Ainsi que nous avons eu l’occasion d’en faire état à de nombreuses reprises, le calcul de la DGF des communes nouvelles a donné lieu à plusieurs contentieux.
En effet, les communes nouvelles de Tinchebray-Bocage et de Charny-Orée-en-Puisaye contestent le calcul de leur DGF en ce que le montant de la DSR et de la DNP versé a été plafonné à 120 % des sommes perçues l’année précédente par les anciennes communes, par le fait d’une transposition aux communes nouvelles des mécanismes de planchers et de plafonds prévus par le droit commun (art. L. 2334-21 pour la DSR, et L. 2334-14-1 pour la DNP).
A plusieurs reprises, le juge administratif a donné raison aux communes. Il en va ainsi des Tribunaux administratifs de Caen (TA Caen, 24 mars 2016, Commune nouvelle de Tinchebray-Bocage, req. n° 1502304 – jugement Tinchebray 20160324 ; TA Caen, 23 février 2018, Commune nouvelle de Tinchebray-Bocage, req. n° 1601410 – jugement Tinchebray dotations 2016) et de Dijon (TA Dijon, 16 octobre 2017, Commune de Charny Orée de Puisaye, req. n° 1602958, jugement TA Dijon 20171016 Charny), ainsi que la Cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 24 mai 2017, Ministre de l’Intérieur c/ Tinchebray-Bocage, req. n° 16NT01707 – CAA Tinchebray DGF commune nouvelle).
Par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, le législateur est finalement intervenu pour modifier le régime applicable et permettre le plafonnement de la DSR et de la DNP des communes nouvelles. Ainsi, l’article L. 2113-22 du CGCT prévoit désormais expressément que, pour l’application du plafonnement de la DNP et de la DSR des communes nouvelles, le montant perçu l’année précédant la création de la commune nouvelle correspond à la somme des attributions perçues par les anciennes communes (voir sur ce sujet : https://blog.landot-avocats.net/2018/03/28/dnp-et-dsr-le-juge-confirme-que-leur-plafonnement-nest-pas-applicable-aux-communes-nouvelles-mais-plus-pour-longtemps/).
En outre, le 16 mars 2018, le Ministère de l’Intérieur a adopté une circulaire contredisant l’interprétation retenue dans les jurisprudences précitées et imposant l’application du plafonnement (circulaire 16 mars 2018) (voir sur ce sujet : https://blog.landot-avocats.net/2018/04/16/plafonnement-des-dotations-des-communes-nouvelles-ou-quand-letat-sacharne-point-sur-la-circulaire-du-16-mars-2018/).
Les communes nouvelles craignaient donc que, fort de la modification législative intervenue et de la circulaire du Ministère de l’Intérieur, le Conseil d’Etat vienne considérer que la DSR et la DNP pouvaient légalement être plafonnées dès l’année de la création de la commune nouvelle, ainsi que le défendait l’Etat dans le pourvoi intenté à l’encontre de l’arrêt de la CAA de Nantes précité. Cependant, il n’en est rien et le Conseil d’Etat a confirmé que le plafonnement n’était pas applicable aux communes nouvelles l’année de leur création : “ce dispositif ne peut trouver à s’appliquer aux communes nouvelles l’année de leur création, dès lors que celles-ci n’ont pu, en tant que telles, percevoir de dotation de péréquation l’année précédente” (CE, 5 avril 2019, Ministre de l’Intérieur c/ commune nouvelle de Tinchebray-Bocage, req. n° 412701 – arrêt Conseil d’Etat DGF Tinchebray 2015).
Pourtant, la préfecture de l’Orne persiste à ne pas recalculer la DNP et la DSR de la commune de Tinchebray-Bocage pour l’année 2015, et ce alors même qu’en découle le montant des dotations dues à la commune pour les années suivantes… la CAA de Nantes a donc été amenée à condamner l’Etat, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à recalculer les dotations de la commune nouvelle dans un délai de deux mois (CAA Nantes, 27 septembre 2019, req. n° 17NA01161 – arrêt CAA Nantes Tinchebray exécution DGF 2015).
La commune nouvelle de Charny-Orée-en-Puisaye attend, quant à elle, que la Cour administrative d’appel de Lyon se prononce sur l’appel intenté par le Ministère de l’Intérieur à l’encontre du jugement du TA de Dijon précité. L’audience est prévue le 5 novembre prochain et on peut espérer, au regard de la décision du Conseil d’Etat, que le rapporteur public propose de confirmer l’annulation de la décision du préfet !