutés par les armées ou les établissements hospitaliers et pour ceux des aumôniers des établissements pénitentiaires bénéficiaires d’une indemnité, »
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- car cette condition supplémentaire :
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« repose sur la poursuite d’objectifs d’intérêt général et de sauvegarde de l’ordre public en lien avec la mission de ces aumôniers, qui interviennent dans des lieux fermés ou isolés, auprès d’agents ou de publics dont la liberté de mouvement est limitée, afin de leur permettre le libre exercice de leur culte ; que l’institution d’une telle condition n’a par ailleurs pour effet ni d’encadrer l’exercice des cultes au sein des armées ou des formations rattachées, des établissements hospitaliers et des établissements pénitentiaires, ni de substituer l’appréciation de l’administration à celle de l’aumônier national ou des autorités cultuelles, auxquels il appartient de proposer les candidats aux fonctions d’aumônier ; que la formation en matière civile et civique visée par le décret, qui ne porte pas sur leur ministère religieux, mais sur l’environnement social, institutionnel et juridique dans lequel s’exerce leur activité d’aumônier et n’implique pas que l’administration, comme les enseignants y participant, porte une appréciation sur le contenu des croyances concernées, peut, par suite, être assurée, financée ou réglementée par une collectivité publique sans méconnaître le principe posé par l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 ; »
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Ce dernier considérant est d’ailleurs intéressant en ce qu’il répond point par point aux critiques assez fines de la requête et qu’il dénote un contrôle assez poussé en l’espèce.
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