C’est la question à laquelle le Conseil d’Etat a dû répondre dans le cadre de l’affaire jugée le 2 décembre dernier (CE, 2 décembre 2019, GCS du Nord-Ouest Touraine, req. n°423936).
Le cas présenté à la Haute Assemblée concernait un marché public de fournitures ainsi que l’exécution d’une mission d’assistance technique aux opérations de restauration. Le marché comprenait une durée de 12 mois renouvelable deux fois.
L’affaire a été portée devant le TA par un des candidats évincés qui demandait l’annulation du marché ainsi que l’indemnisation de son manque à gagner sur trois ans. Après que le TA ait rejeté sa demande, le requérant a saisi la CAA de Nantes qui a fait droit à ses prétentions. Le pouvoir adjudicateur s’est donc pourvu en cassation.
Une fois le principe d’indemnisation admis, le marché comportant une clause de reconduction, la question était de savoir, si le manque à gagner devait être estimé au regard uniquement de la période initiale ou en prenant également en compte la période reconduite.
Le Conseil d’État commence par rappeler son considérant de principe sur les règles d’indemnisation du candidat évincé :
« lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière (…) il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l’absence de toute chance, il n’a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d’emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner (…) ».
Ensuite, et c’est l’apport principal, le Conseil d’État rappelle l’exigence de caractère certain du préjudice indemnisable. Ainsi, il considère que:
« lorsqu’il est saisi par une entreprise qui a droit à l’indemnisation de son manque à gagner du fait de son éviction irrégulière à l’attribution d’un marché, il appartient au juge d’apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain. Dans le cas où le marché est susceptible de faire l’objet d’une ou de plusieurs reconductions si le pouvoir adjudicateur ne s’y oppose pas, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu’en tant qu’il porte sur la période d’exécution initiale du contrat, et non sur les périodes ultérieures qui ne peuvent résulter que d’éventuelles reconductions ».
Retenant une solution inverse à celle de la CAA de Nantes, le Conseil d’État conclut, de manière tout à fait logique, que seule la période initiale de 12 mois pouvait être prise en compte pour l’indemnisation du manque à gagner et exclut la période postérieure à la reconduction.
Article rédigé avec Alexandre Panzani, stagiaire