Le contentieux contre un acte unilatéral était autrefois LE passage obligé de tout recours dirigés, en réalité, contre un contrat (I.A.). Les recours directs contre les contrats, en 2014 (déjà esquissés en 2007), ont rendu rares les recours contre les actes unilatéraux d’approbation de ces contrats (II.B.).
Ces recours contre les actes unilatéraux demeurent, mais ils sont enserrés dans des hypothèses limitées (II.A.) et conduisent à ces situations qui peuvent confiner à un niveau élevé de complexité (II.B.).
Or, c’est dans ce cadre que, coup sur coup, le Conseil d’Etat vient de préciser sa jurisprudence en ce domaine :
- III.A. Par un arrêt en date du 2 décembre 2022 (celui qui sera sans doute le tout dernier arrêt « Danthony »), le Conseil d’Etat a clarifié (de manière restrictive) cette notion d’acte d’approbation des contrats, pouvant donner encore lieu à un recours direct, ainsi que leur régime contentieux. Seul sera attaquable un acte unilatéral d’approbation du contrat fait par autrui, et non une étape d’adoption de la décision de signer le contrat « en interne » à une même personne morale.
- III.B. Par une décision en date du 27 janvier 2023, le Conseil d’Etat a, d’une part accepté que soit demandée l’annulation de l’acte d’approbation par voie de conséquence d’un recours contractuel « Tarn-et-Garonne » et il a, d’autre part, précisé, pour de tels recours pour excès de pouvoir, les vices de procédure qui peuvent être utilement soulevés. Cette affaire illustre aussi le contrôle de proportionnalité exercé par le juge entre hausse des tarifs et coût des nouvelles voies autoroutières à financer.
I. Un contentieux, autrefois dominant, désormais résiduel
I.A. Un contentieux autrefois passage obligé des recours dirigés, en réalité, contre des contrats
Ce que l’on appelle un « recours Tarn-et-Garonne » (capitale Montauban, qu’il est malsain de quitter même au contentieux), depuis l’arrêt éponyme, est le recours possible, directement, contre un contrat.
Voir CE, Assemblée, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994, rec. p. 70… et la nombreuse postérité de cet arrêt, souvent commenté au sein du présent blog (voir ici).
En 2014, cette faculté a retenti comme un coup de tonnerre. Longtemps, la vulgate ainsi enseignée dans les facultés de Droit avait été que dans sa grande sagesse le Conseil d’Etat avait décidé que l’on ne pouvait attaquer directement le contrat dans sa légalité mais que le requérant pouvait contourner l’obstacle en attaquant les actes détachables du contrat (la délibération, la décision de signer)… au besoin en demandant (avec astreinte et injonction) à l’administration de saisir le juge du contrat.
Et les étudiants d’ânonner ces jurisprudences byzantines (CE, 4 août 1905, Epoux Martin,rec. 749 ; CE 1er octobre 1993, Yacht club de Bormes-les-Mimosas, rec. T. 874 ; CE, 7 octobre 1994, Epoux Lopez, rec. p. 430)… en se demandant pourquoi le juge avait voulu tant de complexité, si ce n’était pour le bonheur des esprits pervers et des juristes tordus (au point que le juge dut parfois se déjuger : CE, 30 octobre 1998, n° 149662, Ville de Lisieux, rec. 375).
I.B. Les recours directs contre les contrats, en 2014 (déjà esquissés en 2007), ont rendu rares les recours contre les actes unilatéraux d’approbation de ces contrats
Puis vint LA grande simplification, celle qui supprime d’un coup nombre de pages inutiles dans les traités de contentieux administratif : la possibilité pour les tiers au contrat d’engager un recours direct contre le contrat.
N.B. : ceci dit, la révolution avait déjà été entamée par l’important arrêt CE, Ass., du 16 juin 2007, Société Tropic travaux signalisation, rec. 360…
C’est ce que l’on appelle un « recours Tarn-et-Garonne », depuis l’arrêt du même nom (CE, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994). Combiné avec d’autres jurisprudences (voir par exemple CE, 5 février 2016, Syndicat mixte des transports en commun Hérault Transport, n° 383149) on sait que :
- le recours « Tarn-et-Garonne » est en effet ouvert :
- d’une part à
« tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses »
-
- et d’autre part aux
« membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu’au représentant de l’Etat dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité ; »
- mais avec une nuance de taille : selon que le recours est engagé par un candidat évincé ou par un membre de l’organe délibérant (ou par le préfet)… les moyens à soulever ne sont pas les mêmes. Le Préfet et les membres de l’organe délibérant peuvent invoquer tout moyen alors que le candidat évincé ne peut invoquer que certains vices (en rapport direct avec l’intérêt lésé ou alors des moyens d’ordre public) :
« si le représentant de l’Etat dans le département et les membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l’appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l’intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d’une gravité telle que le juge devrait les relever d’office »
Notamment si le tiers est un candidat évincé, les moyens qu’il peut soulever sont énumérés par le Conseil d’Etat :
« le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif ne peut ainsi, à l’appui d’un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d’ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction ;»
Voir aussi :
- Quels moyens un candidat évincé peut-il soulever dans le cadre d’un recours Tarn-et-Garonne ?
- La jurisprudence Tarn-et-Garonne s’applique aussi aux déclarations de « sans suite »
- Jurisprudence Tarn-et-Garonne : est irrecevable un contentieux engagé par un EPCI contre la délibération d’une commune autorisant son maire à signer un contrat (ledit EPCI aurait du attaquer le contrat…)
- La jurisprudence Tarn-et-Garonne s’applique à un contrat entre un SDIS et l’organisateur d’une manifestation sportive
- L’Empire de Tarn-et-Garonne s’étend, s’étend…
- Contentieux entre une communauté et une commune membre à propos d’un contrat : la jurisprudence « Tarn-et-Garonne » s’applique
- Contrats : le CE affine la notion de « tiers lesé » susceptible d’engager un recours « Tarn-et-Garonne »
- Arrêt Tarn et Garonne : un champ d’application toujours plus large
- Une vidéo sur la décision SMPAT et l’extension du recours des tiers aux actes d’exécution du contrat
- Les recours contractuels depuis l’arrêt Hérault Transport du 5 février 2016 : unité de recours ; diversité d’applications
- Quand Tarn-et-Garonne débouche le port de Marseille…
- Recours « Tarn et Garonne » : nouvelles précisions sur la recevabilité
- C’est par un recours pour excès de pouvoir (et non par un recours « Tarn-et-Garonne ») que peuvent, finalement, être attaqués les refus de subventions
- etc.
Sur les pouvoirs du juge en ce domaine, voir :
Ajoutons :
- que par un arrêt du 30 juin 2017 (CE, 30 juin 2017, n° 398445, SMPAT, publié au recueil Lebon) le Conseil d’Etat a ouvert une nouvelle voie de recours aux tiers à un contrat administratif en opérant ainsi une extension de sa jurisprudence Tarn-et-Garonne aux actes concernant l’exécution du contrat dont particulièrement les décisions de refus de résiliation de celui-ci. Voir ici.
- ce régime s’applique aux contrats oraux : CAA Marseille, 26 avril 2021, 20MA01789 (voir ici). Voir : Recours Tarn-et-Garonne : application aux contrats oraux ou tacites
- qu’en cas de recours Tarn-et-Garonne, que le juge est alors un juge de plein contentieux, juge du contrat, doté de pouvoirs conséquents (voir par exemple CE, 9 juin 2021, n° 438047 438054, à mentionner aux tables du recueil Lebon ; voir ici notre article et là notre vidéo).
Mais par voie de conséquence, symétriquement, les recours contre les actes détachables du contrats, tel celui qu’est une délibération autorisant à passer un contrat, ne sont plus recevables (sauf cas particuliers notamment pour certains cas de conclusion de contrats de droit privé ou d’actes antérieurs à 2014).
II. Un contentieux limité aux vices propres desdits actes unilatéraux (et encore de certains d’entre eux seulement)
II.A. Des recours contre les actes unilatéraux qui demeurent, mais enserrés dans des hypothèses limitées
Un arrêt intéressant de CAA de 2017 vint d’ailleurs (entre autres décisions rendues à ce sujet) l’illustrer : une communauté de communes accusait une commune membre d’avoir signé un contrat dans un domaine de compétences supposé, par elle, transféré à cet EPCI à fiscalité propre. Avant même de s’interroger au fond, dans cette affaire, se posait donc la question de savoir si la communauté était recevable à agir ainsi au contentieux. En effet, la communauté avait engagé un recours contentieux contre la délibération de la commune et contre la décision de signer… sans prendre la précaution, donc, d’attaquer le contrat.
OUI mais à hauteur d’appel, donc, entre temps, étaient intervenues ces deux jurisprudences précitées du Conseil d’Etat (CE, 23 décembre 2016, n°397096 et n°392815 [deux espèces distinctes]). Cela pouvait-il sauver les recours de la communauté de communes ? La réponse négative que la CAA de Douai apporta à ces questions, le 18 mai 2017, s’avéra fort claire en limitant la portée de cette jurisprudence du 23 décembre 2016 à tout :
« […] acte d’approbation de contrats ou conventions déjà signés et qui conditionnerait leur entrée en vigueur ; »
… et qu’un recours contre une délibération autorisant à signer un contrat :
« n’entre donc pas dans le champ des actes qui peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir […] »
Ce qui donna en l’espèce lieu à une sèche irrecevabilité :
« la délibération en litige autorise la signature par le maire des conventions mentionnées au point 3 précisément définies et dont le contenu est achevé ; qu’en vertu des règles rappelées au point 1, les tiers au contrat, comme l’est la communauté de communes […] en l’espèce, disposent exclusivement d’un recours de pleine juridiction pour en contester, la validité, dans les conditions définies par la décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d’Etat, statuant au contentieux ; »
Voir cet arrêt du 18 mai 2017 (CAA Douai, CC de la Côte d’Albâtre, n°16DA01411) :
- très schématiquement, demeuraient attaquables les actes d’approbation des contrats en cas de recours relatifs à ces contrats ou avenants antérieurs au 4 avril 2014 : voir pour un cas combinant ceci avec la jurisprudence dite « Olivet ». CE, 20 novembre 2020, n° 428156 . Quel est le régime contentieux d’un avenant à un contrat, si le contrat est antérieur à 2014 (au regard tant des jurisprudences Tarn-et-Garonne qu’Olivet) ?
Là encore, cette exception avait vocation à connaître une extinction progressive… - restent attaquables les clauses réglementaires insérées dans les contrats CE, 9 février 2018, Val d’Europe c/ SANEF, 404982, Publié au recueil Lebon ; voir : Contentieux et clauses réglementaires des contrats : et les 6 faces du Rubik’s cube apparurent… enfin homogènes et cohérentes ). Mais cette exception n’a rien de réglementaire : il y a belle lurette que le juge admet les recours pour excès de pouvoir contre les clauses réglementaires même insérées dans les contrats (CE, Ass., 10 juillet 1996, Cayzeele : rec., p. 274).
Pour un exemple de clauses réglementaires ainsi attaquables insérées dans un Projet éducatif territorial (PEDT), voir CE, 9 octobre 2020, n° 422483, aux tables (voir ici cet arrêt et notre article).

II.B. Des situations qui peuvent confiner à un niveau élevé de complexité
De tout ceci peuvent résulter des situations d’une rare complexité. Ainsi, par exemple, les recours contre une convention de projet urbain partenarial (PUP) ont ainsi pu donner lieu à un peu de byzantinisme. Ce sont des contrats et on leur applique donc la jurisprudence Tarn-et-Garonne. Mais un recours contre une délibération approuvant un PUP sera recevable en tant que telle pour la partie qui ne porte pas approbation de la convention. Donc un recours contre une délibération portant PUP engagée par un tiers (un tiers mal informé… donc) sera rejeté en tant que ce recours vise la convention… et sera recevable (quitte à être rejeté, comme en l’espèce, au fond) pour la partie de la délibération de PUP qui « approuve le programme des équipements. Voir :
NB : pour une autre application, en matière de reconnaissance faciale dans les établissement d’enseignement, avec un juge acceptant dans une des deux affaires une interprétation extensive des actes unilatéraux attaquables, voir : TA Marseille, 27 février 2020, n° 1901249 et TA Marseille, ord., 11 mars 2020, n° 2001080 (voir ici ces décisions et notre article).

III. Les apports des arrêts des 2 décembre 2022 et du 27 janvier 2023
III.A. Par un arrêt en date du 2 décembre 2022 (celui qui sera sans doute le tout dernier arrêt « Danthony »), le Conseil d’Etat a clarifié (de manière restrictive) cette notion d’acte d’approbation des contrats, pouvant donner encore lieu à un recours direct, ainsi que leur régime contentieux. Seul sera attaquable un acte unilatéral d’approbation du contrat fait par autrui, et non une étape d’adoption de la décision de signer le contrat « en interne » à une même personne morale.
Par un arrêt n° 454318, à mentionner aux tables du recueil Lebon, lu le 2 décembre 2022, le Conseil d’Etat a affiné son mode d’emploi sur la contestation par des tiers d’un acte administratif portant approbation du contrat.
NB : on notera qu’il s’agit d’un recours « Claude Danthony » (voir ici), jugé post mortem donc (les héritiers du requérant ayant repris l’instance engagée par M. Danthony.
Il a :
- inclus dans cette notion tout acte émanant d’une autorité distincte des contractants, concernant un contrat déjà signé et nécessaire à son entrée en vigueur
- exclu (comme l’avait fait la CAA de Douai, précitée) tout acte participant au processus de conclusion du contrat.
Le Conseil d’Etat commence par rappeler que, indépendamment :
« du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, dans les conditions définies par la décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, les tiers qui se prévalent d’intérêts auxquels l’exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine sont recevables à contester devant le juge de l’excès de pouvoir la légalité de l’acte administratif portant approbation du contrat. Ils ne peuvent toutefois soulever, dans le cadre d’un tel recours, que des moyens tirés de vices propres à l’acte d’approbation, et non des moyens relatifs au contrat lui-même.»
Cela nous rappelle une vulgate déjà bien établie depuis 2016 donc.
Mais c’est là qu’est ajoutée une distinction :
En l’espèce, M. Danthony attaquait une délibération de 2015 du conseil d’administration de l’Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon approuvant une convention.
La conclusion des conventions passées par l’ENS de Lyon intervient au terme d’un processus d’approbation par son conseil d’administration (au sein duquel siégeait M. Danthony) de conventions préalablement signées par son président.
L’acte attaqué par M. Danthony était un acte d’approbation, certes. Mais d’approbation n’émanant pas d’une autorité distincte des parties contractantes, qui concernent des contrats déjà signés et qui sont nécessaires à leur entrée en vigueur.
Cette « approbation » était en réalité une phase du processus décisionnel lui-même en amont de la vie juridique du contrat. Le mot approbation ne saurait être pris au pied de la lettre si en réalité celui-ci cache une décision, une autorisation de signer ou, comme sans doute en l’espèce, une co-décision. D’où le fait que le Conseil d’Etat pose que :
« Ne sont pas au nombre de ces actes ceux qui, même s’ils indiquent formellement approuver le contrat, participent en réalité au processus de sa conclusion.»
Et donc qu’en l’espèce :
« 6. Après avoir estimé, sans entacher son arrêt de dénaturation et en le motivant suffisamment sur ce point, que la délibération contestée du 14 décembre 2015 du conseil d’administration de l’ENS de Lyon portait approbation de la convention signée antérieurement par l’ensemble des parties, en date du 19 novembre 2015, la cour n’a pas commis d’erreur de droit, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, en jugeant que M. D… n’était pas recevable à former un recours en excès de pouvoir contre cette délibération. »
Fermez le ban. Seul sera attaquable un acte unilatéral d’approbation du contrat fait par autrui, et non une étape d’adoption de la décision de signer le contrat « en interne » à une même personne morale.
Voici cette première décision :
III.B. Par une décision en date du 27 janvier 2023, le Conseil d’Etat a, d’une part accepté que soit demandée l’annulation de l’acte d’approbation par voie de conséquence d’un recours contractuel « Tarn-et-Garonne » et il a, d’autre part, précisé, pour de tels recours pour excès de pouvoir, les vices de procédure qui peuvent être utilement soulevés. Cette affaire illustre aussi le contrôle de proportionnalité exercé par le juge entre hausse des tarifs et coût des nouvelles voies autoroutières à financer.
Le 27 janvier 2023, le Conseil d’Etat a eu à connaître de la très médiatique affaire du contournement Ouest de Montpellier. La Haute Assemblée, par cette décision, a annulé l’augmentation des tarifs applicable à l’ensemble des péages de la société ASF qui devait financer les travaux :
- https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/herault/montpellier/contournement-ouest-de-montpellier-le-conseil-d-etat-annule-le-financement-2704658.html
- https://www.francebleu.fr/infos/transports/le-financement-du-contournement-ouest-de-montpellier-retoque-par-le-conseil-d-etat-8438944
- https://objectif-languedoc-roussillon.latribune.fr/economie/infrastructures/2023-01-31/contournement-ouest-de-montpellier-pourquoi-le-conseil-d-etat-retoque-les-modalites-de-financement-par-vinci-autoroutes-949968.html
- https://www.lejournaltoulousain.fr/occitanie/herault/montpellier/non-laugmentation-du-peage-ne-financera-pas-le-contournement-ouest-de-montpellier-193672/
Le juge rappelle que dans le cadre d’un tel recours, les tiers ne sauraient utilement faire valoir des moyens relatifs au contrat lui-même, mais ne peuvent soulever que des moyens tirés de vices propres entachant l’acte d’approbation… mais
- il fait évoluer à la marge la notion d’acte d’approbation, pour une formulation plus large encore :
- « sauf à ce qu’un tel acte intervienne, en réalité, dans le cadre de la conclusion même du contrat.»
- il ajoute que dans le cadre d’un tel recours, les tiers ne sauraient utilement faire valoir des moyens relatifs au contrat lui-même, mais ne peuvent soulever que des moyens tirés de vices propres entachant l’acte d’approbation… ce qui est classique, mais il ajoute que lesdits tiers peuvent aussi :
- « demander l’annulation de cet acte par voie de conséquence de ce qui est jugé sur les recours formés contre le contrat.»
… ce qui, pour ce dernier point, pourra sans doute être demandé :
- soit par un recours pour excès de pouvoir concomitant à un recours « Tarn-et-Garonne »
- soit sans doute demandé au titre d’une demande accessoire à un recours « Tarn-et-Garonne »
- soit en cas de recours pour excès de pouvoir entre des clauses réglementaires d’un contrat et l’acte d’approbation dudit contrat.
Plus encore, le juge illustre ensuite un type de vice propre d’un tel acte d’approbation en acceptant un moyen de légalité externe en termes de procédure consultative :
« Les tiers peuvent utilement faire valoir le moyen relatif aux vices propres dont serait entaché un décret d’approbation d’un avenant à une convention de concession d’autoroutes et au cahier des charges annexé, tiré de ce que le Conseil d’Etat n’aurait pas été consulté, contrairement à ce qu’exige le cinquième alinéa de l’article L. 122-4 du code de la voirie routière. »
Il est vrai que le Conseil d’Etat est rétif à « Danthonyser » (encore lui) le vice de procédure consistant à avoir omis de consulter… le Conseil d’Etat.
Ceci dit en l’espèce :
« 8. Le moyen relatif aux vices propres dont serait entaché le décret attaqué que soulève le requérant est tiré de ce que le Conseil d’Etat n’aurait pas été consulté, contrairement à ce qu’exige le cinquième alinéa de l’article L. 122-4 du code de la voirie routière, selon lequel : ” La convention de concession et le cahier des charges annexé fixent les conditions dans lesquelles le concessionnaire exerce les missions qui lui sont confiées par l’Etat et en contrepartie desquelles il est autorisé à percevoir des péages. Ces actes sont approuvés par décret en Conseil d’Etat, le cas échéant dans les conditions prévues à l’article L. 122-8 (…) “. Toutefois, ainsi que le fait valoir en défense le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, la section des travaux publics du Conseil d’Etat a émis un avis sur le décret lors de sa séance du 18 janvier 2022. Par suite, le moyen soulevé au titre des vices propres du décret attaqué ne peut qu’être écarté. »
Cette affaire illustre aussi le contrôle de proportionnalité exercé par le juge entre hausse des tarifs et coût des nouvelles voies autoroutières à financer. :
« 4. En mettant, par la hausse tarifaire litigieuse, à la charge de l’ensemble des usagers de la totalité des 2 714 km du réseau autoroutier concédé à la société ASF le financement des travaux de réalisation d’un tronçon de 6,2 km destiné au contournement ouest de Montpellier dépourvu de péage, la disposition tarifaire attaquée méconnaît la règle de proportionnalité entre le montant du tarif et la valeur du service rendu. Il s’ensuit que M. A… est fondé, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés sur ce point par sa requête, à demander l’annulation pour excès de pouvoir de la disposition tarifaire de l’article 25.2 du cahier des charges annexé à la convention conclue le 10 janvier 1992 entre l’Etat et la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF), modifié par l’avenant contesté, laquelle est divisible des autres clauses de cet avenant.»
Sur ce point, voir déjà et dans le même sens
- Calcul des charges imputables à un usager : la CJUE toujours plus stricte sur la fixation des tarifs des redevances (CJUE, 28 octobre 2020, n° C-321/19)
Voir aussi : Concessions autoroutières : terrain glissant pour tout le monde…
La suite de la décision du Conseil d’Etat ne manque pas non plus d’intérêt s’agissant de la recevabilité du requérant en tant qu’usager, et qui à ce titre n’était pas lésé assez directement et certainement par la décision de contournement et les autres clauses réglementaires en cause :
Sur les conclusions contestant la validité des clauses non règlementaires de l’avenant en litige :
« 5. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles.
« 6. En se prévalant de sa seule qualité d’usager des autoroutes concédées à la société ASF, M. A… ne justifie pas être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la décision d’aménagement du contournement ouest de Montpellier ou par les autres stipulations de l’avenant relatives à sa mise en oeuvre, lesquelles ne présentent pas de caractère réglementaire. Dès lors, ainsi que le font valoir les défendeurs, les conclusions de M. A… contestant la validité des autres stipulations de l’avenant contesté sont irrecevables et ne peuvent qu’être rejetées.»
Dès lors, le requérant, présenté comme victorieux dans la presse, n’a obtenu en l’espèce qu’un gain partiel :
« 9. Il résulte de tout de ce qui précède que M. A… n’est fondé à demander l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 28 janvier 2022 qu’en tant qu’il porte approbation de la disposition tarifaire de l’article 25.2 du cahier des charges annexé à la convention conclue le 10 janvier 1992 entre l’Etat et la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF) modifié par l’avenant approuvé, en conséquence de l’annulation de cette disposition.»
Voici cette décision :
Conseil d’État, 27 janvier 2023, n° 462752, aux tables du recueil Lebon
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