L’agent public licencié n’a pas droit à une allocation-chômage s’il est frappé d’inaptitude physique !

Par un arrêt Mme C…  c/ commune de Reclesne en date du 16 juin 2021 (req. n° 437800), le Conseil d’État précise qu’un agent public, en l’occurrence communal, licencié ne peut bénéficier d’une allocation de retour à l’emploi (ARE) que s’il satisfait à la condition d’aptitude à l’emploi, à laquelle l’ouverture du droit à ladite allocation est subordonnée. Cependant, il n’appartient pas à l’ancien employeur public de l’apprécier même sur la base d’un avis du comité médical concluant à l’inaptitude totale et définitive à toutes fonctions. Seul préfet saisi, le cas échéant, par l’ancien employeur est compétent pour ce faire.

En l’espèce, Mme C…, employée par la commune de Reclesne depuis 2001, a été licenciée après avis du comité médical pour inaptitude totale et définitive à son emploi et à tout emploi, par un arrêté du maire en date du 20 février 2015, à compter du 20 mars 2015. Pôle emploi lui a refusé le bénéfice de l’allocation d’aide au retour à l’emploi par un courrier du 9 juillet 2015, l’informant que la prise en charge de cette allocation incombait à cette commune. Mme C… a demandé au tribunal administratif de Dijon d’annuler la décision implicite par laquelle la commune de Reclesne a refusé de lui accorder le bénéfice de cette allocation. Par une décision du 26 décembre 2018, le Conseil d’État, statuant au contentieux, a annulé le jugement du 20 mars 2017 par lequel ce tribunal avait rejeté cette demande. Sur renvoi du Conseil d’État, par un jugement du 20 novembre 2019, le tribunal administratif de Dijon a de nouveau rejeté la demande de Mme C…, qui se pourvoit en cassation contre ce dernier jugement.

Tout d’abord, le Conseil d’État casse le jugement au motif que « si l’existence d’actes positifs et répétés accomplis en vue de retrouver un emploi est une condition mise au maintien de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, elle ne saurait conditionner l’ouverture du droit à cette allocation. Ainsi, en jugeant que la commune de Reclesne avait pu légalement refuser à Mme C… l’ouverture du droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi au motif qu’elle ne justifiait pas d’actes positifs et répétés de recherche d’emploi accomplis avant sa demande, le tribunal a commis une erreur de droit. »

Puis, statuant sur le fond, le Conseil d’État précise qu’ « en revanche, l’ouverture de ce droit était subordonnée à la condition, prévue à l’article L. 5421-1 du code du travail […], reprise à l’article 1er du règlement annexé à la convention du 14 mai 2014, qu’elle soit physiquement apte au travail. Le contrôle de cette condition relève, en vertu de l’article R. 5426-1 de ce code, de la compétence du préfet. En application de l’article L. 5411-5 du code du travail, les “personnes invalides mentionnées aux 2° et 3° de l’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, bénéficiaires à ce titre d’un avantage social lié à une incapacité totale de travail, ne peuvent être inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi pendant la durée de leur incapacité”. Aux termes de l’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale : “En vue de la détermination du montant de la pension, les invalides sont classés comme suit : / 1°) invalides capables d’exercer une activité rémunérée ; / 2°) invalides absolument incapables d’exercer une profession quelconque ; / 3°) invalides qui, étant absolument incapables d’exercer une profession, sont, en outre, dans l’obligation d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie.” »

Or, « en l’espèce, si la commune de Reclesne fait valoir que Mme C… se trouvait, à la date de sa demande d’allocation d’aide au retour à l’emploi, dans une situation d’invalidité l’empêchant, en application de l’article L. 5411-5 du code du travail, de lui accorder le bénéfice de cette allocation, il résulte de l’instruction que l’intéressée était inscrite à cette date sur la liste des demandeurs d’emploi, sa demande de pension d’invalidité effectuée en application de l’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale ayant été refusée par une décision du 24 mars 2015 de la caisse primaire d’assurance maladie de la Nièvre, situation qu’elle avait portée à la connaissance de la commune de Reclesne le 7 septembre 2015. Mme C… satisfaisait à la condition d’aptitude à l’emploi aussi longtemps qu’elle demeurait inscrite sur cette liste. Il revenait, le cas échéant, à la commune, qui ne pouvait utilement opposer à l’intéressée l’avis concluant à son inaptitude totale et définitive à toutes fonctions émis le 16 décembre 2014 par le comité médical départemental dans le cadre de la procédure préalable à son licenciement de la fonction publique territoriale, cette procédure étant indépendante de celle selon laquelle s’apprécie l’aptitude au travail des personnes involontairement privées d’emploi, de saisir le préfet en vue que soit contrôlée l’aptitude physique au travail de Mme C…. »

Enfin conclut la Haute Assemblée, « il est constant qu’à la date de sa demande, Mme C… remplissait également les autres conditions auxquelles est subordonné l’octroi de l’allocation d’aide au retour à l’emploi. Par suite, elle avait droit à cette allocation et elle est fondée à demander l’annulation de la décision par laquelle le maire de Reclesne a refusé de la lui accorder. Il ne résulte pas de l’instruction que Mme C… aurait cessé de remplir les conditions pour bénéficier de l’aide au retour à l’emploi avant le 1er février 2018, date de l’ouverture de ses droits à la retraite, à compter de laquelle cette allocation ne lui était plus due en vertu de l’article 25 du règlement annexé à la convention d’assurance chômage. En revanche, l’état de l’instruction ne permet pas de déterminer le montant exact des droits que Mme C… aurait dû percevoir entre le 24 juillet 2015, date de sa demande, et le 1er février 2018. Il y a lieu, en conséquence, de la renvoyer devant la commune de Reclesne pour le calcul et le versement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi au cours de cette période. »

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-06-16/437800