La Cour des comptes vient de démolir le Facé (financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale). Celui-ci avait déjà été reconfiguré, façon lourde chirurgie esthétique, mais cela n’a pas suffit à lui donner bonne mine. Le Facé est, selon l’institution de la rue Cambon, de nouveau à revoir. Plus encore : il est mal pensé et doit se doter d’un nouveau visage.
Voici le communiqué de la Cour des comptes :
« Le financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale (Facé) apporte depuis 1936 un soutien financier à certains investissements réalisés dans le réseau public de distribution d’électricité des communes rurales.
Gérées depuis 2012 au sein d’un compte d’affectation spéciale doté de 377 M€ chaque année, les aides du Facé ont participé entre 2015 et 2020 au financement de 9 % du total des investissements réalisés sur l’ensemble du réseau de distribution d’électricité.
Si la Cour constate que le Facé constitue une réponse à la fragilité spécifique des réseaux en milieu rural, elle observe que ses effets ne sont pas évalués et que sa gestion est défaillante. Constatant que les fondamentaux du dispositif sont à reconsidérer, la Cour estime que les pouvoirs publics devront engager une redéfinition globale du Facé, outil qui peine en l’état à répondre aux défis actuels et futurs du réseau de distribution d’électricité, notamment celui de la transition énergétique.
Dispositif conçu à l’origine pour favoriser l’électrification des zones rurales et pallier la carence des initiatives privées, le Facé a fait l’objet en 2020 d’une réforme visant à le moderniser et à l’adapter à la transition énergétique en cours.
Si l’électrification des campagnes est en effet achevée en métropole depuis longtemps, la persistance de fragilités spécifiques en milieu rural (coupures d’électricité plus fréquentes et plus longues, tenue de l’onde de tension moins stable, moindre intérêt économique et technique pour réaliser des investissements au vu des densités de population) justifientun effort particulier d’investissement dans les réseaux électriques de ces territoires. Face à ce constat, les aides du Facé soutiennent prioritairement la sécurisation et le renforcement des réseaux basse tension. Trois-quarts des aides ont été allouées à cette fin entre 2015 et 2020. Elles ont permis de 2018 à 2020 la pose annuelle moyenne d’environ 4 000 km de réseau BT, soit près de 1 % du réseau des communes rurales.
Mais l’examen de la gestion des aides par la Cour révèle de nombreuses anomalies qui remettent en cause la capacité du Facé à atteindre réellement ses objectifs, notamment de péréquation. En particulier, l’estimation des clients mal alimentés en électricité, qui est au cœur de la répartition d’une part importante des aides, repose encore sur un modèle statistique contesté, seule solution jusqu’au déploiement des compteurs communicants, mais qui ne garantit pas une représentation fidèle des insuffisances du réseau. Et la coordination des programmations de travaux entre acteurs est restée jusqu’à présent très insuffisante, les priorités pouvant notamment diverger entre la politique industrielle d’Enedis et les préoccupations d’aménagement du territoire des AODE.
En outre, les données pour mesurer les effets de ce dispositif restent rares. Aucune donnée fiable n’est disponible ou recueillie quant à l’impact du Facé sur la qualité de l’électricité ou la réalité de la péréquation attendue. Si la réduction des inégalités entre territoires est présentée comme un objectif, elle n’est pas démontrée et la Cour observe que les dotations individuelles sont restées relativement stables de 2015 à 2020, suggérant une faible modification des situations observées.
Au-delà de ces anomalies, la Cour observe que les principes fondamentaux du Facé sont à reconsidérer. Au 1er janvier 2020, 18 % des communes étaient en situation de dérogation, soulignant le fait que les critères d’éligibilité au dispositif sont inadaptés. Ceux-ci ne correspondent ni à la définition de la ruralité retenue depuis 2021 par l’Insee, ni aux caractéristiques techniques du réseau, ni aux inégalités de la qualité de la distribution d’électricité.
La définition des investissements prioritaires à soutenir demeure par ailleurs trop large alors même que les analyses des besoins futurs du réseau de distribution d’électricité soulignent la nécessité d’assurer son renforcement, du fait de l’introduction massive de production d’électricité renouvelable, et sa sécurisation pour l’adapter au réchauffement climatique et aux aléas exceptionnels de plus en plus nombreux.
Aucun critère ne permet en outre d’apprécier le niveau réel des besoins d’investissement des communes relevant du périmètre du Facé et donc de déterminer si l’enveloppe de 360 M€ est suffisante et adaptée.
Enfin il est très difficile de déterminer si la répartition de la maîtrise d’ouvrage des travaux entre les gestionnaires de réseau et les AODE, grâce au recours par ces dernières aux financements du Facé est efficace et efficiente.
La Cour en conclut que la réforme du Facé introduite en 2020 n’est pas parvenue à moderniser cet outil qui peine en l’état à répondre aux défis actuels et futurs du réseau de distribution d’électricité. Elle propose cinq recommandations pour engager la refondation globale du dispositif qu’elle appelle de ses voeux.»
D’où les 5 recommandations de la Cour des comptes suivantes :
- Recommandation n° 1 : (DGEC, 2024) : Redéfinir, en concertation avec les AODE et les GRD, les critères d’éligibilité des communes aux aides du Facé et ajuster l’enveloppe allouée au Facé au nouveau périmètre d’électrification rurale ainsi défini.
- Recommandation n° 2 : (DGEC, Enedis, EDF-SEI, CRE, 2024) : Identifier les clients mal alimentés, les durées et fréquences des coupures et les postes de transformation « en contrainte » en exploitant les données issues des compteurs communicants.
- Recommandation n° 3 : (DGEC, 2023) : Réserver les aides des nouveaux sous-programmes transition énergétique et solutions innovantes du FACE aux projets non couverts par d’autres programmes ou mesures de soutien public.
- Recommandation n° 4 : (DGEC, 2023) : Appliquer les mécanismes de pénalités, pour non- consommation de crédits et pour non-regroupement, après répartition des dotations et en affecter le montant à la réduction du déséquilibre du compte d’affectation spéciale.
- Recommandation n° 5 : (DGEC, DGFIP, 2023) : Appliquer les dispositions du protocole établi en 2016 pour améliorer le recouvrement des contributions.
Voici ce rapport :
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