La domiciliation par les CCAS et les CIAS s’applique à presque toutes les personnes « sans domicile stable » (personne ne disposant pas d’une adresse lui permettant d’y recevoir et d’y consulter son courrier de façon constante et confidentielle).
Pour prétendre au service des prestations sociales légales, réglementaires et conventionnelles, à l’exercice des droits civils qui leur sont reconnus par la loi, ainsi qu’à la délivrance d’un titre national d’identité, à l’inscription sur les listes électorales ou à l’aide juridictionnelle, ces personnes sans domicile stable peuvent ainsi (« doivent » dit l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles [CASF]) :
« élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé à cet effet.»
L’élection de domicile est accordée pour une durée limitée, tout en étant renouvelable de droit (art. L. 264-2 du CASF) et ne peut prendre fin que dans les conditions mentionnées à l’article L. 264-5 du CASF.
Par décision spécialement motivée (art. L. 264-4 du CASF), les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale (CCAS ; CIAS) peuvent refuser l’élection de domicile des personnes sans domicile stable qui en font la demande, au motif que celles-ci :
« ne présentent aucun lien avec la commune ou le groupement de communes ».
… et encore est-ce avec l’obligation d’orienter :
« l’intéressé vers un organisme en mesure d’assurer sa domiciliation. » (art. L. 264-4 du CASF).
L’organisme qui assure la domiciliation :
« y met fin lorsque l’intéressé le demande, lorsqu’il acquiert un domicile stable ou lorsqu’il ne se manifeste plus. » (art. L. 264-5 du CASF).
Disposent des mêmes droits à domiciliation que les nationaux :
• les citoyens européens (UE) ou ceux de de l’Espace Economique Européen (EEE) ou de la Suisse.
• les membres de famille non UE de citoyens UE.
• les étrangers en situation régulière.
Ajoutons que
- les demandeurs d’asile (ceux qui n’ont donc pas encore cette qualité) ne se voient pas appliquer le régime général. Les CCAS et les CIAS sont supposés ne PAS les domicilier, mais les renvoyer vers les organismes conventionnés en application de l’article L. 744-1 ou vers ceux hébergeant de manière stable des demandeurs d’asile. En général, c’est au stade du dépôt de sa demande d’asile, que l’intéressé a été domicilié ou informé des conditions de cette domiciliation (Article L. 264-10 du CASF). Après, tout dépendra de la situation de cette personne au regard du droit d’asile.
- Le cas des ressortissants étrangers en situation irrégulière
L’article L. 264-2 alinéa 3 du CASF prévoit que les étrangers non ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne (UE), de l’Espace Economique Européen (EEE) ou de la Suisse, dépourvus d’un titre de séjour en cours de validité ne peuvent accéder au dispositif de domiciliation de droit commun que pour le bénéfice de certains droits et prestations auxquels ils souhaitent prétendre (aide médicale de l’Etat ; aide juridictionnelle ; exercice des droits civils dont les demandes d’admission ou de renouvellement d’admission au séjour).
On le voit, un CCAS ou un CIAS peut donc dans certains cas refuser cette demande :
- aux personnes qui « ne présentent aucun lien avec la commune ou le groupement de communes », sans que cette notion soit d’une clarté absolue (mais le juge apprécie celle-ci de manière large, voir par exemple : CAA Lyon, 6e ch. – formation à 3, 5 juill. 2018, n° 16LY03057 ; TA Pau, ord., 23 avr. 2013, n° 1200683 ; TA Lyon, ord., 27 août 2015, n° 1507061 ).
- aux personnes qui ne seraient pas « sans domicile stable », ou qui (au stade d’un renouvellement) ne relèveraient plus de cette catégorie (là encore le juge est exigeant ; voir par exemple TA Lyon, ord., 1er avr. 2016, n° 1601980)
- à certains demandeurs d’asile ou étrangers en situation irrégulière, mais avec donc des subtilités très brièvement résumées ci-avant
De fait, le fonctionnement de ce régime ne semble pas aisé et les refus semblent plus nombreux que ce qu’impose le droit. Citons le texte, non pas d’une réponse ministérielle à un parlementaire, mais un extrait d’une question parlementaire, éclairante à ce sujet :
« Un collectif de structures associatives composé d’Emmaüs France, du Secours catholique, de la Fédération des acteurs de la solidarité, de Dom’Asile et du Collectif national droits de l’Homme Romeurope a dressé un constat alarmant sur le fonctionnement de la domiciliation. Le droit à la domiciliation est essentiel : bien plus qu’une adresse, il représente une première étape vers la réinsertion sociale en permettant aux personnes sans domicile stable de faire valoir leurs droits civils, civiques, et sociaux. L’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles dispose que « les personnes sans domicile stable doivent élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé à cet effet ». Selon le collectif associatif, les Centres communaux et intercommunaux d’action sociale domicilient peu, faute de moyens financiers suffisants, et renvoient les personnes sans domicile stable vers les associations domiciliataires. Or ces structures, fonctionnant souvent sur fonds propres, ne disposent ni des locaux ni des ressources humaines et financières adaptées pour mener à bien cette mission. La gestion du courrier, par exemple, nécessite des formations spécifiques afin de répondre aux exigences légales, notamment en matière de confidentialité et de protection des données personnelles.»
Question N° 20859 de M. Jacques Marilossian (La République en Marche – Hauts-de-Seine ), JOAN Q, 24/09/2019, p. 8358
De ces refus, peuvent bien évidement naître des contentieux.
A noter : le réflexe normal des requérants sera parfois d’engager un référé liberté mais ce n’est pas toujours idoine car le juge peut parfois rejeter au motif que le demandeur ne serait pas en vraie urgence puisqu’il peut se tourner vers une association agréée (voir par exemple TA Versailles, ord., 7 oct. 2014, n° 1407109).
Or, de manière intéressante, le TA de Cergy-Pontoise, par jugement du 7 juillet 2022, a précisé la procédure contentieuse relative à ces recours portant sur les demandes d’élection de domicile.
Le TA pose qu’il s’agit de :
- litiges sociaux au sens de l’article R. 222-13 du code de justice administrative (CJA) avec possibilité de juge unique donc
- contentieux dits sociaux des articles R. 772-5 et suivants du CJA.
- plein contentieux (et non de REP).
Citons le communiqué du TA, qui mérite d’être reproduit :
« Les articles L. 264-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles prévoient la possibilité pour la personne n’ayant pas de domicile stable de disposer d’une adresse postale auprès d’un centre communal d’action sociale ou d’un organisme agréé. Cette domiciliation est un préalable pour garantir l’exercice effectif des droits sociaux des personnes. Eu égard à la finalité de ce dispositif, les refus de domiciliation doivent être regardés comme des litiges sociaux au sens de l’article R. 222-13 du code de justice administrative et faire l’objet d’une procédure à juge statuant seul.
« Il y a lieu, en outre, d’appliquer la procédure spécifique aux contentieux dits sociaux des articles R. 772-5 et suivants du code de justice administrative permettant d’améliorer l’effectivité des recours juridictionnels en matière sociale.
« Enfin, dans la lignée jurisprudentielle du Conseil d’État (voir par exemple : CE, 3 juin 2019, Mme V., n° 423001, A ou plus récemment, CE,19 novembre 2021, Mme E. , n° 440802, B), il y a lieu pour le juge d’exercer son office en plein contentieux et de se prononcer, non sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d’examiner la situation de l’intéressé, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait résultant de l’instruction et notamment de savoir si, d’une part, la personne ne dispose pas d’un domicile stable et, d’autre part, si elle a un lien suffisant avec la commune dans laquelle elle demande sa domiciliation.»
Source : TA Cergy-Pontoise, 7 juillet 2022, n°2103358
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