Par un arrêt du 14 octobre 2019 (CE, 14 octobre 2019, Commune de Manigod, req. n°418317), le Conseil d’État est venu préciser le régime des offres variantes dans le cadre des délégations de service public (DSP).
Dans cette espèce, un contrat de DSP a été conclu concernant la gestion du service public des remontées mécaniques et des pistes de ski. Le candidat évincé a saisi le TA d’une demande en annulation du contrat litigieux ainsi que la condamnation de la commune à lui verser une indemnité. Reconnaissant l’irrégularité de la procédure de passation, le TA a décidé, faisant application de son pouvoir en cas de risque d’atteinte excessive à l’intérêt général, de maintenir le contrat. Il a par conséquent condamné la commune à indemniser le manque à gagner subi par la société requérante. La CAA de Lyon a réduit l’indemnisation aux seuls frais exposés considérant que la société requérante n’avait pas de chance sérieuse de se voir attribuer le contrat.
En cassation, au soutien de son pourvoi, la société requérante invoquait l’irrégularité de l’offre de la société retenue. Elle considérait que l’offre de cette dernière comprenait une offre de base conforme aux exigences du cahier des charges qui prévoyait que « les candidats proposeront, en plus des investissements de renouvellement, les investissements nouveaux ou toute autre proposition visant à contribuer au développement de la station, avec la réalisation a minima de deux télésièges et d’une retenue collinaire permettant l’installation d’un réseau de neige de culture sur le secteur Croix Fry » et une offre variante non conforme au cahier des charges qui, en l’occurrence, ne comprenait pas de retenue collinaire.
S’appuyant sur le règlement de consultation qui prévoyait que:
« l’ensemble des autres clauses du document de consultation pourront faire l’objet d’observations ou de propositions alternatives motivées de la part des candidats, qui seront intégrées dans leur proposition »,
le Conseil d’État conclu à la régularité de l’offre litigieuse.
Cependant, il valide le raisonnement de la CAA de Lyon, qui considérait que la commune
« a porté atteinte au principe d’égalité d’accès à la commande publique en n’informant pas la société {évincée} de la faculté, que la collectivité a admise en cours de négociation avec la société {concurrente}, de proposer une variante ».
Ainsi, si l’autorité délégante autorise la présentation de variantes, dès lors qu’elle compte retenir effectivement une telle offre, elle doit en informer les autres candidats afin de les mettre en mesure « de modifier {leur} offre pour prendre en compte cette variante ».
Une telle solution se fonde sur la jurisprudence classique du Conseil d’État en matière d’adaptation du projet initial qui considère que
« la personne responsable de la passation du contrat de délégation de service public peut apporter des adaptations à l’objet du contrat qu’elle envisage de conclure au terme de la négociation lorsque ces adaptations sont d’une portée limitée, justifiées par l’intérêt du service et qu’elles ne présentent pas, entre les entreprises concurrentes, un caractère discriminatoire » (CE, 21 juin 2000, Syndicat intercommunal de la côte d’Amour et de la presqu’île guérandaise, n° 209319 et aussi CE, 21 février 2014, Communauté urbaine de Lyon, req. n°373159 ).
Ensuite, pour apprécier l’indemnité à laquelle le candidat évincé à droit, le Conseil d’État fait application de sa jurisprudence traditionnelle et considère que, dès lors qu’il était non dépourvu de toute chance de remporter la DSP, il a le droit au remboursement des frais exposés pour la présentation de son offre. En l’espèce, seuls les frais exposés sont indemnisés car le Conseil considère qu’il n’est pas établi que le requérant avait de chances sérieuses de remporter la DSP.
Enfin, il est intéressant de noter que le Conseil d’État fait application de sa nouvelle jurisprudence en matière de recevabilité de l’intervention volontaire des tiers en matière de recours de plein contentieux et apprécie de manière souple l’intérêt à intervenir à l’instance de la société attributaire (CE, 25 mai 2013, OFPRA, req. n°350661).
Ainsi, il considère qu’elle est
« recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d’un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l’objet du litige. Il en va ainsi de l’attributaire d’un contrat public, eu égard à l’objet du litige et à ses incidences sur les relations entre les parties comme sur sa réputation, non seulement lorsqu’est demandée l’annulation du contrat, mais aussi lorsque, comme en l’espèce devant le juge d’appel, est seulement recherchée la condamnation de son cocontractant au versement d’une indemnité à raison de l’irrégularité du contrat litigieux ».
*article écrit avec l’aide précieuse d’Alexandre Panzani, stagiaire