Pas de demande préalable… pas de référé provision

Mise à jour à juillet 2023 ( nouvel arrêt, article, avec une vidéo et une représentation graphique) : voir

RAPO : avant l’heure ce peut être l’heure [même pour les référés provision… si une décision de refus d’un RAPO est intervenue avant le jour où le juge statue] 

 

 

 

 

 

Aux termes de l’article R. 541-1 du code de justice administrative :

« Le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il peut, même d’office, subordonner le versement de la provision à la constitution d’une garantie. »

L’objet du référé provision est donc de permettre le versement rapide d’une provision assortie le cas échéant d’une garantie, dans les cas où la créance invoquée par le demandeur n’apparaît pas sérieusement contestable.

Mais cette règle peut se heurter à la dureté du décret JADE. En effet, aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative, issu de ce décret JADE n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 :

« La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. Lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle. »

 

On sait que cette condition de l’existence d’une décision au fond reste appréciée avec un peu de souplesse par le juge car le Conseil d’Etat a posé que :

« cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l’administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l’intervention d’une telle décision en cours d’instance régularise la requête, sans qu’il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l’administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l’absence de décision».

CE, 27 mars 2019, n° 426472 :

 

Mais cette souplesse va-t-elle jusqu’à admettre, comme avant ce décret JADE, qu’il y ait référé provision sans même qu’il y ait eu une demande au fond, une demande préalable ?

NON vient de juger le Conseil d’Etat, avec dureté, certes, mais logique, mettant fin à un suspens et quelques débats doctrinaux.

Il résulte en effet selon la Haute Assemblée des dispositions de l’article R. 421-1 du CJA, qui sont applicables aux demandes de provision présentées sur le fondement de l’article R. 541-1 de ce code, qu’en l’absence d’une décision de l’administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au paiement d’une somme d’argent est irrecevable.

Voir deux décisions en ce sens.

La première est : CE, 23 septembre 2019, Garde des sceaux, ministre de la justice c/ M. L…, n° 427923, B.

Voir : https://beta.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000039127753

 

La seconde figure ci-dessous :

 

Conseil d’État

N° 427925
ECLI:FR:CECHR:2019:427925.20190923
Inédit au recueil Lebon
10ème – 9ème chambres réunies
M. Laurent Roulaud, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public

Lecture du lundi 23 septembre 2019

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


Vu la procédure suivante :

M. B… A… a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, sur le fondement des dispositions de l’article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner l’Etat à lui verser une provision de 8782,82 euros, au titre du préjudice financier et de 1 000 euros au titre du préjudice moral, qu’il estime avoir subis du fait de la méconnaissance par l’administration pénitentiaire des dispositions du code de procédure pénale en matière de rémunération du travail des personnes détenues.

Par une ordonnance n° 1704483 du 28 janvier 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de provision au titre du préjudice financier.

Par un pourvoi enregistré le 12 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la garde des sceaux, ministre de la justice demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cette ordonnance en tant qu’elle a accordé une provision à M. A… ;

2°) statuant en référé, à titre principal, de rejeter la demande de provision de M. A… comme irrecevable, et à titre subsidiaire, de ne faire droit à la demande qu’à hauteur de 5388,69 euros et de rejeter le surplus des conclusions présentées par M. A… devant le juge des référés du tribunal administratif.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Laurent Roulaud, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A…, alors détenu au ….

2. L’article R. 541-1 du code de justice administrative dispose que : ” Le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il peut, même d’office, subordonner le versement de la provision à la constitution d’une garantie. ” Aux termes de l’article R. 421-1 du même code : ” La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle. ”

3. Il résulte des dispositions de l’article R. 421-1 du code de justice administrative, qui sont applicables aux demandes de provision présentées sur le fondement de l’article R. 541-1 du même, qu’en l’absence d’une décision de l’administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au paiement d’une somme d’argent est irrecevable. Il s’ensuit qu’en accordant à M. A… une provision alors que l’intéressé n’avait pas saisi l’administration d’une demande préalable, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a entaché l’ordonnance attaquée d’erreur de droit. Il résulte de ce qui précède que la garde des sceaux, ministre de la justice est fondée à en demander l’annulation, en tant qu’elle a fait droit à la demande de provision de M. A….

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de statuer dans cette mesure sur la demande de provision présentée par M. A… devant le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux.

5. Il résulte de l’instruction que M. A… n’a pas saisi l’administration pénitentiaire d’une demande tendant à ce que lui soient versées les sommes qu’il estime lui être dues, pour lesquelles il a présenté une demande de provision sur le fondement de l’article R. 541-1 du code de justice administrative. Il s’ensuit que la garde des sceaux est fondée à soutenir que la demande de provision de M. A… est irrecevable.

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux en date du 28 janvier 2019 est annulée.
Article 2 : La demande de provision présentée par M. A… devant le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la garde des sceaux, ministre de la justice et à M. B… A….