CAA de Toulouse : ultime castagne pour un nouveau ring

Crédits photographiques : Guillaume Groult (sur Unsplash ; photo au cadrage modifié pour correspondre à notre mise en page)

Pour ceux qui aiment la castagne juridictionnelle (et à Toulouse même les mémés l’aiment),  en appel, la ville rose est donc un nouveau ring. 

Retour sur les 10 épisodes de cette nouvelle saga, au jour de la « grande bascule » vers la ville rose… au lendemain d’une seconde validation, par le Palais Royal, de la légalité de ce choix. 

  • 1. La décision 
  • 2. Le choix  
  • 3. Le calendrier en GRH
  • 4. La validation sans surprise du choix toulousain par le CE
  • 5. Le calendrier processuel et les découpages en termes de ressorts territoriaux 
  • 6. Deux chambres (avec vues sur 3 TA) à Toulouse (en attendant 4), pour 21 magistrats et 25 agents
  • 7. L’inauguration 
  • 8. Site et coordonnées 
  • 9. Place à la castagne dans la ville rose, avec 600 contentieux transférées du TA de Toulouse à ceux de Montpellier et Nîmes
  • 10. Second non-lieu pour ce choix de lieu 

 

Remontons donc, étape par étape, le fil de cette histoire à l’eau de rose… 

 

1. La décision

 

En octobre 2018, la Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et ancienne élue de la région, annonçait la création d’une nouvelle CAA, la 9e du genre, en région Occitanie, en un lieu qui restait à fixer et qui avait donné lieu à quelques belles concurrences entre Toulouse et Montpellier). Voir à l’époque :

 

2. Le choix

 

Puis c’est Toulouse qui l’emporta contre Montpellier. Un des points faibles du dossier toulousain était initialement l’obligation de construire des locaux. Finalement, l’ancien rectorat de Toulouse avait pu être proposé pour être le siège de cette CAA, ce qui a conduit à un feu vert final pour le dossier de la ville rose.

Toulouse sortit donc victorieuse de son bras de fer avec Montpellier, pendant que d’autres ajustements de ressorts territoriaux de CAA étaient adoptés, au Nord de la Loire cette fois (décret n° 2020-516 du 5 mai 2020) :

 

 

3. Le calendrier en GRH

 

Puis on a appris le calendrier précis de déploiement de cette nouvelle CAA de Toulouse, en 2022 pour ce qui est de l’ouverture des chambres :

 

Voici ce calendrier tel que fixé en janvier 2021 :

  • Février 2021 : désignation de deux présidents P5 qui présideront les deux chambres qui ouvriront au premier trimestre 2022
  • Mars 2021 : désignation de deux présidents P1P4 qui assureront dans ces deux chambres les fonctions de présidents-assesseurs
  • Septembre 2021 : désignation informelle du futur président et du futur greffier en chef, qui constitueront l’équipe de préfiguration
  • Octobre 2021 : examen d’un mouvement de mutation complémentaire des conseillers et premiers conseillers pour pourvoir les deux chambres qui ouvriront au premier trimestre 2022 (6 postes)
  • Fin 2021 : examen pour avis par le CSTACAA de l’arrêté modifiant le code de justice administrative et créant la CAA de Toulouse
  • Fin 2021 : avis du CSTACAA sur la nomination du président de la CAA et désignation, par mutation ou liste d’aptitude complémentaire, du vice-président de la cour (P6)
  • Premier trimestre 2022 : ouverture des deux premières chambres
  • Février à avril 2022 : les mouvements habituels (P5, P1P4, C/PC) intègreront l’ouverture de deux chambres supplémentaires en septembre 2022
  • Septembre 2022 : ouverture des deux dernières chambres de la cour

 

4. La validation sans surprise du choix toulousain par le CE

 

… et dans la foulée, ô surprise (non je plaisante…), le Conseil d’Etat avait validé la décision en faveur de Toulouse, au détriment de Montpellier !

Voir : CE, 19 mai 2021, n° 439677

LOL

Etait alors attaqué la décision matérialisée par un communiqué de presse (droit souple : voir nos nombreux articles sur l’arrêt Gisti…).

 

 

 

5. Le calendrier processuel et les découpages en termes de ressorts territoriaux

 

Après un délai fort long après son passage en CSTACAA… voici enfin que le décret sur cette CAA a réussi à échouer au JO avec le,décret n° 2021-1583 du 7 décembre 2021 portant création de la cour administrative d’appel de Toulouse (NOR : JUSC2132957D) :

C’est donc bien à compter du 1er janvier 2022 qu’aura été créée cette cour administrative d’appel à Toulouse (art. 1er du décret).

La CAA de Toulouse est compétente pour connaître des requêtes qui, relevant de sa compétence territoriale, sont enregistrées à compter du 1er mars 2022.

Oui mais quelle compétence territoriale ? Décortiquons ceci ensemble.

A ce jour, les siège et ressorts des CAA sont fixés comme suit :

  • Bordeaux : ressort des tribunaux administratifs de Bordeaux, Limoges, Pau, Poitiers, Toulouse, Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon ;
  • Douai : ressort des tribunaux administratifs d’Amiens, Lille et Rouen ;
  • Lyon : ressort des tribunaux administratifs de Clermont-Ferrand, Dijon, Grenoble et Lyon ;
  • Marseille : ressort des tribunaux administratifs de Bastia, Marseille, Montpellier, Nice, Nîmes et Toulon ;
  • Nancy : ressort des tribunaux administratifs de Besançon, Châlons-en-Champagne, Nancy et Strasbourg ;
  • Nantes : ressort des tribunaux administratifs de Caen, Nantes et Rennes ;
  • Paris : ressort des tribunaux administratifs de Melun, Montreuil, Paris, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna ;
  • Versailles : ressort des tribunaux administratifs de Cergy-Pontoise, Orléans et Versailles.

 

A compter du 1er mars 2022, donc, les sièges et ressorts des CAA furent fixés comme suit (ce qui change étant en gras et souligné et ce qui est supprimé étant rayé et mis en gras) :

  • Bordeaux : ressort des tribunaux administratifs de Bordeaux, Limoges, Pau, Poitiers, Toulouse, Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon ;
  • Douai : ressort des tribunaux administratifs d’Amiens, Lille et Rouen ;
  • Lyon : ressort des tribunaux administratifs de Clermont-Ferrand, Dijon, Grenoble et Lyon ;
  • Marseille : ressort des tribunaux administratifs de Bastia, Marseille, Montpellier, Nice, Nîmes et Toulon ;
  • Nancy : ressort des tribunaux administratifs de Besançon, Châlons-en-Champagne, Nancy et Strasbourg ;
  • Nantes : ressort des tribunaux administratifs de Caen, Nantes et Rennes ;
  • Paris : ressort des tribunaux administratifs de Melun, Montreuil, Paris, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna ;
  • Toulouse : Montpellier, Nîmes, Toulouse
  • Versailles : ressort des tribunaux administratifs de Cergy-Pontoise, Orléans et Versailles.

 

Les requêtes qui relèvent de la compétence territoriale de la CAA de Toulouse et qui, enregistrées au greffe de la CAA de Bordeaux ou à celui de la cour de Marseille à compter du 1er mai 2021, n’ont pas été inscrites à un rôle de ces cours avant le 1er mars 2022 sont transmises à la CAA d’appel de Toulouse par le président de la cour auprès de laquelle elles ont été enregistrées. Il en va de même pour les requêtes connexes via un aliéna de ce décret avec quelques subtilités rédactionnelles.

Les décisions de transmission n’ont pas à être motivées et seront notifiées aux parties et au président de le CAA de Toulouse.

Les CAA de Bordeaux et Marseille demeurent saisies des requêtes qui, ne relevant plus de leur compétence territoriale, n’ont cependant pas été transmises en vertu de ce nouveau régime.

Bien évidement, les actes de procédure accomplis régulièrement devant les cours administratives d’appel de Bordeaux et de Marseille restent valables devant la cour administrative d’appel de Toulouse.
La cour administrative d’appel de Toulouse peut accomplir tout acte de procédure avant le 1er mars 2022 pour les affaires qui lui sont transférées.

 

Le tableau des experts auprès de la cour administrative d’appel de Toulouse prévu par l’article R. 221-9 du code de justice administrative est constitué pour l’année 2022 par les experts inscrits sur les tableaux auprès des cours administratives d’appel de Bordeaux et de Marseille qui ont un établissement professionnel ou une résidence dans le ressort de la cour administrative d’appel de Toulouse pour la durée de leur inscription probatoire ou définitive qui reste à courir.

Les recours présentés sur le fondement de l’article R. 221-19 du code de justice administrative entre le 1er mars 2022 et le 31 décembre 2022 sont adressés selon le cas au président de la cour administrative d’appel de Bordeaux ou de Marseille et jugés conformément au tableau d’attribution arrêté par le président de la section du contentieux valable pour 2022.

Un régime transitoire est fixé aussi pour les demandes d’aide juridictionnelle présentées avant le 1er mars 2022, ainsi que pour les demandes d’exécution d’un jugement.

Le compte à rebours était lancé.

 

 

 

6. Deux chambres (avec vues sur 3 TA) à Toulouse (en attendant 4), pour 21 magistrats et 25 agents

 

Restait à définir le nombre de chambres de cette future CAA. Celui-ci a été fixé à deux par l’arrêté du 8 décembre 2021 fixant le nombre de chambres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (NOR : JUSE2135829A) :

NB sans diminution des chambres des autres cours. 

Du 1er mars au 1er septembre, la cour sera composée de 21 magistrats et de 25 agents et commencera à fonctionner avec deux chambres.

Au 1er septembre 2022, deux chambres supplémentaires devaient être créées pour permettre à la cour de fonctionner à plein régime. Ce fut fait avec l’arrêté du 15 février 2022 (NOR : JUSE2203742A).

Voir ensuite l’arrêté du 30 mai 2022 fixant le nombre de chambres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (NOR : JUSE2215790A). 

Crédits photographiques : Guillaume Groult (sur Unsplash ; photo au cadrage modifié pour correspondre à notre mise en page)

7. L’inauguration

 

Jeudi 16 décembre 2021, le Premier ministre Jean Castex a inauguré, en présence de Bruno Lasserre, vice-président du Conseil d’État, et d’Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de justice, la nouvelle cour de Toulouse, qui sera la 9e cour administrative d’appel du territoire national.

 

> Voir la prise de parole du Premier ministre Jean Castex à l’occasion de l’inauguration de la Cour administrative d’appel de Toulouse

 

 

8. Site et coordonnées

 

Installée au 3, rue Montoulieu-Saint-Jacques, la cour occupe les anciens locaux du rectorat de l’académie de Toulouse. D’une superficie d’environ 2600 mètres carrées.

http://toulouse.cour-administrative-appel.fr

 

 

9. Place à la castagne dans la ville rose avec 600 contentieux transférées du TA de Toulouse à ceux de Montpellier et Nîmes

 

Pour ceux qui aiment la castagne juridictionnelle (et à Toulouse même les mémés l’aiment),  en appel, la ville rose est donc, à compter de ce jour, un nouveau ring.

 

Le tribunal administratif de Toulouse connaissant un sous-effectif temporaire et au regard du nombre respectif d’affaires en instance devant les tribunaux administratifs de Montpellier, Nîmes et Toulouse qui relèvent de la même cour administrative d’appel,  le Président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a, par ordonnance en date du 4 avril 2022, transféré 400 affaires contentieuses relevant du TA de Toulouse au TA Montpellier, pendant que 200 autres affaires prenaient la route vers le TA de Nîmes.

Tout à fait ponctuelle, cette mesure est permise par les dispositions de l’article R. 351-8 du code de justice administrative. Une telle ordonnance est insusceptible de recours.

 

 

La CAA de Toulouse a d’ailleurs rendu quelques premières décisions, dont celle-ci :

 

 

10. Second non-lieu pour ce choix de lieu

 

Puis vint un ultime épilogue. Les tenants de l’implantation montpelliéraine, témoignant d’une forte opiniâtreté, d’une combativité un brin quérulente et sans doute un peu désespérée, ont attaqué le décret n° 2021-1583 du 7 décembre 2021 portant création de la cour administrative d’appel de Toulouse (voir ci-avant le point « 5. »).

Dernier recours. Nouvelle défaite, sans même les honneurs d’un enterrement au recueil…

Le Conseil d’Etat schématiquement dit :

  • qu’il n’est pas impartial (« ce n’est pas moi ») dans sa formation de jugement (ce qui est conforme à sa position constante : ce qui compte est le déport des juges concernés sauf impossibilité : voir à ce sujet encore récemment CE, 5 juillet 2022, n° 449112) :
    • « 2. Aucun membre d’une juridiction administrative ne peut participer au jugement d’un recours contre une décision administrative dont il est l’auteur ou à la préparation de laquelle il a pris part. Si les requêtes font valoir que le secrétariat général du Conseil d’Etat a conduit la procédure de sélection du site de la nouvelle cour administrative d’appel préalablement à l’intervention du décret attaqué, aucun membre de la formation de jugement n’a pris part à cette procédure préalable, de telle sorte que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le Conseil d’Etat, statuant au contentieux ne présenterait pas les garanties d’impartialité requises pour statuer sur la légalité du décret attaqué. »
  • que la ministre et ex-ministre n’a pas influencé le dossier, même qu’elle n’était plus ministre au jour du décret (LOL) :
    • « 3. En premier lieu, les requérants ne peuvent, en tout état de cause, utilement soutenir que le décret du 7 décembre 2021 attaqué, fixant à Toulouse le siège de la nouvelle cour administrative d’appel, serait entaché d’illégalité au motif que Mme C… aurait manqué à l’impartialité du fait des fonctions électives et professionnelles qu’elle avait auparavant exercées à Toulouse, dès lors qu’elle n’exerçait plus les fonctions de ministre de la justice à la date à laquelle a été pris ce décret. »
  • que le bureau d’études était indépendant, à l’aune des pourcentages de son chiffre d’affaires :
    • « 4. En deuxième lieu, si les requérants allèguent que le décret attaqué serait entaché d’irrégularité ou de détournement de pouvoir au motif que la société qui a réalisé une étude préparatoire sur l’implantation de la cour administrative d’appel dans les communes de Montpellier ou de Toulouse, initialement envisagées, entretenait des liens économiques avec la commune et la métropole de Toulouse, il ressort, en tout état de cause, des pièces versées aux dossiers que la part de l’activité de cette société en relation avec les collectivités toulousaines était très faible. Aucun élément versé au dossier ne permet d’établir que cette société serait dans une situation de dépendance vis-à-vis de ces collectivités, non plus que de mettre en doute l’objectivité et la fiabilité de l’étude réalisée. »
  • quant à l’EMA, il va de soi qu’elle ne passe pas :
    • « 5. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers qu’en choisissant de fixer à Toulouse le siège de la nouvelle cour administrative d’appel, le Premier ministre aurait commis une erreur manifeste d’appréciation.»
  • que pour qu’il y ait rétroactivité illégale, encore faut-il qu’il y ait rétroactivité :
    • « 6. Enfin, les dispositions du décret du 7 décembre 2021 attaqué, qui créent la nouvelle cour administrative d’appel de Toulouse à compter du 1er janvier 2022, ne disposent que pour l’avenir et ne sont entachées d’aucune rétroactivité illégale.»

Fin de la castagne, donc, avec cette décision rendue hier par la Haute Assemblée et que voici :