Une sanction disciplinaire infligée sur la base d’un rapport établi par une personne étant en situation de conflit d’intérêts ne constitue pas par elle-même une illégalité.

Par un arrêt M. B… c/ ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports en date du 18 novembre 2022 (req. n° 457565), le Conseil d’État a précisé que la circonstance que certains faits, qui sont établis par d’autres pièces du dossier, ont été constatés dans un rapport administratif dont l’un des auteurs se trouvait en situation de conflit d’intérêts est, par elle-même, sans incidence sur leur matérialité. En outre, ce rapport administratif ne constituant pas une phase de la procédure disciplinaire, la méconnaissance du principe d’impartialité par son auteur ne peut être utilement soulevée.

En l’espèce, M. A… B…, inspecteur général de la jeunesse et des sports de 1ère classe, a exercé, de mars 2013 à mars 2017, les fonctions de directeur général de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP). Or, par décret du 22 septembre 2019, le Président de la République a prononcé à son encontre la sanction de la mise à la retraite d’office, pour des faits tenant à la prise en charge par l’INSEP des frais de séjour à Rio de Janeiro, à l’occasion des Jeux olympiques, de personnes étrangères à cet établissement.

Cependant, par une décision n° 435946 du 28 janvier 2021, le Conseil d’État, statuant au contentieux a annulé cette sanction en raison d’un vice de procédure. En exécution de cette décision, M. B… a été réintégré dans son corps d’origine par un décret du 25 mars 2021 et reclassé dans le corps de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), créé par le décret du 27 septembre 2019 relatif au statut particulier de ce corps.

Une nouvelle procédure disciplinaire a alors été engagée à son encontre le 27 mai 2021, à l’issue de laquelle le Président de la République a prononcé une nouvelle sanction de mise à la retraite d’office, par décret du 5 août 2021.

M. B… a de nouveau demandé au Conseil d’État d’annuler pour excès de pouvoir ce dernier décret. À cette occasion, la Haute Assemblée a précisé que « si la méconnaissance du principe d’impartialité par un organe d’inspection ou de contrôle, à un stade antérieur à la procédure disciplinaire, est susceptible d’avoir une incidence sur l’établissement des faits et sur leur qualification par l’autorité investie du pouvoir disciplinaire, elle ne saurait suffire, par elle-même, à établir l’inexactitude matérielle des faits qui fondent la sanction ou à caractériser une erreur d’appréciation ou une erreur de droit entachant cette décision. Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire sont établis au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier et, dans l’affirmative, s’ils présentent un caractère fautif de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. »

Or, en l’occurrence, « M. B… a élaboré un projet de “formation professionnelle continue in situ et accélérée” à destination des responsables de départements et services de l’INSEP consistant à leur permettre d’assister aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro, au Brésil, en août 2016. Sans attendre la réponse du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports et du secrétaire d’État aux sports à son courrier du 12 octobre 2015 sollicitant leur approbation pour ce projet, M. B… a effectué, dès le 22 octobre 2015, des réservations définitives d’hébergements auprès du Comité national olympique et sportif français. Alors que, par courrier du 15 janvier 2016 des directeurs de cabinet du ministre et du secrétaire d’État, il a été donné un avis défavorable à ce projet, l’INSEP a envoyé aux Jeux olympiques de Rio une délégation de vingt-quatre personnes, dont neuf extérieures à l’INSEP et membres de la famille ou proches de M. B…. Si ces neuf personnes se sont acquittées d’une participation aux frais de déplacement, leurs frais d’hébergement, de billetterie et de restauration correspondant à une présence cumulée de quatre-vingt-quatre jours à Rio ont été pris en charge par l’INSEP à hauteur de 34 813 euros. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B… aurait informé les autorités de tutelle des suites apportées à leur avis défavorable. Ainsi qu’il a été dit au point 10, la circonstance que ces faits, qui sont établis par les autres pièces du dossier, en particulier par le rapport de la Cour des comptes, ont été constatés dans le rapport de l’inspection générale de la jeunesse et des sports dont l’un des auteurs se trouvait en situation de conflit d’intérêts est, par elle-même, sans incidence sur leur matérialité. Dès lors, en retenant que M. B… avait décidé de faire bénéficier neuf proches et membres de sa famille d’avantages indus au détriment de l’établissement qu’il dirigeait, et qu’il avait agi à l’insu de l’autorité de tutelle et de manière contraire aux instructions finalement reçues de cette autorité, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire ne s’est pas fondée sur des faits matériellement inexacts. »

En outre, ajoute le Conseil d’État, « il ressort des pièces du dossier que la décision d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre de M. B…, qui a conduit au prononcé de la sanction de mise à la retraite d’office, a été prise au vu d’un rapport de contrôle des comptes et de la gestion de l’INSEP de la Cour des comptes et d’un rapport de l’inspection générale de la jeunesse et des sports. Le requérant ne saurait utilement soutenir que la méconnaissance du principe d’impartialité par l’un des auteurs du rapport de l’inspection générale, dont la mission ne constitue pas une phase de la procédure disciplinaire, affecterait la régularité de cette procédure et entacherait d’illégalité le décret attaqué »

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2022-11-18/457565