Audition ou entretien en visioconférence : il ne faut pas couper sa caméra !

Par un arrêt M. J… c/ université d’Orléans en date du 29 décembre 2021 (req. n° 446541), le Conseil d’État considère que lorsqu’une audition est réalisée en visioconférence en vue de classer des candidats afin de pourvoir un emploi de professeur d’université, la circonstance que les membres du jury ont coupé leur caméra durant l’audition de l’un des candidats, entache la procédure de recrutement d’illégalité. En effet, l’image permet à la personne auditionnée de pouvoir identifier à tout moment l’ensemble des membres du jury et de s’assurer de leur participation effective à l’audition. Compte tenu de ce motif, il est raisonnable de considérer que cette jurisprudence peut être étendue à tout entretien.

En l’espèce, l’université d’Orléans a ouvert au recrutement, sous le n° 4432, un poste de professeur des universités en mécanique, génie mécanique, génie civil. Par une délibération du 2 juin 2020, le comité de sélection de cette université a établi, après audition en visioconférence de cinq candidats, une liste de trois candidats dans laquelle M. P… E… a été classé en première position et M. H… J…, maître de conférences en fonctions à l’université d’Orléans, figurait en deuxième position. Par une délibération du 26 juin 2020, le conseil d’administration de l’université siégeant en formation restreinte a émis un avis favorable à cette liste. Par décret du 23 octobre 2020 portant nomination et affectation (enseignements supérieurs), M. E… a été nommé professeur des universités sur le poste ainsi ouvert au recrutement par l’université d’Orléans.

Mécontent, M. J… a saisi le Conseil d’État d’une demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la délibération du comité de sélection du 2 juin 2020, de la délibération du conseil d’administration de l’université siégeant en formation restreinte du 26 juin 2020, de la « décision » du 17 septembre 2020 par laquelle le président de l’université d’Orléans a indiqué à M. J… son classement par le comité de sélection et du décret du 23 octobre 2020 en tant qu’il nomme M. E… professeur des universités dans la spécialité « mécanique, génie mécanique, génie civil » à l’université d’Orléans.

Le Conseil d’État va lui donner raison. Après avoir rappelé l’ensemble de la réglementation applicable aux auditions des candidats, il rappelle tout d’abord que « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie. »

Or, poursuit-il, « il ressort des pièces du dossier que le 2 juin 2020, le comité de sélection de l’université d’Orléans réuni pour le recrutement sur le poste de professeur des universités n° 4432 ouvert par cette université a procédé par visioconférence à l’audition de cinq candidats, chacune de ces auditions comprenant un exposé présenté par le candidat et un échange entre celui-ci et les membres du comité de sélection. M. J… soutient, sans être contredit, que les membres du comité de sélection, après une brève présentation de chacun d’entre eux, ont éteint leur caméra durant l’exposé qu’il a présenté, de sorte que, sur l’écran de son ordinateur, n’étaient affichées que des vignettes noires comportant uniquement les initiales des noms et prénoms des membres du comité de sélection, et que ceux-ci, à la demande expresse de l’intéressé, ont ré-ouvert leur caméra durant la phase d’échanges ayant suivi son exposé. Dès lors, l’audition de M. J… en visioconférence s’est déroulée sans que “la transmission de la voix et de l’image” des membres du comité de sélection ait eu lieu “en temps simultané, réel et continu”, ce qui ne lui a ainsi pas permis de pouvoir identifier à tout moment l’ensemble des membres du comité de sélection et de s’assurer de leur participation effective à l’audition. Par suite, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, M. J…, alors même qu’il n’a pas apporté au procès-verbal de son audition de mentions relatives aux conditions de son déroulement, est fondé à soutenir que la délibération du comité de sélection du 2 juin 2020, adoptée à l’issue de cette audition qui s’est déroulée en méconnaissance [de la réglementation applicable], est intervenue au terme d’une procédure irrégulière, qui l’a privé d’une garantie, et à en demander l’annulation, ainsi que, par voie de conséquence, celle de la délibération du conseil d’administration de l’université siégeant en formation restreinte du 26 juin 2020 et du décret du 23 octobre 2020 en tant qu’il nomme M. E… professeur des universités dans la spécialité “mécanique, génie mécanique, génie civil” à l’université d’Orléans. »

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000044635959?juridiction=CONSEIL_ETAT&juridiction=COURS_APPEL&juridiction=TRIBUNAL_ADMINISTATIF&juridiction=TRIBUNAL_CONFLIT&page=1&pageSize=10&query=446541&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=cetat