Maison natale de Jean Moulin : pas de mise en concurrence ni de publicité avant la vente de ce bien du domaine privé, selon un TA.

 

Par un jugement rendu ce jour, le Tribunal Administratif de Montpellier a rejeté le recours présenté par l’association « Les amis de la maison de Jean Moulin » tendant à l’annulation de la délibération du 15 décembre 2015 par laquelle le conseil municipal de Béziers avait autorisé la vente de la maison natale de Jean Moulin à une société privée en vue de sa réhabilitation, avant sa rétrocession partielle à la commune pour en faire un musée. Citons les faits tels que retracés par le juge :

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Dans ce cadre, le tribunal juge que la délibération n’avait pas à être précédée d’une mise en concurrence avec publicité. Il considère que l’opération, qui ne présente pas le caractère d’une convention publique d’aménagement, s’apparente à la vente d’un bien domanial au plus offrant, laquelle n’est pas soumise au respect d’une telle procédure. Il se fonde à ce titre sur l’absence de pouvoir de contrôle de la commune sur les travaux à réaliser et sur l’objet principal du contrat, qui ne concerne pas les seuls travaux de réhabilitation du bien destiné à être rétrocédé, mais porte sur l’aliénation de l’ensemble de l’immeuble dont la plus grande partie doit être conservée par la société pour être commercialisée sous la forme d’appartements.

Le tribunal estime également qu’aucun élément ne justifiait une actualisation de l’estimation de la valeur vénale du bien, réalisée en 2014 par le service des Domaines.

C’est dans ces conditions que le tribunal a rejeté le recours dirigé contre la délibération du 15 décembre 2015.

 

Peut-on utiliser ce jugement avec confiance ? La réponse nous semble nettement négative. En effet :

 

  • d’une part, les règles de base du droit public, le principe d’impartialité, peuvent conduire à ce que l’administration doive donner des garanties de sa neutralité, de son impartialité.Il en va ainsi en matière de pratiques anticoncurrentielles de droit privé (CE  26 mars 1999, Société EDA, req. n° 202260).Surtout, les traités européens imposent un minimum de mise en concurrence et de publicité, un mimimum de transparence pour garantir le principe de non discrimination (CJUE, 7 décembre 2000, affaire C-324/98, Telaustria et Telefonadress ; voir aussi CJUE, 14 juillet 2016, affaire C-458/14, Promoimpresa Srl).). Voir aussi BJCP, n° 113, juillet-août 2017, p. 205 et suivantes, l’article Mise en concurrence domaniale de M. Guylain Clamour).

    Donc application des marchés publics ? peut-être que non (voir ci-après).
    Mais obligations tenant au principe d’impartialité ou de non discrimination  : oui.

 

  • d’autre part, en l’espèce, un bien est cédé à une association qui fait des travaux et les restitue à la commune pour partie.Bref, cela cache une opération de marchés de travaux, si les travaux sont prévus avec un mimim de précision et d’adaptation au profit de la collectivité (comme en matière de VEFA ! – TA Nice (ord.), 6 déc. 2006, Société Cirmad Grand Sud, Req. n° 0605880 ; CE, 3 juin 2009, Commune de Saint Germain en Laye, n° 311798…).

 

N.B. : le bien ayant été pré-affecté à un musée pour son rez-de-chaussée, on pourrait même s’interroger sur le point de savoir s’il n’y a pas là du domaine public virtuel ce qui changerait tout : voir sur ce point : La domanialité publique virtuelle : lazare juridique OU cœlacanthe contentieux ?). 

 

Donc voici ce jugement qui a le mérite d’exister, de nourrir le débat, de pouvoir être brandi au besoin, mais qui reste à manipuler avec précaution. Entre ici, Jean Moulin. Dans un bazar juridique monté par… la mairie de Béziers. Voici qui donne un air de grisaille à cet après midi ensoleillé… de grisaille juridique. De grisaille historique.

Ici naquit Jean Moulin, peut-on lire sur place. Ci-gisent les bases essentielles du droit public, pense-t-on à la lecture de cette décision :

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