Covid 19 : le TA de la Martinique impose de vigoureuses mesures de protection en prison

prison covid
Récemment, le Conseil d’Etat a rejeté les recours contre l’ordonnance « procédure pénale » et la circulaire qui prolongent les délais de détention provisoire en ces temps de Covid-19 (CE, ord. de tri, 3 avril 2020, n°439894). 
Mais la rigueur du juge administratif face aux prisons et aux prisonniers pour cause d’ajustements à la crise sanitaire n’est pas sans limite. Il faut ensuite protéger les prisonniers et les personnels et, surtout ce point, le tribunal administratif de la Martinique, statuant collégialement en référé liberté, a rendu une ordonnance vigoureuse de protection.
Il a en effet ordonné la mise à disposition de masques et gants aux détenus et aux auxiliaires de vies lors de la distribution des repas, et enjoint la mise en oeuvre de tests de dépistage. 

Le tribunal rappelle, à titre liminaire, qu’eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d’entière dépendance vis-à-vis de l’administration, il appartient à celle-ci, et notamment aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi qu’à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

S’agissant de la population carcérale, le tribunal relève que le centre pénitentiaire de Ducos présente une situation de sur-occupation préoccupante, limitant l’espace de vie individuel réservé à chaque détenu, et engendrant une promiscuité de nature à faire craindre, compte tenu de l’impossibilité pour les détenus de respecter les règles de distanciation sociale, une propagation rapide du Covid-19 au sein de la population carcérale et du personnel pénitentiaire. Toutefois, il rappelle que l’administration pénitentiaire ne dispose d’aucun pouvoir, ni en matière de mise sous écrou, ni en matière d’aménagement de peine, lesquelles relèvent exclusivement de l’autorité judiciaire.

Il note ensuite que pour permettre aux personnes incarcérées au centre pénitentiaire de Ducos de s’entretenir avec leur avocat, tout en limitant les risques de propagation du Coronavirus, l’administration pénitentiaire et l’autorité judiciaire ont pris des mesures pour permettre la réalisation de ces entretiens par visio-conférence. En outre, pour les détenus éprouvant le besoin d’un entretien avec leur avocat en présentiel, il résulte de l’instruction que les « parloirs » ne sont pas suspendus, et des débats à l’audience que l’ordre des avocats du barreau de Martinique met des masques et des gants à disposition des avocats. Il appartient toutefois à l’administration pénitentiaire, dans l’hypothèse où un avocat se présenterait au centre pénitentiaire, sans être muni de ces équipements, de lui fournir un masque.

Si les requérants demandent au juge des référés d’enjoindre à l’administration pénitentiaire de doter le service pénitentiaire d’insertion et de probation des moyens et effectifs suffisants afin qu’il puisse, dans un tel contexte de crise, remplir sa mission d’assistance aux détenus, l’injonction ainsi sollicitée porte sur une mesure d’ordre structurel, reposant sur des choix de politique publique insusceptibles d’être mis en oeuvre, et dès lors de porter effet, à très bref délai.

En revanche les juges des référés estiment que la promiscuité induite par la surpopulation carcérale ne permet pas aux détenus, nonobstant les mesures prises par l’administration pénitentiaire pour limiter les contacts entre eux, de respecter les règles de distanciation sociale. Ainsi, le risque de propagation du Covid-19 est significativement plus élevé au sein du centre pénitentiaire de Ducos que pour le reste de la population. Dans ces conditions, eu égard à la vulnérabilité particulière des détenus, la carence de l’administration pénitentiaire à mettre à leur disposition des masques constitue une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales. Toutefois, le caractère limité des stocks disponibles impose une priorisation de cette mise à disposition. Le tribunal enjoint ainsi à la garde des sceaux, ministre de la justice, et au directeur du centre pénitentiaire de Ducos, dans les meilleurs délais de distribuer des masques aux détenus afin qu’ils en disposent, prioritairement, lors des situations les amenant à être en contact avec plusieurs détenus issus d’autres cellules.

Si les requérants demandent au juge des référés d’enjoindre à l’administration pénitentiaire de mettre à la disposition des personnes incarcérées au centre pénitentiaire de Ducos du gel hydroalcoolique, il résulte de l’instruction et des débats que celles-ci peuvent se laver les mains avec du savon sans difficulté. De même les mesures d’hygiènes mises en place par le centre pénitentiaire paraissent adaptées (lavage des draps tous les 10 jours, lavage des effets personnels par les détenus, doses supplémentaires de javel pour le nettoyage des cellules) et répondent aux exigences de prévention du risque sanitaire.

Par ailleurs le tribunal note que l’administration a pris des mesures pour que les personnes incarcérées au centre pénitentiaire de Ducos, présentant des symptômes du Covid-19, soient placées, après avis médical, dans un quartier dédié, pendant une période de 14 jours, de même que les nouveaux entrants.

En revanche, il ressort des débats à l’audience que l’administration pénitentiaire n’a pas pris les mesures suffisantes, afin que l’intégralité des auxiliaires, en charge de la distribution des repas au centre pénitentiaire de Ducos, soient dotés de masques et de gants. Le tribunal enjoint à l’administration de distribuer des masques et gants à ces personnes lors de la distribution des repas.

Le tribunal note en outre que pour compenser l’impossibilité pour les familles d’accéder aux parloirs, les personnes incarcérées au centre pénitentiaire de Ducos, bénéficient, depuis le 18 mars 2020, d’un accès élargi au téléphone, sous la forme d’un forfait téléphonique exceptionnel directement crédité sur leur compte nominatif. Il est ainsi permis aux détenus de maintenir des contacts réguliers avec leur famille, quelles que soient leurs capacités financières. Dans ces conditions, l’existence d’une carence de l’administration pénitentiaire n’est pas établie.

S’agissant des demandes de dépistage, le tribunal relève que le risque de propagation du Covid-19 est significativement plus élevé au sein du centre pénitentiaire de Ducos que pour le reste de la population. Dans ces conditions, eu égard à la vulnérabilité particulière des détenus, la carence de l’administration pénitentiaire à se doter de tests de dépistage du Covid-19 constitue une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales. Toutefois, le caractère limité des stocks disponibles ne permet pas un dépistage systématique des détenus, et impose une priorisation de ces dépistages. Par suite, le tribunal enjoint à l’administration pénitentiaire de se doter de tests de dépistage en nombre suffisant, pour permettre, prioritairement, le dépistage des personnes ayant été en contact direct avec une personne, présentant des symptômes du Covid-19, afin de permettre, dans l’hypothèse où ce dépistage se révélerait positif, leur mise à distance et leur prise en charge sanitaire.

Enfin, le tribunal rejette la demande de communication du plan mis en place par l’administration en relevant qu’une procédure de prise en charge spécifique des détenus, atteints par le Covid-19, est en cours d’élaboration par le centre pénitentiaire de Ducos, en concertation avec l’agence régionale de santé de la Martinique et le centre hospitalier universitaire de Martinique.

 

TA de la Martinique, ord., 4 avril 2020, n° 2000200 :

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LA MARTINIQUE
N° 2000200
___________
Ordre des avocats du barreau de Martinique et autres
___________
M. Frédéric Lancelot Rapporteur ___________
Ordonnance du 4 avril 2020 ___________
54-035-03
C REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La chambre des référés, Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 2 avril 2020, l’Ordre des avocats du barreau de Martinique, représenté par Me Sénart, Me Edmond-Mariette, et Me Bel, Mme L., représentée par Me Sénart, M. S., représenté par Me Constant, M. M., représenté par Me Constant, M. S., représenté par Me Chandey, M. A., représenté par Me Chandey, M. V., représenté par Me Edmond-Mariette, M. E., représenté par Me Edmond-Mariette, M. B., représenté par Me Germany, M. R., représenté par Me Germany, M. L., représenté par Me Ursulet, M. R., représenté par Me Hyronimus, M. M., représenté par Me Hyronimus, M. O., représenté par Me Bellemare, M. J., représenté par Me Bellemare, M. M., représenté par Me Guy, M. V., représenté par Me Guy, M. N., représenté par Me Bensoussan, M. B., représenté par Me Bensoussan, M. B., représenté par Me Salamon, M. B., représenté par Me Salamon, M. C., représenté par Me Romain et M. L., représenté par Me Romain, demandent au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d’enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice, et au directeur du centre pénitentiaire de Ducos de :
– prendre toutes mesures utiles afin de ramener le nombre de personnes détenues à Ducos à un chiffre permettant un encellulement individuel,
– permettre à tout intervenant, et notamment aux avocats, de remplir leur mission dans un cadre sécurisé avec application effective des règles sanitaires imposées à l’ensemble des citoyens,
– doter le service pénitentiaire d’insertion et de probation des effectifs et des moyens lui permettant, dans un tel contexte, de remplir sa mission d’assistance aux personnes détenues,
– procéder à la distribution de masques, gants et gel hydroalcoolique pour chaque détenu,
– procéder à la distribution de produits d’hygiène corporelle en quantité suffisante et
permettre un accès régulier aux douches,
– procéder à un lavage régulier de la literie et des vêtements des détenus,
– procéder à la distribution de produits d’hygiène en quantité suffisante, permettant le
nettoyage des cellules,
– procéder au transfert des détenus à risques vers une unité de vie dédiée,
– doter les auxiliaires, chargés de la distribution des repas, de gants et de masques en
quantités suffisantes,
– permettre aux détenus de contacter leur famille par téléphone au moins trois fois par
semaine, chaque appel étant d’une durée minimale de trois minutes,
– procéder à des tests de dépistage du Covid-19 sur chaque personne détenue, afin que les personnes détenues en phase d’incubation fassent l’objet de mesures adéquates d’urgence
permettant de prévenir le développement de l’épidémie au sein du centre pénitentiaire,
– leur communiquer le plan mis en place pour prévenir le développement de l’épidémie de Covid-19 au sein du centre pénitentiaire de Ducos ou, à défaut, d’élaborer un tel plan, en concertation avec l’agence régionale de santé de Martinique et le centre hospitalier
universitaire de Martinique,
et ce, sous astreinte de 1000 euros par jour de retardà compter de la notification de l’ordonnance à intervenir ;
2°) d’ordonner une expertise sur les conditions d’hygiène et de sécurité et des détenus, et d’ordonner la mise en œuvre des éventuelles recommandations de l’expert.
Ils soutiennent que :
– l’urgence est établie, compte tenu du risque imminent de propagation du Covid-19 au sein du centre pénitentiaire de Ducos ;
– la carence de l’administration pénitentiaire à prendre des mesures pour protéger de la pandémie les détenus, le personnel pénitentiaire et les intervenants extérieurs, en particulier les avocats, constitue une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie, et au droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2020, la garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
– l’urgence n’est pas établie,
– aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale n’est établie.
La requête a été régulièrement communiquée à l’agence régionale de santé de la Martinique, qui n’a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– la Constitution, et notamment son préambule,
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales,
– la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009,
– la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020,
– l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, – le code de justice administrative.
En application du troisième alinéa de l’article L. 511-2 du code de justice administrative, le président du tribunal a décidé, par une ordonnance du 2 avril 2020, que l’affaire serait jugée par une chambre composée de trois juges des référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Lancelot, juge des référés,
– les observations de Me Edmond-Mariette, qui invoque également une atteinte grave
et manifestement illégale au principe de précaution, de Me Bel et de Me Sénart, avocats de l’ordre des avocats du barreau de Martinique et, à la demande de l’ordre des avocats du barreau de Martinique, de M. L. et de M. L., représentants du personnel du centre pénitentiaire de Ducos.
La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience publique. Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ». Aux termes de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : « L’administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits ».
2. Si, en raison du renvoi fait par le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 à la Charte de l’environnement, le principe de précaution a valeur constitutionnelle, il ne constitue pas pour autant une liberté fondamentale, au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.
3. En revanche, eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d’entière dépendance vis-à-vis de l’administration, il appartient à celle-ci, et notamment aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi qu’à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le droit au respect de la vie ainsi que le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants constituent des libertés fondamentales, au sens des dispositions de l’article L. 521- 2 du code de justice administrative. Lorsque l’action ou la carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes ou les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés fondamentales, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par cet article, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser le danger résultant de cette action ou de cette carence. Toutefois, ce juge ne peut, au titre de cette procédure particulière, qu’ordonner les mesures d’urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté une atteinte grave et manifestement illégale. Le caractère manifestement illégal de l’atteinte doit s’apprécier notamment en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a, dans ce cadre, déjà prises.
4. En premier lieu, il résulte de l’instruction que le centre pénitentiaire de Ducos, doté de 564 places, présente une situation de sur-occupation préoccupante, limitant l’espace de

vie individuel réservé à chaque détenu, et engendrant une promiscuité de nature à faire craindre, compte tenu de l’impossibilité pour les détenus de respecter les règles de distanciation sociale, une propagation rapide du Covid-19 au sein de la population carcérale et du personnel pénitentiaire. La contrôleure générale des lieux de privation de liberté a d’ailleurs recommandé, par un avis du 17 mars 2020, de réduire la population carcérale à un niveau qui ne soit pas supérieur à la capacité d’accueil des établissements.
5. Toutefois, ainsi qu’il a été rappelé au point n° 3 ci-dessus, le caractère manifestement illégal des atteintes aux libertés fondamentales en cause doit s’apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente. Ainsi, il est constant que l’administration pénitentiaire ne dispose d’aucun pouvoir, ni en matière de mise sous écrou, ni en matière d’aménagement de peine, lesquelles relèvent exclusivement de l’autorité judiciaire. Dans ce cadre, si, d’une part, par une circulaire du 14 mars 2020, la garde des sceaux, ministre de la justice, a incité l’autorité judiciaire à différer la mise à exécution des courtes peines d’emprisonnement et si, d’autre part, les dispositions des articles 21 à 29 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 ont élargi, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire institué par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, les possibilités de suspension ou de réduction de peine, ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet de transférer un quelconque pouvoir, en la matière, à l’administration pénitentiaire. Le centre pénitentiaire de Ducos demeure ainsi tenu de continuer à accueillir, quel que soit l’espace dont il dispose, la totalité des personnes mises sous écrou, et celles dont la peine n’a pas été aménagée par l’autorité judiciaire. Dans ces conditions, et alors qu’il n’est pas établi que l’administration pénitentiaire n’ait pas signalé à l’autorité judiciaire les cas de détenus susceptibles de bénéficier d’un aménagement de peine, et alors au demeurant que les requérants ne précisent pas quelle autre mesure, relevant de la compétence de l’administration pénitentiaire, pourrait être utilement prise à brève échéance pour diminuer le nombre de personnes incarcérées au centre pénitentiaire de Ducos, l’existence d’une carence de la garde des sceaux, ministre de la justice, et du directeur du centre pénitentiaire de Ducos, dans l’usage des pouvoirs que leur confère la loi, portant une atteinte grave et manifestement illégale à des libertés fondamentales, n’est pas établie, et les conclusions aux fins d’injonction correspondantes doivent être rejetées.
6. En deuxième lieu, il résulte de l’instruction que, pour permettre aux personnes incarcérées au centre pénitentiaire de Ducos de s’entretenir avec leur avocat, tout en limitant les risques de propagation du Covid-19, l’administration pénitentiaire et l’autorité judiciaire ont pris des mesures pour permettre la réalisation de ces entretiens par visio-conférence. En outre, pour les détenus éprouvant le besoin d’un entretien avec leur avocat en présentiel, il résulte de l’instruction que les « parloirs » ne sont pas suspendus, et des débats à l’audience que l’ordre des avocats du barreau de Martinique met des masques et des gants à disposition des avocats. Il appartient toutefois à l’administration pénitentiaire, dans l’hypothèse où un avocat se présenterait au centre pénitentiaire, sans être muni de ces équipements, de lui fournir un masque. Dans ces conditions, et alors que les requérants ne précisent pas quelle autre mesure pourrait être utilement prise à brève échéance par la garde des sceaux, ministre de la justice, et le directeur du centre pénitentiaire de Ducos, l’existence d’une carence de ces autorités, dans l’usage des pouvoirs que leur confère la loi, portant une atteinte grave et manifestement illégale à des libertés fondamentales, n’est pas établie, et les conclusions aux fins d’injonction correspondantes doivent être rejetées.
7. En troisième lieu, si les requérants demandent au juge des référés d’enjoindre à l’administration pénitentiaire de doter le service pénitentiaire d’insertion et de probation des moyens et effectifs suffisants afin qu’il puisse, dans un tel contexte de crise, remplir sa mission d’assistance aux détenus, l’injonction ainsi sollicitée porte sur une mesure d’ordre structurel,

reposant sur des choix de politique publique insusceptibles d’être mis en œuvre, et dès lors de porter effet, à très bref délai. Dans ces conditions, et alors au demeurant qu’il résulte de l’instruction que l’administration pénitentiaire a pris des mesures pour que le service pénitentiaire d’insertion et de probation puisse, malgré le contexte de crise sanitaire, poursuivre son activité auprès des détenus, les conclusions aux fins d’injonction correspondantes, doivent, eu égard aux pouvoirs que le juge des référés tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, être rejetées.
8. En quatrième lieu, s’agissant de la distribution de masques de protection aux personnes incarcérées au centre pénitentiaire de Ducos, il résulte de l’instruction, ainsi qu’il a été évoqué au point n° 4 ci-dessus, que la promiscuité induite par la surpopulation carcérale ne permet pas aux détenus, nonobstant les mesures prises par l’administration pénitentiaire pour limiter les contacts entre eux, de respecter les règles de distanciation sociale. Ainsi, le risque de propagation du Covid-19 est significativement plus élevé au sein du centre pénitentiaire de Ducos que pour le reste de la population. Dans ces conditions, eu égard à la vulnérabilité particulière des détenus, la carence de l’administration pénitentiaire à mettre à leur disposition des masques et des gants constitue une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales évoquées au point n° 3 ci-dessus. Toutefois, le caractère limité des stocks disponibles impose une priorisation de cette mise à disposition. Par suite, il y a lieu d’enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice, et au directeur du centre pénitentiaire de Ducos, dans les meilleurs délais, de distribuer des masques et gants aux détenus, afin qu’ils en disposent, prioritairement, lors des situations les amenant à être en contact avec plusieurs détenus issus d’autres cellules. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction de l’astreinte demandée par les requérants.
9. En revanche, si les requérants demandent au juge des référés d’enjoindre à l’administration pénitentiaire de mettre à la disposition des personnes incarcérées au centre pénitentiaire de Ducos du gel hydroalcoolique, il n’est ni établi ni même véritablement allégué que celles-ci seraient dans l’impossibilité de se laver régulièrement les mains. En outre, il résulte également de l’instruction que l’administration pénitentiaire a pris des mesures pour que des bidons de gel hydroalcoolique soient disponibles dans les espaces collectifs dépourvus de point d’eau. Dans ces conditions, l’existence d’une carence de la garde des sceaux, ministre de la justice, et du directeur du centre pénitentiaire de Ducos, dans l’usage des pouvoirs que leur confère la loi, portant une atteinte grave et manifestement illégale à des libertés fondamentales, n’est pas établie, et les conclusions aux fins d’injonction correspondantes doivent être rejetées.
10. En cinquième lieu, il résulte de l’instruction, et des débats à l’audience que des produits, destinés à assurer leur hygiène corporelle, sont mis gratuitement à la disposition des personnes incarcérées au centre pénitentiaire de Ducos, et que ceux-ci ont régulièrement accès aux douches. Dans ces conditions, l’existence d’une carence de la garde des sceaux, ministre de la justice, et du directeur du centre pénitentiaire de Ducos, dans l’usage des pouvoirs que leur confère la loi, portant une atteinte grave et manifestement illégale à des libertés fondamentales, n’est pas établie, et les conclusions aux fins d’injonction correspondantes doivent être rejetées.
11. En sixième lieu, il résulte de l’instruction que des mesures ont été prises par l’administration pénitentiaire pour tenir compte de l’impossibilité pour les familles des détenus d’accéder aux « parloirs », et permettre aux personnes incarcérées au centre pénitentiaire de Ducos d’assurer le nettoyage régulier de leurs vêtements personnels. Des mesures spécifiques ont également été prises pour assurer le nettoyage, par l’administration pénitentiaire, des vêtements personnels des détenus, présentant des symptômes de contamination au Covid-19. Il résulte également de l’instruction, et des débats à l’audience, que l’administration pénitentiaire a

pris des mesures pour augmenter la fréquence de nettoyage des draps, mis à la disposition des détenus par l’administration pénitentiaire. Il est ainsi prévu que ces draps soient nettoyés tous les dix jours, ce qui correspond à la fréquence maximale compte tenu des moyens dont dispose l’administration pénitentiaire. Dans ces conditions, l’existence d’une carence de la garde des sceaux, ministre de la justice, et du directeur du centre pénitentiaire de Ducos, dans l’usage des pouvoirs que leur confère la loi, portant une atteinte grave et manifestement illégale à des libertés fondamentales, n’est pas établie, et les conclusions aux fins d’injonction correspondantes doivent être rejetées.
12. En septième lieu, il résulte de l’instruction que l’administration pénitentiaire assure la distribution régulière aux personnes incarcérées au centre pénitentiaire de Ducos de produits d’hygiène, leur permettant d’assurer l’entretien de leur cellule. Pour prévenir le risque de propagation du Covid-19, cette distribution régulière a été complétée de 3 doses de javel. Dans ces conditions, l’existence d’une carence de la garde des sceaux, ministre de la justice, et du directeur du centre pénitentiaire de Ducos, dans l’usage des pouvoirs que leur confère la loi, portant une atteinte grave et manifestement illégale à des libertés fondamentales, n’est pas établie, et les conclusions aux fins d’injonction correspondantes doivent être rejetées.
13. En huitième lieu, il résulte de l’instruction que l’administration a pris des mesures pour que les personnes incarcérées au centre pénitentiaire de Ducos, présentant des symptômes du Covid-19, soient placées, après avis médical, dans un quartier dédié, pendant une période de 14 jours, de même que les nouveaux entrants. Dans ces conditions, l’existence d’une carence de la garde des sceaux, ministre de la justice, et du directeur du centre pénitentiaire de Ducos, dans l’usage des pouvoirs que leur confère la loi, portant une atteinte grave et manifestement illégale à des libertés fondamentales, n’est pas établie, et les conclusions aux fins d’injonction correspondantes doivent être rejetées.
14. En neuvième lieu, il ressort des débats à l’audience que l’administration pénitentiaire n’a pas pris les mesures suffisantes, afin que l’intégralité des auxiliaires, en charge de la distribution des repas au centre pénitentiaire de Ducos, soient dotés de masques et de gants. Ainsi, eu égard à la vulnérabilité des détenus et compte tenu des impératifs qui s’attachent à prévenir les risques de propagation du Covid-19, particulièrement élevés lors de la distribution des repas, cette carence de l’administration pénitentiaire constitue une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales évoquées au point n° 3 ci-dessus. Par suite, il y a lieu d’enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice, et au directeur du centre pénitentiaire de Ducos, dans les meilleurs délais, de distribuer des masques et gants aux auxiliaires, lorsqu’ils assurent la distribution des repas. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction de l’astreinte demandée par les requérants.
15. En dixième lieu, il résulte de l’instruction que, pour compenser l’impossibilité pour les familles d’accéder aux « parloirs », les personnes incarcérées au centre pénitentiaire de Ducos, bénéficient, depuis le 18 mars 2020, et conformément aux recommandations de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté émises le 17 mars 2020, d’un accès élargi au téléphone, sous la forme d’un forfait téléphonique exceptionnel directement crédité sur leur compte nominatif. Il est ainsi permis aux détenus de maintenir des contacts réguliers avec leur famille, quelles que soient leurs capacités financières. Dans ces conditions, l’existence d’une carence de la garde des sceaux, ministre de la justice, et du directeur du centre pénitentiaire de Ducos, dans l’usage des pouvoirs que leur confère la loi, portant une atteinte grave et manifestement illégale à des libertés fondamentales, n’est pas établie, et les conclusions aux fins d’injonction correspondantes doivent être rejetées.

16. En onzième lieu, il ne résulte pas de l’instruction que l’administration pénitentiaire se soit dotée de tests de dépistage du Covid-19 or, ainsi qu’il a été évoqué au point n° 4 ci-dessus, la promiscuité induite par la surpopulation carcérale ne permet pas aux détenus, nonobstant les mesures prises par l’administration pénitentiaire pour limiter les contacts entre eux, de respecter les règles de distanciation sociale. Ainsi, le risque de propagation du Covid-19 est significativement plus élevé au sein du centre pénitentiaire de Ducos que pour le reste de la population. Dans ces conditions, eu égard à la vulnérabilité particulière des détenus, la carence de l’administration pénitentiaire à se doter de tests de dépistage du Covid-19 constitue une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales évoquées au point n° 3 ci- dessus. Toutefois, le caractère limité des stocks disponibles ne permet pas un dépistage systématique des détenus, et impose une priorisation de ces dépistages. Par suite, il y a lieu d’enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice, et au directeur du centre pénitentiaire de Ducos, dans les meilleurs délais, de se doter de tests de dépistage en nombre suffisant, pour permettre, prioritairement, le dépistage des personnes ayant été en contact direct avec une personne, présentant des symptômes du Covid-19, afin de permettre, dans l’hypothèse où ce dépistage se révélerait positif, leur mise à distance et leur prise en charge sanitaire. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction de l’astreinte demandée par les requérants.
17. En douzième lieu, il résulte de l’instruction qu’une procédure de prise en charge spécifique des détenus, atteints par le Covid-19, est en cours d’élaboration par le centre pénitentiaire de Ducos, en concertation avec l’agence régionale de santé de la Martinique et le centre hospitalier universitaire de Martinique. Il n’est toutefois pas établi que l’absence de communication aux requérants des documents correspondants, au demeurant confidentiels, porterait une atteinte grave et manifestement illégale à des libertés fondamentales. Dans ces conditions, les conclusions aux fins d’injonction correspondantes doivent être rejetées.
18. En treizième lieu, si les requérants demandent au juge des référés d’ordonner une expertise sur les conditions d’hygiène et de sécurité des détenus au centre pénitentiaire de Ducos, cette expertise ne présente pas, en l’état de l’instruction, de caractère utile. Ces conclusions doivent donc être rejetées.
ORDONNE :
Article 1er : Il est enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice, et au directeur du centre pénitentiaire de Ducos, de prendre les mesures mentionnées aux points n° 8, 14 et 16 de la présente ordonnance.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l’ordre des avocats du barreau de Martinique, à Mme L., à M. S., à M. M., à M. S., à M. A., à M. V., à M. E., à M. B., à M. R., à M. L., à M. R., à M. M., à M. O., à M. J., à M. M., à M. V., à M. N., à M. B., à M. B., à M. B., à M. C., à M. L., à la garde des sceaux, ministre de la justice et à l’agence régionale de santé de la Martinique. Copie en sera adressée au directeur du centre pénitentiaire de Ducos.
Délibéré après l’audience du 4 avril 2020 à laquelle siégeaient : M. Wallerich, président de la chambre des référés,

M. Grondin, juge des référés M. Lancelot, juge des référés
Fait à Shoelcher, le 4 avril 2020.
Le juge des référés, rapporteur
F. Lancelot
Le président de la chambre des référés,
M. Wallerich
La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.