Est constitutionnelle l’interdiction des étiquettes non compostables sur les fruits et légumes

L’article 80 de la loi « Agec » du 10 février 2020 prévoyait qu’il allait être à compter de 2022 :

« mis fin à l’apposition d’étiquettes directement sur les fruits ou légumes, à l’exception des étiquettes compostables en compostage domestique et constituées en tout ou partie de matières biosourcées. »

Il en était résulté un décret n° 2020-1724 du 28 décembre 2020.

 

A l’occasion d’un litige relatif à la demande d’abrogation de ce décret, a été soulevée une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) avec une batterie de moyens classiques à ce stade :

  • atteinte au principe d’égalité et la liberté d’entreprendre garantis par les articles 4 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789,
  • plus osé : violation du principe de légalité des délits et des peines garantis par l’article 8 de la même déclaration
  • très usuel : méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la loi, mais aussi incompétence négative.

Plus précisément, pour reprendre les formulations de ces griefs au stade de l’examen par le Conseil constitutionnel :

«4. L’association requérante reproche à ces dispositions de limiter la faculté pour tout opérateur économique d’apposer des étiquettes sur les fruits et légumes aux seules fins de faciliter le compostage domestique, alors qu’existeraient d’autres moyens moins contraignants pour y parvenir. Elles porteraient ainsi une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre.
« 3. Elle leur reproche également d’instituer une double différence de traitement injustifiée, d’une part, entre opérateurs selon que les fruits et légumes sont produits en France ou importés et, d’autre part, entre les exportateurs français et leurs concurrents à l’étranger. Il en résulterait une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
« 4. En outre, faute de définir en des termes suffisamment clairs et précis l’interdiction édictée, alors que sa méconnaissance serait punie d’une amende contraventionnelle, ces dispositions seraient contraires au principe de légalité des délits et des peines.
« 5. Ces dispositions seraient enfin entachées d’incompétence négative dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles précitées, et méconnaîtraient l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.»

Mais ces arguments ont, sans grande surprise ni difficulté, été balayés par le Conseil constitutionnel :

« 9. D’une part, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu favoriser le compostage des biodéchets et la réduction des déchets plastiques pour mettre en œuvre les objectifs de réduction et de valorisation des déchets ménagers. Ce faisant, il a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé.
«
10. D’autre part, l’interdiction édictée par ces dispositions porte sur l’apposition des seules étiquettes qui ne sont pas compostables et constituées en tout ou partie de matières biosourcées. En déterminant ainsi la portée de cette interdiction, le législateur a apporté aux conditions d’exercice de l’activité économique des entreprises commercialisant des fruits et légumes une restriction qui n’est pas manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.
« 11. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d’entreprendre doit être écarté.
« 
12. En deuxième lieu, les dispositions contestées, qui interdisent de mettre en vente en France des fruits et légumes sur lesquels sont apposées des étiquettes non compostables, n’instituent aucune différence de traitement selon qu’ils sont produits en France ou importés. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté.
« 
13. En dernier lieu, les dispositions contestées n’ont, par elles-mêmes, pour objet ni d’instituer une sanction ayant le caractère d’une punition ni de définir les éléments constitutifs d’une infraction. La circonstance que le pouvoir réglementaire ait sanctionné d’une contravention le manquement à l’interdiction prévue par les dispositions contestées ne saurait leur conférer un tel objet.
« 
14. Il appartient au demeurant au pouvoir réglementaire, dans l’exercice de la compétence qu’il tient de l’article 37 de la Constitution et sous le contrôle des juridictions compétentes, de définir les éléments constitutifs des contraventions en des termes suffisamment clairs et précis.
« 
15. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines ne peut qu’être écarté comme inopérant.»

 

 

Source :

Décision n° 2023-1055 QPC du 16 juin 2023, Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais [Interdiction d’étiquetage des fruits et légumes], Conformité