Cela vaut-il toujours la peine de retirer un acte attaqué, afin de « mieux » le reprendre ensuite (CE, 15 octobre 2018, n° 414375) ?

Quand un acte est attaqué devant le juge administratif, il est parfois utile de le retirer… pour mieux pouvoir le reprendre, mais purgé de tel ou tel vice, de légalité externe notamment (problèmes de forme, de procédure…) qui risquent de l’avoir entaché (sous réserve que ce soient des vices susceptibles d’affecter la légalité de l’acte. Sur ce point, voir ici).

Donc :

  • parfois retirer l’acte n’est pas possible
  • parfois le retirer n’est pas utile (si le vice identifié ne peut être régularisé ou s’il n’affecte par la légalité de l’acte).

Mais quand retirer un acte est possible et est de nature à sécuriser la prise de nouveau de ce même acte… une des motivations des administrations publiques bien conseillées par leur avocat préféré était aussi… parfois… de leurrer le requérant si celui-ci n’était pas très “carré”. En effet, le premier recours tombait (l’acte était retiré)… et il pouvait arriver que le requérant omette d’attaquer le nouvel acte.

Cette ruse (qui ne fonctionnait pas très souvent…) ne fonctionnera plus.

En effet, le Conseil d’Etat vient de poser que (citons le futur résumé des tables du rec.) :

« lorsqu’une décision administrative faisant l’objet d’un recours contentieux est retirée en cours d’instance pour être remplacée par une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l’annulation de la nouvelle décision. Lorsque le retrait a acquis un caractère définitif, il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale, qui ont perdu leur objet. Le juge doit, en revanche, statuer sur les conclusions dirigées contre la nouvelle décision.»`

DONC :

  • oui si un acte est attaqué, et qu’il peut légalement être retiré puis adopté de nouveau après avoir été purgé de ses vices AVANT que d’être jugé… alors autant le faire (cela n’a pas changé)
  •  MAIS alors, le juge passera de l’acte retiré à l’acte adopté de nouveau… (sauf sans doute changement majeur quant à l’acte adopté ? en tous cas, le recours ne tombe plus de plein droit).


Cette position du Conseil d’Etat avait été déjà anticipée par un jugement du TA de Lyon publié au rec. (TA Lyon, 13 avril 1989, n° 8904LYMPO, rec. p. 388) et pourrait éventuellement s’enorgueillir de remonter en réalité à 1970 (voir CE, S., 13 mars 1970, Epoux L…, n° 74278.. voir sur de point les conclusions de Mme Aurélie BRETONNEAU sur CE, 21 septembre 2015, n°369808 ; voir ici).

 

Voir CE, 15 octobre 2018, n° 414375, à publier aux tables du rec. :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000037499778&fastReqId=477181896&fastPos=1