Des propriétaires demandent à la commune de leur rembourser des frais de raccordement à l’assainissement collectif : quel est le juge compétent ?

Le Tribunal des conflits (TC) vient de trancher la question de savoir quel est l’ordre de juridiction compétent (judiciaire ou administratif ?) pour connaître du recours formé contre le refus d’une commune de rembourser, aux propriétaires, le coût des travaux de raccordement de leur habitation au réseau d’assainissement collectif qu’ils ont effectués eux-mêmes.

Il est à rappeler que :

  • les relations individuelles entre un service public industriel et commercial et ses usagers relèvent par défaut du juge judiciaire (litiges sur la redevance, par exemple). Le juge judiciaire est donc à ce titre compétent pour connaître des litiges relatifs à la redevance due par les usagers ou à un refus d’autorisation de raccordement au réseau, mais aussi pour connaître des litiges relatifs à des dommages causés aux usagers à l’occasion de la fourniture du service, y compris lorsque la cause de ces dommages réside dans l’exécution de travaux publics ou dans l’entretien d’un ouvrage public.
  • mais nombre de décisions relèvent du juge administratif (recours contre les délibérations tarifaires, contre les adoptions de règlements de service, etc.). La juridiction administrative est ainsi seule compétente pour connaître d’un litige né du refus de réaliser ou de financer des travaux de raccordement au réseau public de collecte, qui présentent le caractère de travaux publics. A ce titre, le remboursement des travaux de raccordement effectués par des particuliers suite au refus de la commune d’étendre son réseau d’assainissement est lié à un refus d’exécution de travaux publics (CE, 26 novembre 2015, B. n° 362783).

 

L’affaire commence de manière banale, prosaïque. Les propriétaires d’une maison située sur le territoire de la commune de Malroy ont effectué des travaux de raccordement de leur propriété au réseau public d’assainissement communal.

Après le refus de la commune de rembourser les frais exposés, ils ont saisi le tribunal administratif de Strasbourg, qui s’est déclaré incompétent. Le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Metz a déclaré la juridiction judiciaire compétente, décision qui a été confirmée par la cour d’appel de Metz. Cependant, saisie d’un pourvoi de la commune, la Cour de cassation a renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider de la juridiction compétente pour connaître du litige en application de l’article 35 du décret du 27 février 2015.

 

Appliquant la grille traditionnelle en ce domaine, le TC a donc tranché : une demande tendant à la condamnation d’une commune à rembourser des frais exposés par des particuliers pour la réalisation de travaux de raccordement au réseau public d’assainissement, qui ont le caractère de travaux publics, doit être regardée comme se rattachant à un refus d’exécution et de financement de travaux publics. Le TC juge, en conséquence, qu’un tel litige portant sur remboursement des travaux de raccordement au réseau public d’assainissement, qui ont le caractère de travaux publics, relève de la compétence de la juridiction administrative.

Voici le considérant à retenir (souligné par nous) :

« Considérant que, eu égard aux rapports de droit privé nés du contrat qui lie le service public industriel et commercial de l’assainissement à ses usagers, les litiges relatifs aux rapports entre ce service et ses usagers relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire ; qu’ainsi, il n’appartient qu’à la juridiction judiciaire de connaître des litiges relatifs à la facturation et au recouvrement de la redevance due par les usagers, aux dommages causés à ces derniers à l’occasion de la fourniture du service, peu important que la cause des dommages réside dans un vice de conception, l’exécution de travaux publics ou l’entretien d’ouvrages publics, ou encore à un refus d’autorisation de raccordement au réseau public ; qu’en revanche, un litige né du refus de réaliser ou de financer des travaux de raccordement au réseau public de collecte, lesquels présentent le caractère de travaux publics, relève de la compétence de la juridiction administrative ;»

 

Donc le caractère de travaux publics l’emporte sur le domaine réservé au juge judiciaire au titre des relations entre le SPIC et ses usagers. Ce qui nous semble logique car le caractère public, collectif, de ces travaux publics l’emportera souvent et car cela prolonge la jurisprudence antérieure du TC.

TC, 8 octobre 2018, Commune de Malroy c/ M. et Mme S., n° 4135

 

4135 TC