Face à la campagne électorale en cours, et aux erreurs que j’ai vu tout le week-end sur les réseaux sociaux, je voudrais faire 3 petits rappels juridiques.
I. Non les entreprises ne financent pas les partis politiques et les dons des personnes physiques sont eux-mêmes très vite limités. Donc halte aux infox !
Dans le cadre des débats sur les sociétés de conseil, qui est un débat gestionnaire (et donc politique) mais pas juridique ni électoral, ce qui tourne en boucle depuis deux jours, ce sont des fake news (infox en bon français) relatives aux financements des campagnes électorales.
Il faut arrêter de dire n’importe quoi bon sang.
Les personnes morales (sauf partis politiques et sauf associations de financement électorale), en France (et c’est heureux, voyons le mal que cette pratique fait à la Démocratie étasunienne !) ne peuvent pas financer les campagnes électorales ni les formations politiques.
Oui mais cela passe par les contributeurs personnes physiques vois-je en ligne (cette infox a beaucoup servi déjà en 2017 d’ailleurs). A cela répondons par un chiffre : les dons consentis par une personne pour le financement de la campagne électorale d’un ou plusieurs candidats ne peuvent pas excéder 4600 € pour les mêmes élections (ensemble des scrutins d’un même type).
Ce n’est pas avec une pareille somme que vous pourrez influencer un candidat à une élection nationale ni contribuer de manière notable à son budget.
Point final. Mais nul doute que des vents mauvais, notamment venant de l’Est, continueront de souffler ces infox sur les braises mal éteintes qui en permanence menacent d’embraser notre pays. Hélas.
II. Non il n’est pas légal que des formations politiques achètent à Facebook ou Twitter de quoi booster la diffusion de certains posts. Et pourtant certaines (assez nombreuses et de tous bords) le font. Voici (hélas) pourquoi.
NON les divers mouvements politiques ne peuvent pas (alors que beaucoup le font ces temps-ci, de tous bords) payer Twitter ou FaceBook pour que leurs posts / billets / informations soient mieux promus.
Il est à rappeler que sur ces réseaux, à côté des publicités classiques… il est possible aussi, moyennant finances, de « booster », et donc de promouvoir, élargir l’audience, de ses publications, notamment sur Facebook.
Or, le juge administratif a bien avec constance rappelé que c’est illégal. Mais bien sûr cela n’entraînera la censure de l’élection que si cela a pu changer quelque chose au scrutin (en fonction de l’écart de voix, de la nature et de la diffusion du message, de la date de diffusion aussi…).
Source : voir le point 4 de CE, 28 mai 2021, n° 445567
NB : les seules publicités autorisées sont pour l’appel aux dons pour les candidats, selon un régime lourd et d’ailleurs très peu pratiqué.
Voir aussi dans le même sens, toujours concernant Facebook, et avec, in fine, la même souplesse du juge quant à l’impact de tels procédés sur la sincérité du scrutin :
(voir notre article : Communication électorale sur les réseaux sociaux : booster n’est pas jouer ).
Mais le juge peut être très compréhensif sur le faible impact de cette illégalité sur la sincérité du scrutin.
Pour un cas tout de même un peu énorme, concernant un tel boost publicitaire sur FaceBook : Source : CE, 15 septembre 2021, n° 450600
https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-09-15/450600
NB en ces domaines, le juge fait montre de mansuétude aussi sur la censure au titre de l’article L.52-8 du code électoral de tels achats modestes. Quant aux comptes de campagne, ces petites dépenses sont réintégrées, mais avec trop peu d’effet, en règle générale, pour conduire à un déficit sanctionnable ou à un dépassement notable de plafond…
Donc c’est illégal mais le juge fait pour l’instant preuve sur ce point de mansuétude tant en électoral qu’en pénal (mais les dépenses seront décomptées des comptes de campagne pour le remboursement si ces faits remontent à la CNCCFP… ceci posé nous parlons de petites sommes). C’est pour cela que cette pratique, quoiqu’illégale, est perçue en ce moment par tous les partis qui s’y adonnent (et ils sont nombreux à le faire) comme une petite triche presque légale. Et c’est fort regrettable, j’en suis bien d’accord.
Voir aussi à ce sujet notre vidéo :
III. Non… Non… On ne peut pas utiliser des véhicules de publicité électorale comme s’apprête à le faire une personne candidate à la magistrature suprême. C’est du pénal ET c’est illégal en droit électoral. [bis repetita 🤷🏻]
Les médias se font l’écho de la décision d’au moins une des personnes candidates à l’élection présidentielle de multiplier les grands véhicules avec des publicités électorales…
Alors on va rappeler un peu de droit :
- c’est sanctionné électoralement… ce qui veut dire que cela n’aura d’impact sur l’élection qu’en cas de victoire courte… mais que cela peut donner lieu à rectification douloureuse sur les comptes de campagne
Compléments :- Les articles L. 51 et L. 113-1 du Code électoral sont clairs pour sanctionner tout affichage en dehors des panneaux et le juge administratif a souvent statué pour dire que cela s’appliquait partout y compris sur tout autre type d’affichage (ce qui compte est qu’il y ait publicité électorale et non le support). Voir aussi CC, 14 décembre 2012, n° 2012-4628 AN…
Précisons que la jurisprudence électorale est elle ample à ce sujet mais tout dépend ensuite de l’écart de voix…
A noter : s’il s’agit d’un affichage électoral irrégulier, mais si le bénéficiaire de cet affichage électoral, mis en demeure de supprimer des affiches irrégulières, s’est exécuté dans le délai de 48 heures qui lui a été prescrit, celui-ci ne peut être pénalement mis en cause dans le cadre du code de l’environnement qui s’applique aux affichages et dont on pourrait prétendre qu’il s’applique aussi en un tel cas (C. env., art. L. 581-35, al. 2).
Le TA de Nantes (TA Nantes, 11 février 2021, n° 2006288) a confirmé que le procédé est illégal, et ce jugement a été confirmé en appel par le Conseil d’Etat (en électoral municipal le CE est juge d’appel) par une décision récente (CE, 30 décembre 2021, n° 450527 ; censure du procédé mais non annulation de l’élection en raison de l’amplitude des différences de voix au regard de l’impact supposé de cette publicité illégale).
MAIS gare à l’impact possible sur les comptes de campagne… surtout pour des partis politiques à court d’argent…
- Les articles L. 51 et L. 113-1 du Code électoral sont clairs pour sanctionner tout affichage en dehors des panneaux et le juge administratif a souvent statué pour dire que cela s’appliquait partout y compris sur tout autre type d’affichage (ce qui compte est qu’il y ait publicité électorale et non le support). Voir aussi CC, 14 décembre 2012, n° 2012-4628 AN…
- C’est sanctionné pénalement mais avec une forme de droit à l’erreur pour celui qui retire ses publicités illégales de bonne foi dans les 48 heures
Compléments :- Le juge pénal a censuré depuis longtemps l’usage d’affiches ou autre messages électoraux en dehors des espaces prévus à cet effet même s’il ne s’agit pas d’affiches à strictement parler (TGI Belley, 4 févr. 1965 : JCP G 1965, II, 14144 ; voir aussi TGI Carcassonne, 2 Novembre 1990, Numéro JurisData : 1990-603045).
Précisons que la jurisprudence électorale est elle ample à ce sujet mais tout dépend ensuite de l’écart de voix…
A noter : s’il s’agit d’un affichage électoral irrégulier, mais si le bénéficiaire de cet affichage électoral, mis en demeure de supprimer des affiches irrégulières, s’est exécuté dans le délai de 48 heures qui lui a été prescrit, celui-ci ne peut être pénalement mis en cause dans le cadre du code de l’environnement qui s’applique aux affichages et dont on pourrait prétendre qu’il s’applique aussi en un tel cas (C. env., art. L. 581-35, al. 2).
- Le juge pénal a censuré depuis longtemps l’usage d’affiches ou autre messages électoraux en dehors des espaces prévus à cet effet même s’il ne s’agit pas d’affiches à strictement parler (TGI Belley, 4 févr. 1965 : JCP G 1965, II, 14144 ; voir aussi TGI Carcassonne, 2 Novembre 1990, Numéro JurisData : 1990-603045).
Voir les sources plus détaillées dans notre article que voici :
Je crois en la Démocratie représentative et en l’utilité des partis politiques selon une formule parfaitement bien calibrée par l’article 4 de notre Constitution. Mais ma foi vacillerait un peu moins si lesdits partis faisaient mieux leur boulot et si les communicants acceptaient d’écouter un peu les juristes (voire les financiers qui dans un moins un parti devraient commencer d’avoir peur pour leurs remboursements de frais au titre des comptes de campagne… C’est que cela coûte cher de faire tourner des bus !).
De l’extrême droite à l’extrême gauche en passant par toutes les couleurs intermédiaires, il doit bien se trouver des gens un peu raisonnables dans les divers partis, non ?
VOIR AUSSI CES DEUX VIDÉOS DE DIDIER MAUS PORTANT EN PARTIE SUR DES DÉBATS QUI ONT EU LIEU RÉCEMMENT SUR CETTE ÉLECTION MUNICIPALE
Il s’agit d’une nouvelle série de vidéos faites par le Professeur Didier Maus (DMconseil@hotmail.com) en lien avec le cabinet Landot & associés. Voici les deux vidéos précédentes :
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