Un premier de la classe peut-il vraiment se plaindre de la notation ? Si un tel réflexe peut paraître agaçant chez un élève en manque de modestie, il a tout son sens lorsqu’il s’agit d’un candidat évincé d’une procédure de passation de marché public, du moins, c’est qu’a conclu le Conseil d’État dans un arrêt rendu la semaine dernière (Conseil d’État, 21 juillet 2022, Société Flowbird, req. n° 456472).
Dans cette affaire, traitant de la procédure d’attribution d’un accord-cadre ayant pour objet le système billettique du réseau de transport en Artois-Gohelle, le syndicat mixte chargé de la procédure avait évincé la société F., candidate, au profit d’une autre, la société A..
La société F. avait alors exercé un recours auprès du juge administratif directement contre le contrat, dit recours « Tarn et Garonne », recours ayant été ouvert par l’arrêt éponyme (CE, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994).
Seulement, ce type de recours n’est pas ouvert à tous de la même façon. En effet, selon que le recours est engagé par un candidat évincé ou par un membre de l’organe délibérant (ou par le préfet), les moyens à soulever ne sont pas les mêmes. Le Préfet et les membres de l’organe délibérant peuvent invoquer tout moyen alors que le candidat évincé ne peut invoquer que ceux tirés des vices l’ayant lésé directement. Il doit apporter la preuve du rapport direct entre le vice invoqué et son intérêt lésé.
Or, en l’espèce, le vice invoqué par la société F. était l’ambiguïté des documents contractuels concernant le délai d’exécution de la tranche ferme du marché.
En effet, l’avis d’appel public à concurrence précisait que : «le délai de 18 mois (…) est applicable à la tranche ferme du marché. Le délai d’exécution propre à chaque tranche conditionnelle est de 8 mois. Il s’agit de délais prévisionnels». Or, la société attributaire proposait, dans son offre, un délai global de mise en service de 21 mois, tandis que la société requérante proposait, elle, un délai global de mise en service de 17 mois. Se prononçant sur ce moyen, la CAA de Douai a jugé que la société évincée n’avait pas été lésée par cette ambiguïté du fait de son obtention logique de la meilleure note au sous-critère de notation concernant le calendrier prévisionnel.
Le Conseil d’État affirme alors qu’il n’est pas parce qu’une société évincée avait obtenu la meilleure note à un sous-critère, qu’elle ne peut pas soulevée de moyen tiré d’une irrégularité en lien avec ce sous-critère.
Le Conseil d’État reconnait donc que la société F. a effectivement été lésée que cette lésion est en lien direct avec le manquement du syndicat. Ne statuant cependant pas sur le fond, il annule l’arrêt et renvoie l’affaire à la CAA de Douai.