Par un arrêt M. B… c/ ministre de l’éducation nationale et département du Var en date du 24 juin 2022 (req. n° 444568), le Conseil d’État a considéré que l’administration doit non seulement prémunir ses agents contre le harcèlement moral mais encore, et plus largement, prendre toute mesure nécessaire pour assurer la sécurité et protéger la santé des agents. Ainsi, même en l’absence de harcèlement moral, un agent public peut demander réparation du préjudice qu’il a subi en raison de la dégradation de son état de santé imputable à une faute de son employeur public commise dans l’organisation du service.
En l’espèce, M. B…, ouvrier professionnel des établissements d’enseignement de la fonction publique d’État détaché auprès du département du Var depuis le 1er janvier 2007 en qualité d’adjoint technique territorial principal de 2ème classe des établissements d’enseignement, a été affecté à compter du 1er septembre 2002 au collège « Les Eucalyptus » d’Ollioules. Par un jugement du 7 février 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’État et du département du Var à l’indemniser du préjudice subi du fait d’un harcèlement moral dont il s’estimait victime ainsi qu’au titre d’un dysfonctionnement des services résultant d’un manquement à l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des agents. Également débouté en appel, M. B… s’est pourvu contre l’arrêt du 23 juillet 2020 de la cour administrative d’appel de Marseille.
Le Conseil d’État rappelle tout d’abord, conformément à sa jurisprudence constante, qu’en matière de harcèlement moral, le régime de la preuve est aménagé, l’agent public n’ayant qu’à apporter des éléments susceptibles de faire présumer le harcèlement, à charge pour l’administration de démontrer que les faits sont étrangers à tout harcèlement.
Or, il censure sur ce point l’arrêt de la cour administrative d’appel au motif que cette dernière a retenu, « pour rejeter ses conclusions tendant à la réparation des préjudices subis en raison du harcèlement moral dont il s’estimait victime, que M. B… n’établissait pas avoir été victime d’une situation de harcèlement moral, alors qu’il lui appartenait seulement, en vertu des règles d’administration de la preuve […] d’apporter des éléments de fait de nature à faire présumer l’existence d’un tel harcèlement ». Ce faisant, la cour a commis une erreur de droit
Dans un second temps, la Haute Assemblée précise que « les autorités administratives ont l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents. Il leur appartient à ce titre, sauf à commettre une faute de service, d’assurer la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet, ainsi que le précise l’article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la médecine professionnelle et préventive de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction issue du décret du 16 juin 2000. »
Or, relève le Conseil d’État, « pour rejeter sa demande indemnitaire au titre d’un dysfonctionnement des services résultant d’un manquement à l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des agents », la cour administrative d’appel a considéré « qu’en l’absence de faits constitutifs d’un harcèlement moral à son encontre, M. B… n’était pas fondé à soutenir qu’en s’abstenant de prendre des mesures de nature à mettre fin aux agissements dont il s’estimait victime ou de lui proposer une nouvelle affectation, le département du Var et l’Etat auraient commis une faute de nature à engager leur responsabilité ».
En statuant ainsi conclut le juge de cassation, alors que M. B… faisait valoir, indépendamment des dispositions relative aux harcèlement moral, que la dégradation de son état de santé, reconnue imputable au service, résultait d’une faute commise dans l’organisation des services par l’académie de Nice et le département du Var, la cour a commis une erreur de droit.
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