Principe d’égalité et assujettissement ou non à l’impôt sur le revenu des indemnités de rupture conventionnelle et de licenciement (en matière d’agents publics) : les distinctions byzantines du Conseil constitutionnel.

Par une décision n° 2022-1033 QPC du 27 janvier 2023 M. Patrick R., le Conseil constitutionnel a considéré :

  • d’une part, que la circonstance que l’indemnité de rupture conventionnelle dont peuvent bénéficier certains agents publics peut être partiellement exonérée d’impôt sur le revenu alors que le fait que l’indemnité de licenciement dont peuvent bénéficier ces mêmes agents y soit assujettie, n’est pas contraire au principe d’égalité ;
  • d’autre part, c’est également sans méconnaissance du principe d’égalité, que le législateur a pu réserver le bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu aux indemnités de licenciement perçues par les seuls salariés, et donc en exclure les agents publics.

Le 6 ° du 1 de l’article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 décembre 2019, exonère partiellement d’impôt sur le revenu les indemnités versées à un salarié à l’occasion de la rupture conventionnelle de son contrat de travail. Son dernier alinéa prévoit : « Le présent 6 ° est applicable aux indemnités spécifiques de rupture conventionnelle versées en application des I et III de l’article 72 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique ».

En l’espèce, le requérant reprochait à ces dispositions de limiter le bénéfice de l’exonération des indemnités perçues par les agents publics à raison de la rupture de la relation de travail aux seules indemnités de rupture conventionnelle. Elles institueraient ainsi une différence de traitement injustifiée, d’une part, entre les agents publics, selon que la cessation de leurs fonctions résulte d’une rupture conventionnelle ou d’un licenciement et, d’autre part, entre les agents publics et les salariés qui bénéficient quant à eux d’une exonération de leurs indemnités de licenciement. Il en résulterait, selon lui, une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.

Analysant l’article litigieux, le Conseil constitutionnel relève tout d’abord qu’il prévoit que bénéficient d’une exonération partielle les indemnités spécifiques de rupture conventionnelle perçues par les fonctionnaires et les agents publics recrutés par contrat à durée indéterminée. En revanche, les indemnités perçues par les agents publics à l’occasion d’un licenciement ne bénéficient d’aucune exonération.

Il en résulte, poursuit-il, une différence de traitement, d’une part, entre les agents publics selon qu’ils perçoivent une indemnité de rupture conventionnelle ou de licenciement et, d’autre part, en cas de licenciement, entre les agents publics et les salariés dès lors que seules les indemnités perçues par ces derniers bénéficient d’une exonération partielle.

En premier lieu, s’agissant des agents publics entre, le Conseil constitutionnel relève que « en exonérant partiellement d’impôt sur le revenu les indemnités de rupture conventionnelle perçues par les agents publics, le législateur a entendu favoriser les reconversions professionnelles de ces agents vers le secteur privé. »

Or, les agents publics qui sont convenus avec leur employeur des conditions de la cessation définitive de leurs fonctions ne sont pas placés dans la même situation que ceux ayant fait l’objet d’une décision de licenciement.

Ainsi, « la différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l’objet de la loi. ». Elle n’est donc pas contraire au principe d’égalité.

En second lieu, s’agissant des agents publics par rapport aux salariés privés : le Conseil constitutionnel a, cette fois de manière selon nous peu convaincante, considéré que le « législateur a défini les indemnités qui, en raison de leur nature, font l’objet d’une exonération. Les salariés du secteur privé et les agents publics étant, au regard des règles de licenciement, soumis à des régimes juridiques différents, le législateur a pu, sans méconnaître le principe d’égalité devant la loi, réserver le bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu aux indemnités de licenciement perçues par les seuls salariés. »

Cette décision peut être consultée à partir du lien suivant :

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20221033QPC.htm