Par un arrêt M. B… c/ ministre de l’Europe et des affaires étrangères en date du 6 mai 2022 (req. n° 21PA05111), la cour administrative d’appel de Paris a considéré que tous les témoignages recueillis dans le cadre d’une enquête administrative n’avaient pas à être obligatoirement portés à la connaissance de l’agent ou du conseil de discipline dès lors que ceux qui l’y ont été étaient en rapport avec l’objet de la saisine. Ce faisant, l’enquête administrative menée par l’administration n’est ni partiale ni insuffisante.
En l’espèce, à la suite de son admission au concours d’adjoint administratif de chancellerie de l’année 2018, M. B… a été nommé adjoint administratif de chancellerie de 2ème classe stagiaire le 18 juin 2018 et affecté au poste d’assistant ressources à la direction de la Russie et de l’Europe centrale du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. À la suite d’un signalement sur le comportement de M. B…, l’administration a diligenté une enquête administrative concernant les faits qui lui étaient reprochés. C’est ainsi que les 85 agents lauréats de la même promotion que M. B… ont été destinataires d’un courrier électronique du 14 août 2019 émanant du service juridique du ministère et les invitant, dans le cadre de ladite enquête administrative, à faire part de leurs propres observations quant au comportement de M. B…, à charge comme à décharge, dont ils pourraient avoir été témoins, tout en rappelant les garanties d’anonymat et de protection entourant ces témoignages.
À l’issue de cette enquête et par une décision du 27 décembre 2019, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères lui a infligé la sanction disciplinaire d’exclusion définitive de service, avec publication.
Par un jugement du 13 juillet 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision. M. B… a alors interjeté appel de ce jugement arguant notamment de ce que l’enquête administrative diligentée par sa hiérarchie pour établir ses manquements à ses obligations professionnelles n’aurait été pas impartiale et que tous les procès-verbaux des témoignages recueillis ne lui auraient pas été communiqués.
La cour a écarté cette argumentation en rappelant tout d’abord que « lorsqu’une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d’un agent public, le rapport établi à l’issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu’ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l’agent faisant l’objet de l’enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication sauf si celle-ci serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné. »
Puis, la cour relève d’une part, que « s’il est constant que M. B… ne s’est vu communiquer qu’une partie des 52 contributions d’agents recueillies par le ministre, annexée au rapport disciplinaire, les contributions qui ne lui ont pas été communiquées avant le conseil de discipline et qui ont été produites en première instance ne sauraient être regardées comme des procès-verbaux d’audition, soumis en tant que tels à l’obligation de communication à l’agent avant que ne soit prise une sanction disciplinaire, dès lors que ces contributions émanaient de personnes mentionnant ne pouvoir relater aucun comportement de l’intéressé, à charge comme à décharge, dont elles auraient été témoins. Dans ces circonstances particulières, M. B… n’est pas fondé à soutenir que la procédure disciplinaire aurait été viciée du fait de la non communication de ces contributions avec le rapport disciplinaire. »
D’autre part, la cour précise que « M. B… n’établit que l’enquête administrative menée par l’administration à la suite du signalement de ses agissements aurait été partiale et insuffisante, dès lors qu’ainsi que l’ont relevé les premiers juges cette enquête a sollicité, de manière impartiale, l’ensemble des collègues de promotion de M. B… pour les inviter à témoigner, à charge comme à décharge et le cas échéant avec la garantie de l’anonymat. La circonstance que l’intégralité des témoignages recueillis, dont il est constant qu’un certain nombre indiquait ne pas pouvoir se prononcer sur le comportement de M. B…, n’a pas été produit devant le conseil de discipline est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors qu’il est constant que tous les témoignages soumis à ce conseil se rapportaient aux faits faisant l’objet de sa saisine. »
Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :
Voir aussi :
- Diagnostic et propositions sur les pouvoirs d’enquête de l’administration (rapport CE)
- Affaire du Parquet national financier : un syndicat peut-il attaquer la décision de lancer une enquête interne, confiée à l’inspection générale de cette administration ?
- Le rapport d’enquête administrative et les PV d’audition des témoins doivent en principe être communiqués à l’agent intéressé
- Confirmation en contentieux administratif : le juge couvre le versement de pièces issues d’une instruction pénale, même obtenues sous le manteau [affaire des procurations frauduleuses à Marseille]
- voir aussi pour les développements dans cette vidéo relatifs aux enquêtes internes : Fonction publique : 10 questions sur le harcèlement [VIDEO]