La protection fonctionnelle peut être due en cas de différend avec son supérieur hiérarchique

Dans un arrêt M. B… c/ centre hospitalier Louis-Constant Fleming de Saint-Martin en date du 29 juin 2020 (req. n° 423996), le Conseil d’État vient de préciser :

  • d’une part, qu’un agent public peut bénéficier de la protection fonctionnelle même pour des différends susceptibles, dans le cadre du service, de survenir avec l’un de ses supérieurs hiérarchiques lorsque, par leur nature ou leur gravité, ils sont insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique ;
  • d’autre part, que dans une telle situation, le supérieur hiérarchique mis en cause ne peut, au regard du principe d’impartialité, statuer sur la demande de protection fonctionnelle.

En l’espèce, M. B…, praticien hospitalier exerçant au centre hospitalier Louis-Constant Fleming de Saint-Martin, a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle, en soutenant avoir fait l’objet, dans le cadre de son service, d’une agression verbale et physique de la part du directeur du centre hospitalier. Sa demande a été rejetée par une décision du 26 avril 2014, prise par le directeur du centre hospitalier mis en cause. Par un jugement du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Saint-Martin a, sur la demande de M. B…, annulé cette décision de refus. M. B… s’est pourvu en cassation contre l’arrêt du 10 juillet 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a, sur appel du centre hospitalier Louis-Constant Fleming, annulé ce jugement et rejeté sa demande.

Dans son arrêt, le Conseil d’État énonce un premier considérant de principe : « Lorsqu’un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales, sauf s’il a commis une faute personnelle, et, à moins qu’un motif d’intérêt général ne s’y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l’objet. »

Toutefois : « Si la protection résultant du principe rappelé au point précédent n’est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l’un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique. »

Le Conseil d’État complète l’énoncé par un second considérant de principe : « Il résulte du principe d’impartialité que le supérieur hiérarchique mis en cause à raison de tels actes ne peut régulièrement, quand bien même il serait en principe l’autorité compétente pour prendre une telle décision, statuer sur la demande de protection fonctionnelle présentée pour ce motif par son subordonné. »

Faisant application de ces règles, la Haute Assemblée a estimé qu’il « ressort des pièces du dossier qu’une très vive altercation s’est produite, le 24 juin 2012, entre M. B… et le directeur du centre hospitalier Louis-Constant Fleming, dans le couloir d’entrée du bloc opératoire, avant une intervention chirurgicale à laquelle le M. B… devait participer. Ce litige, qui ne peut en l’espèce être regardé comme se rattachant à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, a donné lieu au dépôt d’une plainte pour agression physique par M. B… et au dépôt d’une plainte pour dénonciation calomnieuse par le directeur. »

De plus, « dans les circonstances de l’espèce, alors au surplus qu’un conflit personnel existait entre le directeur du centre hospitalier et M. B… depuis l’arrivée de ce dernier dans l’établissement en septembre 2011, le directeur du centre hospitalier ne pouvait légalement, sans manquer à l’impartialité, se prononcer lui-même sur la demande de protection fonctionnelle dont l’établissement public de santé était saisi par le praticien. »

Par conséquent, c’est à raison que le tribunal administratif a annulé la décision du centre hospitalier refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle à M. B…