Un contentieux né à propos d’un permis de construire délivré par le maire de la commune de Courchevel a été l’occasion pour le Conseil d’Etat de rappeler que l’intérêt pour effectuer recours contre une décision de justice doit s’apprécier par rapport à ce qu’elle a décidé et non en fonction des motifs retenus par le juge pour justifier la solution qu’il a donnée au litige.
Le contexte qui a donné lieu à cette décision est assez banal : des propriétaires de chalets contestent le permis de construire délivré à leur voisin qui souhaite construire, lui aussi, un chalet sur son terrain. Ils saisissent le juge des référés et obtiennent la suspension de l’exécution du permis, le juge estimant que certains de leurs arguments (mais pas tous, c’est un point important) sont fondés et qu’ainsi, il existe un doute sérieux sur la légalité du permis.
Le titulaire du permis conteste alors l’ordonnance de référé devant le juge de cassation, ici le Conseil d’Etat.
Jusqu’ici, rien de très original.
Mais cela le devient lorsque les opposants au projet forment un pourvoi incident pour contester la décision du juge des référés en tant qu’elle a rejeté certains de leurs arguments.
Pour le Conseil d’Etat, un tel pourvoi incident est irrecevable dès lors que l’ordonnance de référé ne leur fait pas grief, puisqu’elle a fait droit à leur demande de suspension du permis :
“Le pourvoi incident présenté par M. M… et autres étant dirigé contre les seuls motifs de l’ordonnance attaquée et non contre son dispositif, qui ne leur fait pas grief dès lors qu’il fait droit à leur demande de suspension de l’exécution du permis de construire du 20 janvier 2022, il ne peut qu’être rejeté comme irrecevable”.
Même s’il n’est pas d’accord avec le raisonnement suivi par le juge, le justiciable ne peut donc pas contester une décision qui a fait droit à ses demandes.
Ref. : CE, 6 octobre 2023, Société EP Immo, req., n° 471190. Pour lire l’arrêt, cliquer ici