Congé annuel non pris : la CJUE étend les hypothèses d’indemnisation.

Par deux arrêts du 6 novembre 2018, M. Kreuziger c/ Land Berlin et Stadt Wuppertal c/ Mme Bauer (aff. C-619/16 et C-569/16), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) étend l’obligation pour l’administration de procéder à une indemnisation lorsqu’un agent public n’a pas pris ses congés annuels.

On se souvient que, par un avis contentieux du 26 avril 2017 (Ministre de l’intérieur, n°406009), le Conseil d’État avait pris acte de la jurisprudence de la CJUE (arrêt C-214/10 du 22 novembre 2011) selon laquelle le droit de l’Union européenne fait obstacle à ce que le droit au congé annuel payé qu’un travailleur n’a pas pu exercer pendant une certaine période parce qu’il était placé en congé de maladie pendant tout ou partie de cette période s’éteigne à l’expiration de celle-ci, sans pour autant que le droit au report des congés annuels non exercés pour ce motif soit illimité dans le temps.

La Cour administrative d’appel de Marseille en avait conclu qu’une indemnisation était possible à la condition que l’impossibilité de prendre ses congés résulte (6 juin 2017, Commune de Calvi, req. n° 15MA02573) :

  • d’une part, de motifs indépendants de la volonté de l’agent en raison d’un congé de maladie ou liés à l’intérêt du service,
  • d’autre part, de la fin de la relation de travail qui n’en permet pas le report.

Or, les deux arrêts de la CJUE du 6 novembre 2018 vont contraindre le juge administratif à aller plus loin, puisqu’ils étendent l’obligation pour une administration d’indemniser les agents publics ou leurs ayants droit qui n’ont pu reporter des congés annuels à deux hypothèses :

  • d’une part, lorsque l’agent public quitte ses fonctions sans avoir pu prendre l’ensemble des congés annuels acquis.
    Toutefois, dans la mesure où cela peut être le fait volontaire de l’agent, l’arrêt M. Kreuziger c/ Land Berlin que l’employeur public peut être dispensé de son obligation d’indemniser mais à la condition de « veiller concrètement et en toute transparence à ce que le travailleur soit effectivement en mesure de prendre ses congés annuels payés, en l’incitant, au besoin formellement, à le faire, tout en l’informant, de manière précise et en temps utile pour garantir que lesdits congés soient encore propres à garantir à l’intéressé le repos et à la détente auxquels ils sont censés contribuer, de ce que, s’il ne prend pas ceux-ci, ils seront perdus à la fin de la période de référence ou d’une période de report autorisée, ou, encore, à la fin de la relation de travail lorsque cette dernière intervient au cours d’une telle période » ;
  • d’autre part, lorsque l’agent public est décédé sans avoir pris l’ensemble des congés annuels acquis. Dans cas, ce sont les ayants droit qui peuvent être indemnisés. En effet, comme le précise l’arrêt Stadt Wuppertal c/ Mme Bauer, le droit de l’Union européenne s’oppose à « une réglementation nationale […] en application de laquelle, lorsque la relation de travail prend fin en raison du décès du travailleur, le droit à des congés annuels payés acquis […] et non pris par ce travailleur avant son décès s’éteint sans pouvoir donner naissance à un droit à une indemnité financière au titre desdits congés qui soit transmissible aux ayants droit dudit travailleur par la voie successorale».