L’imputabilité au service ne peut être écartée en raison de l’absence de volonté de l’employeur public de porter atteinte aux droits ou à la santé de l’agent.

Par un arrêt Mme A… c/ communauté d’agglomération du Choletais en date du 13 mars 2019 (req. n° 407795), le Conseil d’État précise que la circonstance que l’employeur n’a pas eu la volonté de porter atteinte aux droits, à la dignité ou à la santé de l’agent ne permet pas d’écarter l’imputabilité au service d’une pathologie, laquelle doit être appréciée au regard des conditions de travail du fonctionnaire.

En l’espèce, Mme A…, attachée territoriale chargée depuis le 1er septembre 1988 de la direction de l’établissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes de Trémentines, rattaché pour sa gestion à la communauté d’agglomération du Choletais depuis 2003, a sollicité la reconnaissance de l’imputabilité au service d’un syndrome dépressif sévère médicalement constaté en juin 2013. Par décision du 31 juillet 2014, la communauté d’agglomération a refusé de faire droit à cette demande.

Par un jugement du 3 février 2016, le tribunal administratif a annulé cette décision et jugé la maladie de Mme A…imputable au service. Par un arrêt du 9 décembre 2016, sur appel de la communauté d’agglomération du Choletais, la cour administrative d’appel de Nantes a annulé ce jugement et rejeté la demande de MmeA… qui se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

Dans son arrêt, le Conseil d’État rappelle tout d’abord qu’une « maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service. »

Puis analysant les faits de l’espèce, il relève que Mme A…, qui a fait l’objet de sanctions d’exclusion temporaire du service de trois jours le 30 juin 2011 et de six mois avec sursis partiel de trois mois le 3 juin 2013, a souffert d’un syndrome dépressif sévère, constaté le 15 juillet 2013 par un médecin du service des pathologies professionnelles du centre hospitalier universitaire d’Angers. Cette affection l’a empêchée de reprendre ses fonctions jusqu’au 13 mai 2014, date à laquelle elle s’est présentée à son poste. La commission de réforme, saisie de la demande de prise en charge au titre de la maladie professionnelle des arrêts de travail de Mme A…, a émis, après examen médical de l’intéressée le 7 avril 2014 par un médecin qui concluait que « la pathologie de Mme B…A…est essentiellement et directement causée par son travail habituel. Il existe donc une imputabilité certaine au service », un avis favorable à la reconnaissance de l’imputabilité au service de sa maladie en estimant que « la pathologie dépressive de l’intéressée était en lien direct avec son travail et qu’il n’existait pas d’état antérieur ou d’éléments de sa vie privée pouvant par ailleurs être à l’origine de cette affection ».

Or, poursuit le Conseil d’État, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel, après avoir relevé ces éléments, en a déduit que la maladie de Mme A…ne pouvait être regardée comme résultant exclusivement de la sanction d’exclusion temporaire de service qui lui avait été infligée le 3 juin 2013. Elle a cependant écarté l’imputabilité au service de la maladie en jugeant, d’une part, que l’avis médical rédigé en vue de la réunion de la commission de réforme n’était pas assorti des précisions permettant de tenir pour établi que l’état dépressif dont souffrait l’intéressée était directement lié à la dégradation de son contexte de travail et, d’autre part, qu’en s’engageant de longue date dans un processus d’opposition systématique à son employeur et en s’opposant à toute évolution du service, et en amplifiant cette attitude après la sanction du 3 juin 2013 au point de rendre impossible les relations de travail avec son employeur, Mme A…était à l’origine de l’épuisement professionnel et des conditions de travail dégradées dont elle se plaignait, et que si l’anxiété provoquée par les procédures disciplinaires dont elle avait fait l’objet avait un lien direct avec son activité professionnelle, elle ne pouvait être regardée comme une maladie professionnelle dès lors notamment que ces procédures ne révélaient pas de volonté délibérée de son employeur de porter atteinte à ses droits, à sa dignité ou d’altérer sa santé.

C’est cette dernière énonciation que la Haute Assemblée censure. Si, en effet, conclut-elle, « c’est sans erreur de droit que la cour s’est attachée à vérifier l’existence d’un lien direct de la maladie de Mme A…avec l’exercice de ses fonctions et qu’elle a recherché ensuite si des circonstances particulières pouvaient conduire à regarder cette pathologie comme détachable du service », en revanche, « en jugeant que l’absence de volonté délibérée de l’employeur de porter atteinte aux droits, à la dignité ou à la santé de Mme A… interdisait de reconnaître l’imputabilité au service de l’affection en cause, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit, dès lors qu’il appartient au juge d’apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l’absence de volonté délibérée de nuire à l’agent, être regardées comme étant directement à l’origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. »

Voir aussi :

Électro-sensibilité : quel lien avec le service ?

Un accident survenu sur le trajet entre la résidence d’un agent et un hébergement provisoire aux fins d’exercice de ses fonctions par cet agent est réputé être un accident de trajet.

Le refus d’un agent de se soumettre à une expertise médicale en vue d’apprécier l’imputabilité au service de l’accident dont il a été victime ne justifie pas la suspension de sa rémunération.

Les dires de l’agent ne suffisent pas à établir l’imputabilité au service d’un trouble psychologique