Des faits d’exhibition sexuelle justifient la suspension de l’agent dès lors qu’ils présentent un caractère de vraisemblance suffisant.

Par un arrêt M. B. c/ Cour des comptes en date du 21 mars 2021 (req. n° 452722), le Conseil d’État a rappelé le régime des mesures de suspension d’un agent dans l’intérêt du service. Appliqué à magistrat de la cour des comptes, l’arrêt vaut par analogie pour tous les agents publics. Plus précisément, il rappelle que la suspension d’un agent public est justifiée dès lors que les faits, en l’occurrence d’exhibition sexuelle, sont vraisemblables. Autrement dit, il n’est pas nécessaire qu’ils soient établis pour que la mesure soit justifiée.

M. B…, conseiller référendaire à la Cour des comptes, a été suspendu de ses fonctions par un décret du Président de la République en date du …. 2021 pris sur proposition du premier président de la Cour des comptes, à la suite d’un courrier du 2 avril 2021 adressé au secrétaire général de la Cour des comptes faisant état d’accusations portées à l’encontre de M. B… pour des faits d’exhibition sexuelle qu’il aurait commis dans son bureau de la Cour des comptes, le 30 mars 2021, en présence d’une ancienne collègue, laquelle a maintenu son récit des faits lors d’un entretien avec le secrétaire général le 13 avril suivant.

M. B… a alors saisi le Conseil d’État d’une demande l’annulation pour excès de pouvoir du décret du …. 2021 le suspendant de ses fonctions et à ce qu’il soit ordonné sa réintégration.

Après avoir cité l’article L. 124-10 du code des juridictions financières qui prévoit la possibilité de suspendre dans l’intérêt du service un magistrat de la cour des comptes qui commet une faute grave rendant impossible, eu égard à l’intérêt du service, son maintien en fonctions et si l’urgence le commande, le Conseil d’État rappelle, conformément à sa jurisprudence constante relative à ce type de mesure, que la mesure de suspension susceptible d’être prise à l’égard d’un magistrat de la Cour des comptes :

1/ revêt le caractère non d’une sanction disciplinaire, mais d’une mesure conservatoire prise dans l’intérêt du service ;

2/ qu’elle n’est pas au nombre des décisions qui doivent obligatoirement être motivées et avant l’intervention desquelles le magistrat concerné doit être mis à même de consulter son dossier ;

3/ qu’elle peut être prononcée lorsque les faits imputés au magistrat présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l’intéressé au sein de la Cour des comptes présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours.

Or, en l’espèce estime le Conseil d’État, alors même que ces faits étaient contestés par M. B…, ils ont pu être regardés, eu égard aux éléments rassemblés par le secrétaire général de la Cour des comptes, tels que les messages échangés entre les intéressés le 30 mars 2021 quelques heures après, comme étant suffisamment graves et vraisemblables pour justifier, compte tenu du retentissement de ces accusations et des fonctions que M. B… exerce à la Cour des comptes, la mesure de suspension prononcée à son encontre.

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2022-03-21/452722