Nouvelle diffusion pour les trois mois de l’avis contentieux du 25 mai 2023
En matière de fonction publique, s’il s’agit de rémunération, on sera selon les cas en « plein contentieux » ou en « recours pour excès de pouvoir ».
Avec une règle simple ici décrite par feu le Professeur Chapus :
« le recours pour excès de pouvoir peut être exercé au lieu et place d’un recours de plein contentieux contre une décision à objet pécuniaire, lorsque la question à juger est exclusivement celle de la légalité de cette décision et que le requérant ne demande rien de plus que son annulation »(Droit du contentieux, n° 830, 13ème édition).
Bref on retrouve la célèbre jurisprudence du 8 mars 1912, Lafage (GAJA n° 23). A titre d’illustration :
- relève par nature du plein contentieux la contestation des titres exécutoires et ordres de versement (CE, S., 27 avril 1988, n° 74319, au rec. ; CE, 23 décembre 1988, n° 70113, au rec.).
- plus complexe à propos du fameux logiciel Vauban, (CE, avis ctx, 25 juin 2018, n° 419227, au rec.), il arrive que le juge impose de subtiles distinctions, s’agissant en l’espèce de lettres par laquelle l’administration informait un militaire qu’il devait rembourser une somme indument payée :
- si la lettre informe son destinataire qu’en l’absence de paiement spontané de sa part, un titre de perception lui sera notifié, elle est seulement une mesure préparatoire de ce titre et n’est pas susceptible de recours.
- si elle l’informe qu’en l’absence de paiement spontané de sa part, la somme sera retenue sur sa solde, il s’agit d’une décision susceptible de faire l’objet d’un recours… de plein contentieux.
Soit, schématiquement :
- au stade de l’information : pas de recours possible
- au stade des opérations de récupérations de traitement, dès que l’on a une information sur la mise en œuvre pratique, alors on avait un recours en plein contentieux
Confirmation récente : CE, 29 décembre 2020, Université de Savoie Mont-Blanc et ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, n° 425728-429165.
Or, ceci a évolué avec un avis contentieux (CE, avis ctx, 25 mai 2023, Société La Poste, n° 471035, au rec.).
Il s’agissait en l’espèce d’un recours en annulation contre une lettre par laquelle l’administration informe un agent public que des retenues pour absence de service fait vont être effectuées sur ses traitements en raison de l’exercice injustifié de son droit de retrait d’une situation de travail pour un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ainsi que contre le rejet de son recours gracieux introduit contre cette lettre, et tendant à ce qu’il soit enjoint à l’administration de lui rembourser la somme prélevée.
Le Conseil d’État rappelle tout d’abord que :
« la nature d’un recours exercé contre une décision à objet pécuniaire est fonction, hormis les cas où il revêt par nature le caractère d’un recours de plein contentieux, tant des conclusions de la demande soumise à la juridiction que de la nature des moyens présentés à l’appui de ces conclusions. »
Or, si conformément à une jurisprudence constante le recours dirigé contre un titre de perception relève par nature du plein contentieux, « la lettre informant un agent public de ce que des retenues pour absence de service fait vont être effectuées sur son traitement ne peut à cet égard être assimilée à une telle décision lorsqu’elle ne comporte pas l’indication du montant de la créance ou qu’elle émane d’un organisme employeur qui n’est pas doté d’un comptable public. Des conclusions tendant à l’annulation de cette décision et du rejet du recours gracieux formé contre celle-ci doivent être regardées comme présentées en excès de pouvoir. » La précision est appréciable car cela n’allait pas de soi même si la solution est logique.
L’avis précise qu’il s’agit même d’un moyen d’ordre public (MOP) :
« dans l’hypothèse où le juge a méconnu tout ou partie de son office en raison d’une erreur quant à la nature du recours concernant la lettre informant un agent public de ce que des retenues pour absence de service fait vont être effectuées sur son traitement, le moyen tiré de la méconnaissance de son office est d’ordre public. »
Ensuite, et la précision est là encore précieuse, la Haute Assemblée précise également que :
« la circonstance que ce recours en annulation soit assorti de conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à l’administration de rembourser la somme prélevée, qui relèvent du plein contentieux, n’a pas pour effet de donner à l’ensemble des conclusions le caractère d’une demande de plein contentieux. »
Cet avis contentieux peut être consulté à partir du lien suivant :
https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2023-05-25/471035
Voyons ceci avec cette vidéo de 6 mn de Guillaume Glénard, avocat associé :
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