Refus de permis de construire (ou sursis à statuer) annulé : et après ?

Lorsque le juge annule un refus de permis ou une décision de sursis à statuer, les conséquences de cette annulation sont multiples.

Par un arrêt rendu le 13 novembre 2023, le Conseil d’Etat vient de préciser certaines d’entre-elles, lesquelles concernent tant le juge que l’administration.

Le juge d’abord : s’il annule une décision de sursis à statuer et qu’il a été saisi de conclusions aux fins d’injonction, il doit, en principe, ordonner à la collectivité de délivrer l’autorisation d’urbanisme :

“lorsque le juge annule un refus d’autorisation d’urbanisme, y compris une décision de sursis à statuer, ou une opposition à une déclaration, après avoir censuré l’ensemble des motifs que l’autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l’article L. 424-3 du code de l’urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu’elle a pu invoquer en cours d’instance, il doit, s’il est saisi de conclusions à fin d’injonction, ordonner à l’autorité compétente de délivrer l’autorisation ou de prendre une décision de non-opposition, sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative”

Le juge ne peut décider différemment que s’il existe encore des motifs qui permettraient de justifier un refus d’autorisation :

“Il n’en va autrement que s’il résulte de l’instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l’article L 600-2 du code de l’urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l’accueillir pour un motif que l’administration n’a pas relevé, ou que par suite d’un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle”.

S’agissant de la collectivité, celle-ci doit réexaminer la demande de permis si le pétitionnaire a confirmé sa demande dans les six mois suivant l’annulation du refus et, lors de cet examen, elle ne peut prendre en compte en principe l’intervention de nouvelles règles d’urbanisme, comme le prévoit l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme.

Mais si elle décide de délivrer l’autorisation et qu’un appel a été formé à l’encontre du jugement annulant le refus, ladite autorisation restera précaire puisqu’elle pourra être retirée si le jugement est censuré :

“lorsqu’un refus de permis de construire ou une décision d’opposition à une déclaration préalable a été annulé par un jugement ou un arrêt et que le pétitionnaire a confirmé sa demande ou sa déclaration dans le délai de six mois suivant la notification de cette décision juridictionnelle d’annulation, l’autorité administrative compétente ne peut rejeter la demande de permis, opposer un sursis à statuer, s’opposer à la déclaration préalable dont elle se trouve ainsi ressaisie ou assortir sa décision de prescriptions spéciales en se fondant sur des dispositions d’urbanisme postérieures à la date du refus ou de l’opposition annulé. Toutefois, le pétitionnaire ne peut bénéficier de façon définitive du mécanisme institué par l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme que si l’annulation juridictionnelle de la décision de refus ou d’opposition est elle-même devenue définitive, c’est-à-dire, au sens et pour l’application de ces dispositions, si la décision juridictionnelle prononçant cette annulation est devenue irrévocable. Par suite, dans le cas où l’autorité administrative a délivré le permis sollicité ou pris une décision de non-opposition sur le fondement de ces dispositions, elle peut retirer cette autorisation si le jugement ou l’arrêt prononçant l’annulation du refus ou de l’opposition fait l’objet d’un sursis à exécution ou est annulé, sous réserve que les motifs de la nouvelle décision juridictionnelle ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à un autre refus, dans le délai de trois mois à compter de la notification à l’administration de cette nouvelle décision juridictionnelle. L’administration doit, avant de procéder à ce retrait, inviter le pétitionnaire à présenter ses observations“.

Et cette autorisation délivrée pourra également être contestée par les tiers sans que les décisions, juridictionnelles ayant annulé le précédent refus puissent leur être opposées :

“L’autorisation d’occuper ou utiliser le sol délivrée au titre de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme peut être contestée par les tiers sans qu’ils puissent se voir opposer les termes du jugement ou de l’arrêt ayant annulé le refus ou la décision d’opposition”.

En résumé, l’administré qui a obtenu l’annulation du refus qui lui a été opposé par la collectivité ne doit donc pas crier victoire trop tôt. S’il peut obtenir une autorisation d’urbanisme en conséquence du jugement qui annulé ce refus, il devra garder à l’esprit que cette décision pourra être remise en cause tant que l’annulation prononcée par le juge ne sera pas devenue définitive.

Ref.  CE, 13 novembre 2023, Commune de Saint-Didier-au-Mont-D’Or, req., n° 466407. Pour lire l’arrêt, cliquer ici