Le 9 novembre 2023, le Conseil d’Etat a rendu deux décisions en matière de procédure de retrait de l’agrément d’un assistant familial, dont il ressort que :
- la suspension de l’agrément sera légale si les éléments portés à la connaissance du président du conseil départemental revêtent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et révèlent une situation d’urgence… avec obligation de justifier de ces éléments devant le juge administratif si celui-ci est saisi… et ce sans (bien sûr) qu’il soit imposé qu’une procédure pénale ait été engagée pour ces mêmes faits ni inversement sans que l’existence d’une telle procédure ne bloque la procédure administrative.Voir par analogie, dans le même sens, CE, 18 juillet 2018, n° 418844, rec. p. 321 ; CE, 21 mars 2022, n° 452722, rec. T. pp. 775-783 ; CAA Bordeaux, 1er mars 2021, arrêt M. F. c/ commune de Rouillac, n° 19BX02653, etc. Citons sur ce point le futur résumé des tables du rec. :
- « 1) Il résulte des articles L. 421-2, L. 421-3 et L. 421-6 du code de l’action sociale et des familles (CASF) qu’il incombe au président du conseil départemental de s’assurer que les conditions d’accueil garantissent la sécurité, la santé et l’épanouissement des enfants accueillis. Dans l’hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l’épanouissement d’un enfant, de la part du bénéficiaire de l’agrément ou de son entourage, il lui appartient, dans l’intérêt qui s’attache à la protection de l’enfance, de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux. Il peut procéder à la suspension de l’agrément lorsque ces éléments revêtent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et révèlent une situation d’urgence,
- « 2) ce dont il lui appartient le cas échéant de justifier en cas de contestation de cette mesure de suspension devant le juge administratif, sans que puisse y faire obstacle la circonstance qu’une procédure pénale serait engagée, à laquelle s’appliquent les dispositions de l’article 11 du code de procédure pénale. »
- le retrait de l’agrément d’un assistant familial impose la consultation de la commission consultative paritaire départementale compétente… le Conseil d’Etat à cette occasion en précise les modalités et rappelle que, bien évidemment, une telle consultation est une garantie pour l’intéressé (y compris donc, suppose-t-on, et ce serait logique, au sens de la jurisprudence Danthony).
Notamment, il appartient au Président du Conseil départemental « dans l’intérêt qui s’attache à la protection de l’enfance, de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l’enfant est victime de tels comportements ou risque de l’être ».
La question se pose notamment quant à l’obligation, alors, ou non, de communiquer intégralement les éléments sur lesquels le Président du Conseil départemental entend fonder sa décision… La réponse du Conseil d’Etat est, fort heureusement, négative à cette question il n’y a pas l’obligation de tout transmettre… Seuls sont à communiquer les informations de nature à porter gravement préjudice aux intérêts en présence. Si une procédure pénale est en cours, cela peut poser de sérieux problèmes de communication des pièces. D’où le compromis formulé ainsi par le Conseil d’Etat :
« Si la communication de certains de ces éléments est de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui auraient alerté les services du département, à l’enfant concerné ou aux autres enfants accueillis ou susceptibles de l’être, il incombe au département non de les communiquer dans leur intégralité mais d’informer l’intéressé et la commission de leur teneur, de telle sorte que, tout en veillant à la préservation des autres intérêts en présence, l’intéressé puisse se défendre utilement et que la commission puisse rendre un avis sur la décision envisagée.»Voir par analogie : CE, 9 juillet 2007, Sangare, n° 288295, rec. T. pp. 651-1109. - Citons sur ce point le futur résumé des tables du rec. :
- « 1) a) Il résulte des articles L. 421-2, L. 421-3, L. 421-6 et R. 421-23 du code de l’action sociale et des familles (CASF) que, s’il incombe au président du conseil départemental de s’assurer que les conditions d’accueil garantissent la sécurité, la santé et l’épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l’agrément de l’assistant familial si ces conditions ne sont plus remplies, il ne peut le faire qu’après avoir saisi pour avis la commission consultative paritaire départementale compétente, devant laquelle l’intéressé est en droit de présenter ses observations écrites ou orales, en lui indiquant, ainsi qu’à l’assistant familial concerné, les motifs de la décision envisagée.
- « b) La consultation de cette commission sur ces motifs, à laquelle est attachée la possibilité pour l’intéressé de présenter ses observations, revêt ainsi pour ce dernier le caractère d’une garantie.
- « c) Il en résulte qu’un tel retrait ne peut intervenir pour un motif qui n’aurait pas été soumis à la commission consultative paritaire départementale et sur lequel l’intéressé n’aurait pu présenter devant elle ses observations.
« 2) Dans l’hypothèse où le président du conseil départemental envisage de retirer l’agrément d’un assistant familial après avoir été informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l’épanouissement d’un enfant, de la part du bénéficiaire de l’agrément ou de son entourage, il lui appartient, dans l’intérêt qui s’attache à la protection de l’enfance, de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l’enfant est victime de tels comportements ou risque de l’être.
- « a) Il lui incombe, avant de prendre une décision de retrait d’agrément, de communiquer à l’intéressé ainsi qu’à la commission consultative paritaire départementale les éléments sur lesquels il entend se fonder, sans que puisse y fasse obstacle la circonstance qu’une procédure pénale serait engagée, à laquelle s’applique l’article 11 du code de procédure pénale (CPP) relatives au secret de l’instruction pénale.
- « b) Si la communication de certains de ces éléments est de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui auraient alerté les services du département, à l’enfant concerné ou aux autres enfants accueillis ou susceptibles de l’être, il incombe au département non de les communiquer dans leur intégralité mais d’informer l’intéressé et la commission de leur teneur, de telle sorte que, tout en veillant à la préservation des autres intérêts en présence, l’intéressé puisse se défendre utilement et que la commission puisse rendre un avis sur la décision envisagée. »
Sources :
Conseil d’État, 9 novembre 2023, n° 473633, aux tables du recueil Lebon
Conseil d’État, 9 novembre 2023, n° 474932, aux tables du recueil Lebon
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