Sport/tourisme 0 – espèces protégées 1

C’est une victoire par KO des espèces protégées contre le sport et le tourisme.

Un bassin d’aviron devait être aménagé pour la coupe du monde de ce sport, et ce dans une réserve naturelle régionale.

Aux termes de l’article L. 332-9 du code de l’environnement, dans sa version alors applicable :

« Les territoires classés en réserve naturelle ne peuvent être ni détruits ni modifiés dans leur état ou dans leur aspect, sauf autorisation spéciale du conseil régional pour les réserves naturelles régionales, ou du représentant de l’Etat pour les réserves naturelles nationales (…) »

 

De plus, aux termes du I de l’article L. 411-1 du code de l’environnement dans sa rédaction applicable au litige :

« Lorsqu’un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient la conservation d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées, sont interdits (…) / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l’arrachage, la cueillette ou l’enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l’altération ou la dégradation du milieu particulier à ces espèces animales ou végétales (…)  » »

 

Donc en pareil cas le lieu doit-il ne jamais être touché de main d’homme ? Non mais il faut justifier de s’inscrire dans les exceptions de  l’article L. 411-2 du même code, dans sa version applicable :

«  Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / (…) 4° La délivrance de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (…) / c) Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ; (…) »

 

Se pose alors la question de savoir ce qu’est une telle raisons impératives d’intérêt public majeur… 

Etait-ce une raison d’intérêt public majeur que d’aménager le site pour ladite coupe du monde d’aviron ? 

NON répond la CAA de Lyon via la notion d’atteinte excessive à l’intérêt général :

« […] ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, d’autre part, les conséquences de la démolition pour l’intérêt général et, d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général ;
24. Considérant que la régularisation de la création du bassin litigieux, qui constitue un ouvrage public et comprend des aménagements situés dans la réserve naturelle régionale et hors réserve, doit être appréciée dans son ensemble ; qu’eu égard aux motifs précités d’annulation, si certaines de ses parties pourraient, considérées isolément, faire l’objet d’une régularisation, la régularisation de l’ouvrage public dans son ensemble ne paraît, en l’état des éléments qui ont été soumis tant au tribunal qu’à la cour, pas possible ;
25. Considérant que le bassin de compétition, achevé en 2014 comporte 19 pieux de fondation, 42 corps morts immergés depuis plus de quatre ans dans le lac à des profondeurs allant jusqu’à 60 mètres, 15 d’entre eux étant situés à proximité de frayères, alors que la moitié des ancrages du bassin se trouve à l’intérieur du périmètre de protection rapprochée du site de pompage du Thiers déclaré d’utilité publique par arrêté préfectoral du 17 octobre 2001 et que la direction régionale de santé de la région Auvergne-Rhône-Alpes, consultée par le ministre de la transition écologique et solidaire, a émis le 3 mai 2018 un avis défavorable à la destruction des éléments du bassin d’aviron litigieux ;

26. Considérant que la remise en état du site implique le retrait les aménagements réalisés dans le périmètre de la réserve naturelle, dans un espace de végétation lacustre protégé et strictement encadré, notamment par le règlement de la réserve régionale ; que le bassin aménagé s’étend sur une surface d’environ 250 m² soit 0,005 % de la surface totale du lac ; qu’il ressort des pièces du dossier et, notamment, de l’étude de faisabilité de l’opération de démontage du bassin de mars 2018, réalisée par un groupement de bureau d’études, que les opérations de retrait des aménagements en cause, sont des opérations techniques lourdes, en raison notamment du poids des corps morts et de leur envasement, susceptibles d’emporter des modifications de cette partie du lac ; que l’opération de démontage comporte des risques sanitaires sur la qualité de l’eau potable distribuée dans le secteur et sur la faune et la flore, en particulier sur les espèces végétales protégées que sont les  » najas marina  » et les  » najas minor  » qui ont pu, selon les constatations du protocole de suivi des herbiers, se développer récemment autour des dispositifs immergés, alors qu’il ne résulte de l’instruction ni que le maintien de ces aménagements dans le périmètre de la réserve naturelle serait susceptible d’emporter des conséquences négatives sur l’environnement, ni que leur retrait aurait un impact positif ;

27. Considérant qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que la suppression des aménagements réalisés dans le périmètre de la réserve naturelle, à savoir sur et dans les eaux du lac, est de nature à porter une atteinte excessive à l’intérêt général ; qu’il y a lieu, dès lors, de faire droit aux conclusions de la requête et du recours susvisés tendant à l’annulation de l’injonction prononcée par l’article 7 du jugement attaqué ;

 

 

Voir

CAA de LYON, 3ème chambre – formation à 3, 23/10/2018, 17LY04341, Inédit au recueil Lebon