Quand le comportement inapproprié d’un lauréat à un concours conduit à un refus de nomination.

Par un arrêt M. A… c/ ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche en date du 28 avril 2023 (req. n° 458275), le Conseil d’État a considéré que la qualité de lauréat à un concours ne donne pas de droit à être nommé dans un emploi correspondant. La nomination peut ainsi être refusée alors même que la décision de ne pas nommer est fondée sur l’appréciation portée par l’autorité de nomination sur le comportement adopté par l’intéressé dans l’exercice de fonctions antérieures. Le juge précise en outre qu’une telle décision, en l’occurrence justifiée par le comportement inapproprié du lauréat, est prise dans l’intérêt du service. Elle ne revêt donc pas le caractère d’une sanction disciplinaire.

En l’espèce, par un arrêté du 3 mai 2021 de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et de la directrice générale du Centre national de gestion, M. A…, jusque-là recruté par contrat le 1er novembre 2020 par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Rouen en qualité de praticien hospitalier au sein du service de clinique gynécologique et obstétricale, a été admis au concours ouvert pour le recrutement de professeurs des universités-praticiens hospitaliers au titre de l’année 2021 dans la spécialité génécologie obstétrique, gynécologie médicale. M. A… a, par la suite, présenté sa candidature au poste de professeur des universités-praticien hospitalier en gynécologie-obstétrique, gynécologie médicale ouvert au recrutement au titre de l’année 2021 au centre hospitalier universitaire de Rouen.

Un décret du président de la République du 6 septembre 2021 a fixé, parmi les candidats inscrits sur les listes d’admission aux concours ouverts pour le recrutement des professeurs des universités-praticiens hospitaliers au titre de l’année 2021, la liste des candidats nommés et titularisés en cette qualité. Or, M. A. ne figurant pas sur cette liste, il a demandé au Conseil d’État l’annulation pour excès de pouvoir de ce décret en tant que son nom n’y figure pas.

La Haute Assemblée a néanmoins a néanmoins rejeté son recours aux motifs notamment que :

– d’une part, qu’il « ressort des pièces du dossier que, le 26 mai 2021, le conseil de l’unité de formation et de recherche (UFR) santé de l’université de Rouen et la commission médicale d’établissement du centre hospitalier universitaire de Rouen ont chacun rendu un avis favorable sur la candidature de M. A… au poste de professeur des universités-praticien hospitalier en gynécologie-obstétrique, gynécologie médicale ouvert au recrutement au sein de l’établissement. Ces avis ont été transmis respectivement à la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et au ministre des solidarités et de la santé. A la suite de la plainte d’une élève sage-femme signalant le comportement inapproprié de M. A… à son égard le 25 mai 2021, une enquête interne a été conduite au sein du service dans lequel exerçait le requérant. La commission de déontologie de l’UFR santé de Rouen, saisie par le doyen de l’UFR, a également entendu plusieurs internes en gynécologie ainsi que plusieurs étudiantes en maïeutique. Par trois courriers en date des 24 juin, 6 juillet et 7 juillet 2021, le doyen de l’UFR santé de Rouen, le président de l’université de Rouen ainsi que la directrice générale et le président de la commission médicale d’établissement du CHU de Rouen ont demandé aux ministres compétents, dans l’intérêt du service, de ne pas proposer la nomination de M. A… en qualité de professeur des universités-praticien hospitalier compte tenu de faits traduisant un comportement inapproprié de l’intéressé à l’égard d’étudiantes sage-femme et d’internes de sexe féminin dans l’exercice de ses fonctions au sein du service de clinique gynécologique et obstétricale. Au regard des circonstances ainsi portées à leur connaissance, les ministres ont décidé de ne pas proposer la nomination de M. A… au Président de la République. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient M. A…, le refus de retenir sa candidature a été pris dans le seul intérêt du service, au motif que l’intéressé ne présentait pas les garanties requises pour l’exercice des fonctions auxquelles il postulait, et ne revêt pas le caractère d’une sanction disciplinaire déguisée, qu’au demeurant, les ministres n’étaient pas compétents pour prononcer, les faits en cause ayant été commis dans le cadre de ses fonctions de praticien contractuel au centre hospitalier universitaire de Rouen. Le requérant n’est, par suite, pas fondé à soutenir que le décret attaqué est entaché d’un vice de procédure faute d’avoir été précédé de la procédure applicable en matière disciplinaire, ni qu’il aurait dû être motivé en ce qu’il lui inflige une sanction » ;

– d’autre part, « un candidat admis au concours ouvert pour le recrutement de professeurs des universités-praticiens hospitaliers et, par ailleurs, recruté en qualité de praticien contractuel au sein d’un centre hospitalier universitaire (CHU) n’a aucun droit à sa nomination, à sa titularisation et son affectation au sein de ce CHU en qualité de professeur des universités-praticien hospitalier. Il en résulte que, alors même que la décision de ne pas nommer M. A… est fondée sur l’appréciation portée par l’autorité de nomination sur le comportement adopté par l’intéressé dans l’exercice de fonctions antérieures et se trouve ainsi prise en considération de la personne, elle n’est pas, dès lors qu’ainsi qu’il a été dit […] elle ne revêt pas le caractère d’une sanction disciplinaire, au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l’intéressé ait été mis à même de prendre connaissance de son dossier. Il s’ensuit que le requérant ne saurait utilement soutenir que les dispositions de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 citées au point 5 ont été méconnues faute pour lui d’avoir pu prendre connaissance de son dossier. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que M. A… a eu communication du compte-rendu d’entretien relatant la plainte de l’élève sage-femme et a pu rédiger son propre témoignage, qu’il a été informé des autres faits mettant en cause son comportement notamment lors d’un entretien avec le chef de service réalisant l’enquête interne et lors d’une réunion au cours de laquelle les conclusions du rapport de la commission de déontologie lui ont été présentées et qu’il a également été informé que sa candidature ne serait pas soutenue auprès des ministres compétents. »

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000047521017?juridiction=CONSEIL_ETAT&page=1&pageSize=10&query=458275&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=cetat