Halles et marchés : le maire doit-il donner un avis favorable à une éventuelle dérogation préfectorale ? Le maire, s’il a pris un arrêté de son propre chef, doit-il l’abroger pour l’avenir ?
Les questions sont nombreuses sur ces ouvertures ou fermetures de halles et marchés.
Au JO de ce matin, se trouve le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire (NOR: SSAZ2008253D) :
Voir :
Ce décret conduit à diverses interrogations.
I. Une interdiction par défaut
Aux termes de ce décret, la tenue des marchés, couverts ou non et quel qu’en soit l’objet, est interdite.
Il s’agit d’une réaction à de nombreuses photographies de marchés bondés, mais aussi d’une réponse à une demande de précision de la part du Conseil d’Etat. Voir :
En même temps, il est étrange que des supermarchés soient ouverts et pas des marchés de plein air…
II. Une dérogation préfectorale faisant intervenir le maire
Toutefois, ce régime comporte une dérogation : le préfet peut, après avis du maire, accorder une autorisation d’ouverture des marchés alimentaires qui répondent à un besoin d’approvisionnement de la population si les conditions de leur organisation ainsi que les contrôles mis en place sont propres à garantir les distances de sécurité et autres mesures.
Rappel : ces distances et mesures sont surtout les suivantes :
Afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d’hygiène et de distanciation sociale, dites « barrières », définies au niveau national, doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance.
Les rassemblements, réunions, activités, accueils et déplacements ainsi que l’usage des moyens de transports qui ne sont pas interdits en vertu du présent décret sont organisés en veillant au strict respect de ces mesures.
Sources : article 2 du décret (reprenant pour l’essentiel des mesures antérieures).
Sur le contrôle du juge à ce stade, voir : TA Versailles, ord. 3 avril 3020, n° 2002287 (refus de dérogation de réouverture d’un marché ; mais nous n’avons pas encore le texte intégral de cette décision).
III. L’appréciation par le maire des demandes de dérogation
Voici, sur les demandes de dérogation, les questions qui nous sont souvent posées :
- le maire a-t-il un formalisme particulier à respecter ? Un délai ?
Réponse non. Mais passé un délai suffisamment long pour rendre la mesure nécessaire, notamment pour assurer l’alimentation des personnes physiques (notamment dans les communes dépourvues de supermarché… et où le marché remplit cette fonction), le préfet pourra prendre une décision sans attendre plus avant (voir par analogie CE 26/11/76 Soldani, n° 97328).
- le maire encourt-il un risque particulier à donner un avis positif ?
Réponse fort peu car pour que sa responsabilité pénale soit engagée, pour schématiser, il faudrait que cet avis positif soit constitutif d’une faute caractérisée d’une part (loi Fauchon du 10 juillet 2000) et d’autre part que l’on trouve un lien assez direct entre des victimes de l’épidémie et cet avis, qui tout de même n’est qu’un simple avis. Donc soyons clairs : il faut se fonder sur des bases scientifiques, imposer des distances de sécurité, ne pas donner son avis à la légère. Mais le risque pénal au titre de l’avis est donc faible.
- Le risque pénal est donc faible ?Réponse au stade de l’avis oui. Mais la commune gère le marché, ou l’a donné en marché public ou en délégation de service public. A ce stade, le maire doit bien prendre garde si le marché rouvre, à faire respecter les distances de sécurité, les règles de prudence… car là en revanche en cas d’homicide ou de blessures involontaires, sous réserve de prouver le lien d’imputabilité entre ses négligences et les décès ou les blessures, l’élu serait en mauvaise posture (car là il aurait violé délibérément une règle de sécurité, ce qui au regard de la loi Fauchon précitée, correspond à une situation fort inconfortable en pénal…).
IV. Et pour ceux des maires qui ont pris un arrêté antérieur au décret au JO de ce matin ?
Le point de savoir si les maires pouvaient, avant le décret de ce matin, prendre ou ne pas prendre un tel arrêté est un sujet qu’en droit nous ne pouvons commenter sur le présent blog, parce qu’il n’est pas impossible que demain nous ayons à défendre en tant qu’avocats de tels actes.
Mais à côté de cette question importante, s’en pose une autre : maintenant que le décret est pris, faut-il ou non abroger l’arrêté précédent ?
Là encore, nous ne pouvons pas écrire sur ce point dans le présent blog sauf à faire prendre un risque à certains de nos clients. Mais nous invitons nos clients ou même d’autres collectivités à nous contacter en message privé (courriel ou autre) : nous leur donnerons un conseil sur ce point précis à titre gracieux.
Crédits photographiques : collection personnelle ; marché de Saint-Ambroix (Gard).
Le meilleur marché de plein air du monde, cela va sans dire.
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