Notre blog s’était fait l’écho, dès le matin de sa publication au JO, de l’important décret n° 2020-453 du 21 avril 2020 portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 (NOR: TREK2009561D).
Voir :
Ce texte prévoit une reprise des délais dans un grand nombre de cas en matière de stations de traitement des eaux usées, de SPANC, d’épandages des boues de STEU d’énergie, de faune sauvage, de cours d’eau…
L’essentiel des mesures de ce décret porte sur les domaines concernant les services des eaux et sur ce point, nous échangeons souvent avec la FNCCR, qui a été en pointe sur les discussions en ce domaine avec notamment les services de l’Etat.
Voici donc un entretien que nous avons eu avec messieurs Régis TAISNE et Pierre KOLDITZ, de la FNCCR, à propos de cet important décret :
Le décret n° 2020-453 du 21 avril 2020 portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 a été publié au Journal officiel du 22 avril 2020. Qui est concerné par ce décret ?
Pierre KOLDITZ, (Chargé de mission “Gestion des compétences du cycle de l’eau” à la FNCCR) : Le décret concerne un certain nombre d’acteurs, notamment :
Les maîtres d’ouvrage (publics et privés) d’une installation d’assainissement non collectif,
Les maîtres d’ouvrage d’un système d’assainissement collectif permettant la collecte, le transport et le traitement avant évacuation des eaux usées,
Les personnes morales ou physiques menant des opérations d’épandage sur sols agricoles de boues issues du traitement des eaux usées,
Les maîtres d’ouvrages classés ICPE et d’IOTA (dont les ouvrages hydrauliques : barrages, digues, etc.).
Quel est l’objet de ce décret ?
Pierre KOLDITZ : Le décret a été pris en application de l’article 9 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période. Il s’agit de fixer les dérogations au principe général de “gel” des délais de réalisation des prescriptions suspendues au titre de l’article 8 de l’ordonnance n°2020-306, pour motifs tenant :
- aux intérêts fondamentaux de la Nation,
- à la sécurité,
- à la protection de la santé et de la salubrité publique,
- à la préservation de l’environnement.
et ce à condition de ne pas avoir expiré avant le 12 mars 2020 ou d’avoir un point de départ ayant commencé à courir du 24 mars 2020 au 24 juin 2020 (durée de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois).
Un premier décret, qui a été publié le 1er avril (décret n°2020-383), avait déjà procédé au “dégel du gel” d’un certain nombre de délais. Le présent décret vient ajouter une nouvelle série de procédures dont les délais vont reprendre leurs cours et apporte quelques précisions ou compléments aux “dégels” déjà actés dans le décret du 1er avril.
Que prévoit le décret au sujet des mesures d’autosurveillance des stations de traitement des eaux usées ?
Régis TAISNE (chef du département Cycle de l’eau” de la FNCCR) : Le décret vient donner un fondement juridique aux préconisations de la Direction de l’eau et de la biodiversité en matière d’autosurveillance des systèmes d’assainissement qui figuraient dans la note que le MTES a diffusé à l’attention de ses services déconcentrés (Voir à ce propos la note publiée par la FNCCR au sujet de cette circulaire le 9 avril et mise à jour le 14 avril). Ainsi, il “dégèle” à compter du 22 avril :
Les délais de réalisation des mesures d’autosurveillance (prévues à l’article 17 de l’arrêté du 21 juillet 2015),
Les délais de transmission aux services de police de l’eau des données relatives aux installations de collecte et de traitement des eaux usées (prévue par l’article 19 de cet arrêté).
Les mesures de pollution réalisées en entrée et en sortie de stations de traitement des eaux usées, ainsi que la transmission des données relatives aux installations de collecte et de traitement des eaux usées, se poursuivent selon les modalités habituelles (Article 1, 1°).
Le décret précise qu’en cas d’impossibilité de réaliser les mesures d’autosurveillance prévues à l’article 17 de l’arrêté du 21 juillet 2015 à cause des mesures d’urgence sanitaire, les mesures d’autosurveillance sont réalisées selon les modalités suivantes :
- Pour les stations de traitement des eaux usées (STEU) de 30000 équivalents habitants et plus, les 52 mesures de pollution par an sont remplacées par des mesures d’autocontrôle réalisées par l’exploitant de la STEU et transmises au préfet selon la fréquence définie à l’article 19 de l’arrêté du 21 juillet 2015.
- En revanche, pour les autres STEU (à l’exception des ANC de moins de 20 eq. habitants qui ne sont pas visées par l’arrêté du 21 juillet 2015), les mesures non réalisées sont reportées après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré, soit le 24 mai 2020 si la durée de l’état d’urgence sanitaire n’est pas prolongée.
Le décret prévoit également le maintien des délais de transmission du programme prévisionnel d’épandage.
Régis TAISNE : Effectivement, comme nous l’avions annoncé dans notre fil d’infos COVID, les délais de transmission du programme prévisionnel d’épandage au préfet prévus au II de l’article 3 de l’arrêté du 8 janvier 1998 ont également repris leur cours depuis le 22 avril 2020 ((Article 1, 2°), soit un mois avant le début de la campagne d’épandage.
Quelles sont les autres catégories de délais rétablies depuis le 22 avril 2020 ?
Régis TAISNE : Le décret rétablit également à compter du 22 avril 2020 :
- En matière de IOTA: « 3° Les délais résultant des arrêtés pris en application de l’article R. 214-44 du code de l’environnement ; », qui concerne les “travaux destinés à prévenir un danger grave et présentant un caractère d’urgence”
- En matière d’ICPE soumises à enregistrement: « 5° Les délais relatifs à l’élaboration et à l’application des arrêtés de prescriptions ou de prescriptions complémentaires ayant pour objet la sécurité, la protection de la santé et de la salubrité publique et la préservation de l’environnement pris en application de l’article L. 512-7-5 du code de l’environnement »
- En matière de produits et équipements à risques: « 6° Les délais relatifs à l’élaboration et à l’application des arrêtés de prescriptions pris en application de l’article L. 557-56 du code de l’environnement ». [condition de vérification, d’entretien, d’expertise ou d’utilisation d’un produit ou d’un équipement en vue de remédier au risque constaté voire arrêt de l’exploitation du produit ou de l’équipement en cas de danger grave et imminent.
Parmi les produits et équipements à risques, on trouve « Les appareils et les systèmes de protection destinés à être utilisés en atmosphères explosibles, Les appareils et matériels concourant à l’utilisation des gaz combustibles et les appareils à pression »].
- En matière de sécurité et à la sûreté des ouvrages hydrauliques autorisés ou déclarés : « 8° Les délais relatifs à l’élaboration et à l’application des actes pris en application des articles 214-117 [transmission étude de danger], R. 214-119 [transmission au préfet des documents établis par l’organisme agréé chargé de la conception et des travaux sur les barrages et les digues et de la construction ou la réalisation de travaux d’un barrage de classe A], R. 214-126 [périodicité du rapport de surveillance et le rapport d’auscultation] et R. 214-127 [Réalisation des diagnostic sur les garanties de sûreté de l’ouvrage prescrit par le préfet en cas de doute sur les conditions de sûreté ou d’efficacité] du code de l’environnement ainsi que des articles R. 521-44,R. 521-45 du code de l’énergie, en tant qu’ils portent sur la sécurité ou la sûreté des ouvrages hydrauliques »
Le décret (article 2) rétablit également, mais à compter du 28 avril 2020, les délais de diverses procédure en matière d’espèces protégées, de demande d’autorisation environnementale et/ou d’enquêtes publiques préalables de certains « grands » projets, de consultation du public sur diverses procédures, ainsi que « 8° La procédure d’adoption, sur le fondement des articles R. 211-66 à R. 211-70 du code de l’environnement, des arrêtés pris pour faire face à une menace ou aux conséquences d’accidents, de sécheresse, d’inondations ou à un risque de pénurie, ainsi que des arrêtés relatifs aux zones d’alerte et aux mesures à coordonner à l’échelle du bassin versant ».