Croisement de correspondances et absence de contestation du décompte de liquidation

Dans un arrêt du 14 novembre 2019, (CAA de Lyon, 14 novembre 2019, Société Six M D, req. n°17LY03087) la Cour administrative d’appel de Lyon a eu à traiter du cas particulier de la contestation d’un décompte de liquidation.

Ainsi, un établissement public a souhaité la création d’un institut médico-éducatif et un appel d’offres a donc été lancé pour sa construction. Au terme de cette procédure, une société a été retenue pour deux lots relatifs à des prestations de chauffage et de plomberie.

Cependant, cette société n’a pas été en capacité d’exécuter les travaux qui lui ont été confiés et l’établissement public a donc prononcé la résiliation des deux marchés aux frais et risques du titulaire.

Plusieurs marchés de substitution ont en conséquence été passés et par un courrier du 25 novembre 2015, notifié le 3 décembre, l’établissement public a adressé à la société défaillante le décompte de liquidation des marchés.

Le 3 décembre 2015 – jour de la notification du décompte – la société a rédigé un mémoire qu’elle considère être « en réclamation » et « comportant ses propres projets de décompte » et celui-ci a été notifié le 7 décembre à l’établissement public.

La société a saisi le tribunal administratif de Dijon car elle estimait que le décompte de liquidation n’avait pas été correctement établi et qu’il n’intégrait pas le règlement de certaines sommes dues au titre des travaux exécutés par elle. Aussi, elle sollicitait la condamnation de l’établissement public au versement d’un montant total de 304 856 euros.

Le tribunal administratif a cependant rejeté la requête de cette société considérant que celle-ci était irrecevable pour défaut de mémoire en réclamation. Par conséquent, la société requérante a formé appel de ce jugement.

C’est ainsi que la Cour administrative d’appel de Lyon a été saisie de cette affaire et celle-ci a pu préciser les modalités de contestation et d’établissement du décompte de liquidation, lequel se substitue au décompte général.

A cet égard, sur la base des articles 47.2.1., 48.4 et 50.1.1. du CCAG-Travaux alors applicable, la cour expose que

« le cocontractant de l’administration dont le marché a été résilié à ses frais et risques ne peut obtenir le décompte général de ce marché, en vue du règlement des sommes dues au titre des travaux exécutés, qu’après règlement définitif du nouveau marché passé pour l’achèvement des travaux ».

En d’autres termes, le décompte général pour le cocontractant défaillant ne pourra être obtenu qu’après l’achèvement des marchés de substitution.

A la suite d’une jurisprudence constante (voir par exemple CAA Lyon, 6 avril 2017, Me A…, req. n°15LY01898), la Cour a estimé que le décompte de liquidation du marché se substitue au décompte général établi dans les autres cas et les dispositions relatives à la contestation du décompte général sont donc applicables.

Or, il est constant que le CCAG-Travaux institue une procédure préalable obligatoire pour tout requérant, empêchant ainsi de saisir directement le juge administratif (voir par exemple, CE, 16 décembre 2009, Société d’architecture groupe 6, req. n° 326220 ; CAA Nancy, 19 décembre 2013, Centre Hospitalier de Chaumont, req. n°11NC01291).

Dans ce sens, la Cour administrative d’appel de Lyon considère que le courrier du 3 décembre 2015, notifié le 7 décembre, ne peut être considéré comme un mémoire en réclamation dans la mesure où

« il ressort des termes mêmes de ce document, et en particulier des sommes sur lesquelles il porte, que la société l’a établi avant même d’avoir pris connaissance du décompte de liquidation établi par [l’établissement public], dont aucun élément n’est contesté à cette occasion. Ce document ne peut donc être regardé comme constituant un mémoire en réclamation portant sur le décompte de liquidation du marché » (considérant n°4).

En conclusion, la requête de la société requérante est irrecevable dans la mesure où son supposé mémoire en réclamation n’en a pas le caractère étant donné qu’il ne conteste aucun des éléments du décompte de liquidation établi par l’établissement public.

Article rédigé par Benjamin Girardo, avocat