Le principe d’impartialité s’imposant au juge administratif qui doit rejuger une affaire, conduit à ce qu’il statue de nouveau, mais sous une autre formation. Oui sauf… sauf quand c’est impossible. Qu’à cet impossible nul ne soit tenu est logique, certes. Mais que le Conseil d’Etat estime qu’une telle impossibilité est assez vite constituée dans des cas où il dénierait une telle qualification à toute administration frise la moquerie. A tout le moins cela permet-il de mesurer combien les concepts sont à géométrie variable selon qu’il s’agit pour le juge de l’appliquer à autrui ou de se l’infliger à soi-même.
Démonstration de ce qu’il est très aisé qu’une mission soit impossible. Si l’on est un juge administratif.
En termes contentieux, le principe d’impartialité n’est pas d’application toujours aisée. Voir par exemple :
- Impartialité des juridictions : confirmation des exigences du Conseil constitutionnel en ce domaine (en l’espèce en matière de tribunaux pour enfants)
- La CJUE se reconnaît un droit à enjoindre, en référé, à un Etat de rétablir des éléments majeurs de son régime démocratique (impartialité et l’indépendance des juridictions)
- Sport, dopage et principe d’impartialité (décision du Conseil constitutionnel rendue ce jour)
- Impartialité, référé liberté et référé suspension
- Contentieux administratif : le principe d’impartialité progresse…
- etc.

Voici le résumé de la base Ariane préfigurant celui des tables du rec., avec donc un rappel du point de principe :
« Il résulte de l’article L. 821-2 du code de justice administrative (CJA) que la formation de jugement appelée à délibérer à nouveau sur une affaire à la suite d’une annulation par le Conseil d’Etat de la décision précédemment prise sur la même affaire ne peut comprendre aucun magistrat ayant participé au délibéré de cette décision, sauf impossibilité structurelle pour la juridiction à laquelle l’affaire a été renvoyée de statuer dans une formation de jugement ne comprenant aucun membre ayant déjà participé au jugement de l’affaire. »
… avec son application souple via la collégialité mais sans imposer d’aller piocher dans le monde des juridictions judiciaires.
Continuons de citer les tables :
« 1) Si le litige renvoyé au tribunal administratif est un litige susceptible d’être jugé par un magistrat statuant seul en vertu du 3° de l’article R. 222-13 du CJA, le premier alinéa de l’article L. 821-2 de ce code n’a pas pour effet d’imposer le jugement de l’affaire par un juge unique et de faire obstacle au renvoi, toujours possible, de l’affaire devant une formation collégiale du tribunal, ainsi que le rappelle et l’organise l’article R. 222-19 du code. »
Le Conseil d’Etat en déduit en l’espèce, pour citer l’arrêt et non plus les tables, qu’il en résulte :
« que, dès lors qu’il avait été décidé, en l’espèce, d’inscrire l’affaire au rôle d’une formation collégiale du tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie, il existait, eu égard à la composition du tribunal à la date du jugement, une impossibilité structurelle, pour ce tribunal, de statuer dans une formation de jugement ayant une composition entièrement différente de celle qui avait délibéré sur le premier jugement de l’affaire. Il s’ensuit que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d’irrégularité, faute pour la formation de jugement d’avoir été complètement différente de celle ayant rendu le premier jugement annulé par le Conseil d’Etat, doit être écarté.»
C’est un peu fort, semble dire le requérant, de poser que cette collégialité conduisait à cette impossibilité, alors même qu’une alternative existait consistant à aller piocher dans les effectifs des juridictions judiciaires. Mais le Conseil d’Etat ferme cette porte, donnant à la notion d’impossibilité un caractère tout relatif (qu’il dénie aux administration actives dans d’autres domaines où cette même notion est utilisée, bien sûr !).
Revenons aux tables :
« 2) L’article L. 821-2 n’implique pas qu’il soit fait application de l’article L. 224-1 du CJA, permettant de compléter le tribunal administratif (TA) de Nouvelle-Calédonie par l’adjonction d’un magistrat de l’ordre judiciaire, afin de statuer sur un litige renvoyé à ce tribunal après cassation par le Conseil d’Etat.»
A ce long exposé, il eût sans doute été séant de conclure savamment. Nous nous contenterons, de manière moins académique, et pour décrire cette relativisation de la notion d’impossibilité, ou plus précisément pour apprécier le caractère éminemment variable de la géométrie de celle-ci… d’un bon gros LOL.
Source : Conseil d’État, 5 juillet 2022, n° 449112, à mentionner aux tables du recueil Lebon
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