La Cour des comptes se penche sur les syndicats intercommunaux et syndicats mixtes

 

Un rapport de la Cour des comptes vient d’être rendu à propos des syndicats intercommunaux et des syndicats mixtes. Sans surprise, les magistrats de la rue Cambon appellent de leur voeux à une rationalisation plus poussée encore en ce domaine, dans la foulée des lois du 16 décembre 2010 et 7 août 2015.

Néanmoins, leur point de vue reste nuancé, notamment sur le fait qu’il ne faut pas attendre de ladite rationalisation une amélioration notable des finances publiques.

Ses recommandations, modestes, sont d’ailleurs assez consensuelles et techniquement pertinentes :

  • 1. Pour 2020 : dresser un bilan de la carte syndicale issue de la loi NOTRe ;
  • 2. provoquer la dissolution des SIVU exerçant la compétence « construction et entretien des collèges et des lycées » ;
  • 3. promouvoir les formules souples de coopération prévues par la loi dans les domaines où les EPCI à fiscalité propre ne seraient pas compétents ;
  • 4. supprimer l’attribution de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) aux syndicats de communes.
  • 5. Sur la base du rapport présenté par le Gouvernement au Parlement, octroyer à nouveau des pouvoirs exceptionnels aux préfets en 2020 et ce, pour une durée limitée, en vue d’atteindre les objectifs de simplification ultimes qui seront alors fixés ;
  • 6. mettre fin à l’impossibilité de conclure des ententes intercommunales dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
  • 7. dissoudre les syndicats inactifs au terme d’une période de référence permettant d’apprécier leur inactivité passant de de deux ans à un an ;
  • 8. alléger la procédure de dissolution d’office visée par l’article L. 5212-33 du code général des collectivités territoriales.

Ce rapport vaut aussi pour ses informations nombreuses, et notamment — en annexe — ses monographies départementales.

Voici en téléchargement libre ce rapport et son annexe (monographies départementales) :

 

20160706-rapport-carte-syndicats-intercommunaux-SIVU-SIVOM

 

20160706-annexe-rapport-carte-syndicats-intercommunaux-SIVU-SIVOM

 

Et voici le résumé de ce rapport produit par la Cour elle-même :  

 

Au regard du reste de l’Europe, le paysage territorial français se caractérise par le
nombre exceptionnellement élevé de communes : 36 000 dont 19 185 de moins de 500
habitants. Cet éparpillement historique a pour conséquence d’obliger les communes,
notamment les plus petites, à se regrouper pour assurer un certain nombre de services publics
de base à leur population. Au 1er janvier 2016, 7 992 syndicats mixtes à vocation unique
(SIVU), 1 149 syndicats mixtes à vocation multiple (SIVOM) et 2 046 syndicats mixtes
fermés (SMF), exercent, avec une efficacité variable, un peu plus de quatre-vingts
compétences différentes sur le territoire métropolitain.
Diversement implantés dans les départements, ces syndicats de communes, qui peuvent
gérer soit des services publics administratifs, financés par les contributions des communes
membres, soit des services publics industriels et commerciaux, financés par des redevances ou
des prix, se sont développés au gré du besoin en services ou équipements structurants en eau,
assainissement, déchets ménagers, ou infrastructure scolaire, principalement.
Dans le même temps, et ce, depuis la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement de
la coopération intercommunale, différentes lois ont incité à la construction d’une
intercommunalité à fiscalité propre. Au 1er janvier 2016, l’on comptait 2 132 établissements
publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre : communautés urbaines,
communautés d’agglomération ou communautés de communes, auxquelles s’ajoutent
désormais les métropoles.
La carte administrative qui résulte de ces créations successives offre au regard une
superposition de périmètres, ceux des syndicats, des intercommunalités à fiscalité propre et
des communes.
De fait, les syndicats ont continué à exister aux côtés des EPCI à fiscalité propre,
exerçant des compétences dont ceux-ci ne s’étaient pas dotés ou oeuvrant sur des périmètres
plus larges ou au contraire plus restreints. L’ambition portée par les lois sur
l’intercommunalité de rationaliser et simplifier la carte intercommunale ne s’est pas
véritablement traduite dans les faits. La réduction du nombre de syndicats est certes
incontestable mais elle reste mesurée au regard des attentes du législateur et des moyens mis à
la disposition des préfets pour y parvenir.
Les leviers de cette rationalisation ont pourtant été nombreux : de manière mécanique,
l’élargissement du périmètre de ces EPCI englobait des périmètres de syndicats qui pouvaient
dès lors disparaître ; les fusions entre syndicats ont été autorisées ; un schéma de coopération
intercommunale a pu dessiner la carte départementale d’une intercommunalité plus rationnelle
et plus efficiente, construite en négociation avec les élus locaux. Les préfets disposaient
également du pouvoir de passer outre2 les votes négatifs exprimés par les communes
concernées par les projets de réorganisation de la carte intercommunale.
Plusieurs raisons expliquent la relative modestie des effets obtenus de ces leviers. Tout
d’abord, dans les lois qui se sont succédé, priorité a été donnée à la couverture de l’ensemble
du territoire par les EPCI à fiscalité propre. La rationalisation de la carte des syndicats n’y
apparaissait ainsi que comme un objectif de second rang, ou une conséquence indirecte.
D’autre part, des obstacles de divers ordres, juridique, comptable et mais aussi politique, se
sont manifestés.
Au total, en dépit d’une indéniable évolution, la carte syndicale reste encore
insatisfaisante. Elle laisse non seulement subsister un nombre encore élevé de petits syndicats,
mais aussi maintient diverses situations d’inefficience : elle est marquée par des
superpositions de périmètres ou d’acteurs, le maintien de syndicats exerçant des compétences
qui pourraient, voire devraient, être portées par d’autres EPCI, et parfois, des syndicats aux
activités résiduelles sinon inexistantes.
C’est par rapport à ce constat d’ensemble mitigé qu’il convient de mesurer ce qu’il reste
à accomplir en la matière comme les moyens qu’il conviendrait de mettre en oeuvre pour
parachever cette évolution.
Force est, toutefois, de reconnaître que, pour être réel, l’enjeu pour les finances
publiques d’une meilleure rationalisation de la carte syndicale demeure relativement modeste.
La gestion des syndicats de communes pèse d’un poids limité au regard des dépenses des
EPCI à fiscalité propre ou du bloc communal. De même, ils permettent d’offrir un service de
proximité, notamment dans les territoires ruraux, dont la souplesse est particulièrement
appréciée des élus.
Le souci de l’efficacité de la gestion publique ne peut toutefois se satisfaire de la
persistance de cette situation, toute de complexité et d’enchevêtrement des institutions. Aussi
est-il apparu nécessaire de trouver une nouvelle voie. C’est l’esprit de la loi sur la nouvelle
organisation territoriale de la République du 7 août 2015 dite loi « NOTRe ». Elle porte, de
fait, une nouvelle ambition : les EPCI à fiscalité propre voient leur périmètre élargi et, entre
2017 et 2020, seront dotés de compétences obligatoires qui devront ainsi « remonter » des
syndicats. Les dispositions que la loi comporte devraient ainsi permettre, d’ici à 2020, de
conduire à une rationalisation des services relatifs à l’eau, à l’assainissement, aux déchets
ménagers, au développement économique et à une diminution corrélative du nombre de
syndicats, dont la Cour dresse un premier bilan.
Les étapes précédentes, celles engagées depuis 1992 et la loi d’orientation relative à
l’administration territoriale de la République à travers les différents textes législatifs qui se
sont succédé, n’incitent toutefois pas à penser que la loi NOTRe de 2015 pourra pleinement
porter les effets qui en sont attendus sans un accompagnement attentif.
En effet, les obstacles qui, dans le passé, sont venus limiter le mouvement de
simplification de la carte syndicale sont toujours présents et rendent peu opérants les leviers
mis à la disposition des élus et des préfets. Ils peuvent être propres à la compétence exercée,
qu’il s’agisse du territoire d’exercice des syndicats, – bassin versant pour les syndicats d’eau
ou distance entre zones de collecte puis de traitement pour les syndicats de déchets – ou qu’il
s’agisse de la possibilité offerte aux communes de créer de nouveaux syndicats scolaires,
exception aux dispositions générales posées dans le code général des collectivités territoriales.
Ils peuvent également être d’ordre comptable – la répartition laborieuse de l’actif et du passif
entre les communes membres lors d’une procédure de dissolution – ou juridique, du fait
notamment d’une définition restrictive de l’intérêt communautaire des compétences des
communautés de communes ou d’agglomération vouées à être les structures d’accueil des
attributions jusque-là exercées par les syndicats se trouvant sur leur territoire. De surcroît,
face aux réticences manifestées par les élus, les préfets n’ont jusqu’à présent que rarement
recouru aux pouvoirs renforcés dont ils étaient dotés.
C’est pourquoi, afin de pleinement assurer la dynamique de rationalisation portée par
la loi NOTRe, il sera nécessaire que son processus de mise en oeuvre sur la période 2017-2020
soit accompagné par l’administration, la DGCL en premier lieu, ce qu’elle n’a pas été jusqu’à
présent été véritablement en mesure de faire, en particulier lors de la mise en oeuvre des
schémas de coopération intercommunale de 2011. Celle-ci devra ainsi s’attacher à favoriser la
stabilisation des structures intercommunales et à disposer d’une connaissance fine des
recompositions sur la base d’informations régulièrement transmises par les préfectures.
Il sera, de surplus, particulièrement utile de plus amplement recourir à des formules
déjà existantes, qui permettent de répondre tant au souci de rationalisation qu’au besoin
exprimé par les élus d’un service public de proximité. Sous-utilisés, ces outils juridiques,
– entente intercommunale, prestations de services entre communes et communautés,
mutualisation de services et de moyens -, offrent pourtant des solutions de coopération plus
souples que la création d’un syndicat intercommunal. L’encouragement à leur développement
ne pourrait qu’être bénéfique.
Quelle que soit son efficacité, la dynamique issue de la loi NOTRe nécessitera sans
doute qu’une nouvelle étape soit engagée au-delà de l’horizon de celle-ci : 2020. Dans une
telle perspective, il serait utile de prévoir une « clause de revoyure » au terme de la période
d’intégration par les nouveaux EPCI à fiscalité propre de leurs nouvelles compétences et de la
dissolution des syndicats intégrés dans les périmètres et les champs de compétence élargis de
ces EPCI à fiscalité propre. En tirant les conclusions des effets de la loi NOTRe à cet égard,
l’état des lieux de la carte syndicale, qui serait alors dressé, permettrait d’engager cette
nouvelle étape dans les meilleures conditions.
Il sera alors possible de choisir en toute connaissance de cause, soit de s’en tenir à une
poursuite pragmatique et différenciée de la réduction du nombre de syndicats de communes
(SIVOM et SIVU), qui devrait, à terme, être résiduel, soit de fixer des objectifs quantifiés
limitatifs pour ces catégories d’établissements, ce qui suppose de s’engager dans un scénario
visant à en limiter drastiquement le nombre. À cet égard, on soulignera qu’alors que 11 187
syndicats (SIVU, SIVOM et SMF) existent au 1er janvier 2016, dont 7 992 SIVU,
l’Association des communautés de France évoque une cible de 3 000 syndicats qui pourraient
subsister. L’écart entre le nombre de syndicats existants et le chiffre proposé par l’AdCF
témoigne des marges non négligeables de simplification qui sont encore raisonnablement
mobilisables.
Pour aller vers cette nouvelle rationalisation de la carte syndicale, l’octroi de pouvoirs
exceptionnels aux préfets, sur le modèle de ceux prévus dans la loi sur la réforme des
collectivités territoriales (RCT) de 2010 et la loi NOTRe de 2015, et pour le temps limité de la
définition et de la première mise en place d’une ultime étape de rationalisation en 2020, serait
de nature à faciliter les conditions de dissolution des syndicats ayant perdu leur raison
d’exister. Le recours à une désincitation financière par la suppression des droits à la dotation
d’équipement des territoires ruraux pour les projets portés par des syndicats intercommunaux
constituerait également un moyen d’action particulièrement efficace.
Il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur les objectifs ultimes qui relèvent du
législateur, mais, en tout état de cause, quel que soit le choix qui sera fait, il est peu probable
que le mouvement de rationalisation de la carte syndicale puisse être considéré comme
pleinement achevé à l’horizon de 2020, terme des effets attendus de la loi NOTRe.
Pour le parachever, il y aura lieu de continuer plus activement le travail de
simplification et de fixer clairement une cible de réduction du nombre de syndicats.