Au 1er juillet 2020, plus de 4 000 communes seront débarquées du zonage ZRR (zones de revitalisation rurale) et 6 mois plus tard, au 31 décembre, les principaux dispositifs d’exonération fiscale arriveront à échéance s’ils ne sont pas renouvelés par le législateur.
Alors que les intentions du Gouvernement concernant l’avenir des ZRR demeurent floues, a été, au Sénat, déposé un Rapport d’information de M. Bernard DELCROS, Mme Frédérique ESPAGNAC et M. Rémy POINTEREAU, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des finances (n° 41 (2019-2020) – 9 octobre 2019).
Les rapporteurs recommandent, dès l’examen du projet de loi de finances pour 2020, de proroger jusqu’au 31 décembre 2021 la totalité des mesures en vigueur dans les ZRR pour l’ensemble des communes bénéficiant actuellement du dispositif. Cette période transitoire doit permettre de définir des critères plus adaptés pour tenir compte des fragilités des territoires et d’améliorer le ciblage ainsi que l’efficience des dispositifs associés au zonage.
Voici ce rapport :
r19-0411
… et en voici le résumé ainsi que les principales recommandations :
Les zones de revitalisation rurale (ZRR) sont à la croisée des chemins. Au 1er juillet 2020, plus de 4 000 communes sortiront du zonage et 6 mois plus tard, au 31 décembre, les principaux dispositifs d’exonération fiscale arriveront à échéance s’ils ne sont pas renouvelés par le législateur. Depuis leur création en 1995 par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (LOADT), les ZRR ont pour objectif de prendre en compte les difficultés spécifiques liées à l’implantation ou à la reprise d’activités en milieu rural, en ouvrant droit à des exonérations de fiscalité et à des allègements de cotisations patronales. Fin 2018, dans un rapport réalisé au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale, les députées Anne Blanc et Véronique Louwagie ont proposé de ne pas reconduire le dispositif d’exonération d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés pour les créations ou reprises d’activités et de supprimer les dispositifs d’exonérations de cotisations sociales. Elles proposent que les économies réalisées soient reportées sur la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). Aux yeux des rapporteurs, cette proposition est inadaptée car les ZRR constituent un dispositif de soutien direct aux activités économiques et de services et ne doivent pas être limitées à un rôle de soutien aux investissements des collectivités territoriales. Alors que les intentions du Gouvernement concernant l’avenir des ZRR demeurent encore floues à ce stade, le présent rapport d’information entend dresser un état des lieux sincère des conséquences de la réforme opérée en 2015 et proposer des pistes de réflexion visant à pérenniser les ZRR, tout en faisant évoluer le dispositif pour le rendre plus efficace, au bénéfice des territoires les plus fragiles. À l’issue de leurs travaux, les rapporteurs dressent les principaux constats suivants : – le « label ZRR » constitue un outil indispensable à la prise en compte des fragilités structurelles des territoires ruraux en permettant de soutenir l’activité économique ; – la réforme de 2015, dont l’ambition simplificatrice était louable, est désormais inadaptée à la nouvelle carte intercommunale de la loi NOTRe et a pu conduire à exclure du zonage des communes pourtant fragiles ; – les mesures financières associées au classement en ZRR constituent un soutien certes partiel mais déterminant pour le développement des territoires concernés ; – une révision des critères de classement est désormais nécessaire pour définir des zonages plus justes et différenciés en fonction du degré de fragilité des territoires ruraux ; – cette révision du zonage doit permettre de définir des mesures proportionnées au niveau de fragilité des territoires, à travers des bouquets d’aides renforcés, ainsi qu’un meilleur accompagnement des acteurs concernés par les ZRR dans le cadre d’une clarification de la gestion du dispositif. Pour répondre à ces enjeux, les rapporteurs formulent 6 propositions et considèrent qu’il est indispensable : 1. Dès l’examen du projet de loi de finances pour 2020, de proroger jusqu’au 31 décembre 2021 la totalité des mesures en vigueur dans les ZRR pour l’ensemble des communes bénéficiant actuellement du dispositif. Cette période transitoire doit permettre de définir des critères plus adaptés pour tenir compte des fragilités des territoires et d’améliorer le ciblage ainsi que l’efficience des dispositifs associés au zonage. Ce préalable permettrait d’associer dans de bonnes conditions les rapporteurs au travail de révision du zonage annoncé par le Premier ministre lors de la présentation de l’agenda rural du Gouvernement. 2. D’ici au 31 décembre 2021, de préparer une réforme des ZRR à partir des leviers identifiés dans le présent rapport d’information. Des simulations ultérieures, réalisées dans le cadre d’une étude, permettront de chiffrer les mesures proposées par les rapporteurs et de définir les seuils les plus adaptés aux besoins des territoires ruraux. |
LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS
Dès l’examen de la loi de finances pour 2020, proroger jusqu’au 31 décembre 2021 la totalité des mesures en vigueur dans les ZRR pour l’ensemble des communes actuellement incluses dans le zonage. Cette période transitoire doit permettre de définir des critères plus adaptés pour tenir compte des fragilités des territoires et d’améliorer le ciblage et l’efficience des dispositifs associés au classement en ZRR. |
Proposition n° 1 : maintenir l’ensemble des communes sortantes au 1er juillet 2020 pour une période transitoire allant jusqu’au 31 décembre 2021 et réévaluer, au plus vite et au cas par cas, la situation de ces communes au regard des modifications des périmètres intercommunaux intervenues depuis le 1er juillet 2017. |
Proposition n° 2 : maintenir à droit constant l’ensemble des dispositifs en vigueur dans les ZRR, en particulier les exonérations fiscales, jusqu’au 31 décembre 2021. |
D’ici au 31 décembre 2021, préparer une réforme des ZRR à partir des leviers identifiés par les rapporteurs. Des simulations ultérieures, réalisées dans le cadre d’une étude, permettront de chiffrer les mesures proposées par les rapporteurs et de définir les seuils les plus adaptés aux besoins des territoires ruraux. |
Proposition n° 3 : mieux prendre en compte les fragilités et la diversité des territoires dans les grands ensembles intercommunaux, en affinant les critères de classement par secteurs géographiques au sein des intercommunalités. |
Proposition n° 4 : revoir les critères de classement en ZRR pour définir trois niveaux de zonage (ZRR1/ZRR2/ZRR3) avec un critère principal de densité démographique et cinq critères secondaires. Des simulations ultérieures, réalisées dans le cadre d’une étude, permettront de définir les seuils les plus adaptés pour ces différents critères : 1. densité démographique ; 2. déclin démographique sur plusieurs années ; 3. revenu par habitant ; 4. dévitalisation constatée par l’évolution des services publics ou privés : nombre d’artisans, de commerçants, d’agriculteurs et de professionnels de santé ; 5. âge moyen de la population ; 6. nombre de logements vacants et de bâtiments d’exploitation vacants ou abandonnés. En fonction du nombre de critères remplis, un indice de fragilité permettra de classer le territoire concerné en ZRR 1, 2 ou 3 et de bénéficier des mesures associées à chaque niveau de zonage. |
Proposition n° 5 : mettre en place un panel de mesures dont l’ampleur serait adaptée à chaque niveau de zonage. Des moyens renforcés devront être consacrés aux territoires les plus fragiles sur la base des différents leviers identifiés par les rapporteurs : 1. des exonérations fiscales facilitant l’installation, la reprise et le maintien de l’ensemble des secteurs d’activité ; 2. des exonérations de cotisations patronales mieux ciblées sur les niveaux de revenus appropriés et la suppression de la condition d’augmentation nette d’effectif afin d’étendre le dispositif à toute nouvelle embauche ; 3. la création d’un fonds spécifique aux ZRR accordant des aides directes aux entreprises localisées dans les territoires les plus fragiles ; 4. une bonification de la dotation globale de fonctionnement, en particulier de la dotation de solidarité rurale, et une majoration des dotations de soutien à l’investissement des collectivités territoriales proportionnées à la fragilité des territoires concernés. |
Proposition n° 6 : clarifier la gouvernance de la politique de l’État en matière de ZRR, en confiant à la future ANCT un rôle d’animation territoriale, et créer une section dédiée au suivi des ZRR au sein de l’Observatoire des territoires. |