Peut-on attaquer, devant le Conseil d’Etat, la nomination d’un Ministre au Gouvernement ?
Réponse : non bien sûr. En l’espèce, il s’agissait de l’actuelle nomination du Garde des Sceaux.
Le Conseil d’Etat a, bien sûr, répondu que :
« Toutefois, il n’appartient pas au Conseil d’Etat, statuant au contentieux, de se prononcer sur la légalité des actes relatifs aux rapports d’ordre constitutionnel institués entre le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement »
On rappellera qu’il s’agit d’« actes de Gouvernement » qui, en droit administratif, sont des actes qui échappent à tout recours contentieux en annulation ou en indemnisation, car ils touchent soit aux rapports entre pouvoirs constitutionnels de notre Pays, soit ce qui n’est pas détachable de la conduite des relations internationales de la France.
Sources : CE, 19 février 1875, Prince Napoléon, rec. 155 ; CE, 26 novembre 2012, Krikorian, n°350492 ; CE, 2 février 2016, Lecuyer, n° 387931… Voir récemment : La notion « d’acte de gouvernement » (lato sensu) est en grande forme (CE, 3 octobre 2018, n° 410611 et CE Ass., 12 octobre 2018, n°408567) … Ou encore pour les emprunts russes : TC, 11 mars 2019, Mme R…, épouse D… c/ Agent judiciaire de l’Etat, n° 4153, B. (Emprunts russes : responsabilité pour faute de l’Etat français, NON. Responsabilité pour rupture d’égalité devant les charges publiques, OUI. ).
Et pour ceux qui s’indigneraient (c’est aussi très à la mode de s’indigner de tout….) de cette jurisprudence, on rappellera que c’est la base de la séparation des pouvoirs que de ne pas laisser les uns empiéter sur les attributions des autres en principe….
Voici cette amusante décision qui était irrecevable d’avance (mais ce semble être à la mode ces temps-ci de faire des recours que l’on sait devoir être irrecevables ; pour un cas hallucinant au regard des règles déontologiques pesant sur les avocats, voir ici) :
Conseil d’État
N° 443899
ECLI:FR:CECHS:2021:443899.20210803
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
Mme Pauline Hot, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
Lecture du mardi 3 août 2021
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. E… C… demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 6 juillet 2020 relatif à la composition du Gouvernement en tant qu’il nomme M. B… F… garde des sceaux, ministre de la justice.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme D… A…, auditrice,
– les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
M. C… demande l’annulation du décret en date du 6 juillet 2020 relatif à la composition du Gouvernement en tant qu’il nomme M. F… garde des sceaux, ministre de la justice. Toutefois, il n’appartient pas au Conseil d’Etat, statuant au contentieux, de se prononcer sur la légalité des actes relatifs aux rapports d’ordre constitutionnel institués entre le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement. Par suite, les conclusions de la requête ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative et doivent être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. C… est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. E… C…, au garde des sceaux, ministre de la justice, et au Premier ministre.
Copie en sera adressée à M. B… F….