L’article L. 52-8 du Code électoral est formel : une personne morale (autre que l’Etat — si si c’est une personne morale même si ce fut débattu —, les partis politiques et les associations de financement électorales) ne peut financer une campagne politique, et ce même en deçà des seuils imposant la tenue de comptes de campagne.
Ce peut même être une infraction pénale (voir l’article L. 113-1 du Code électoral).
Sauf qu’avec constance, le juge s’avère souple :
- au pénal, même si quelques condamnations sur ce point on été retentissantes (sur ce point voir : Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 5 février 2003, 02-82.255, Publié au bulletin ; Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 22 février 2000, 97-83.460, Publié au bulletin ; Cour de cassation, Chambre criminelle, 8 avril 2010, 03-80.508 09-86.242 [affaire Charles Pasqua] ; Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 5 février 2003, 02-82.255, Publié au bulletin ; à ces sujets, voir ici un excellent article du Professeur Romain Rambaud sur son Blog du droit électoral).
- en termes de comptes de campagne ou de contentieux électoral en termes de sincérité du scrutin (voir par exemple : CE, 8 décembre 2010, Élections régionales Nord Pas-de-Calais, req. n° 338291, rec. tables p. 783 ; CE, 18 octobre 2002, Elections municipales de Lons, req. n° 240048, rec. tables p. 734 ; CE, 3 juillet 2009, Élections municipales de Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), req. n° 322430, rec. tables p. 758).
En voici une nouvelle illustration.
Une association, présidée par le maire sortant, prend en charge diverses dépenses de propagande électorale de la liste conduite par l’intéressé et portant le même nom, notamment les frais liés à l’édition de trois tracts et deux affiches.
Cela ne pose pas de problème de comptes de campagne car la commune compte un peu plus de 6000 habitants et, par conséquent, se trouve loin du seuil en ce domaine fixé à 9000 habitants pour les élections municipales.
Reste que cette pratique est directement contraire aux dispositions de l’article L. 52-8 du Code électoral.
Mais, bon prince, le Palais Royal passe — comme souvent — l’éponge d’un trait de plume :
« il résulte de l’instruction et n’est pas contesté que ces dépenses ont été financées par cette association au moyen de ressources correspondant à des contributions personnelles des candidats. Par suite, à supposer que ce mode de financement des dépenses électorales de la liste ” Démocratie et intérêt local ” puisse être regardé comme traduisant l’existence, au profit de cette liste, d’un don d’une personne morale au sens des dispositions de l’article L. 58-2 du code, cette irrégularité n’a pas été, dans les circonstances de l’espèce, de nature à altérer les résultats du scrutin. »
Pour comprendre cette souplesse, il faut intégrer dans le raisonnement que le juge de l’élection vise avant tout à regarder si le résultat de l’élection est vicié, ou non, par une manoeuvre l’altérant (sauf quand le juge de l’élection traite des comptes de campagne, car là le raisonnement diffère).
L’association a en quelque sorte été considérée comme transparente, on devine que celle-ci n’était pas subventionnée… DONC c’était illégal peut être mais ne changeait pas l’élection. Bourde pardonnée donc.
A ne pas reproduire chez soi comme on dit quand on s’adonne à de dangereuses acrobaties… Car au cas par cas — difficile à prédire parfois au cas par cas — un tel financement pourra aller de la plus grande tolérance à la condamnation au pénal, en passant par des sanctions électorales.
Source : CE, 4 mai 2021, n° 446992