Un TA accepte, dans un cas de faible écart de voix, d’annuler une élection viciée uniquement par la très faible participation

important mise à jour voir : Le Conseil d’Etat censure un des très rares jugements ayant annulé une élection, sans autre vice que la faiblesse exceptionnelle de la participation en mars 2020 

 

Le Conseil constitutionnel puis le Conseil d’Etat ont donné un mode d’emploi sur les cas tout à fait exceptionnels où la baisse de la participation pourrait être, à elle seule, un vice altérant la sincérité du scrutin :

 

Or, à l’occasion de deux jugements, antérieurs à cette décision du Conseil d’Etat mais diffusés après (😉), le TA de Nantes a appliqué (anticipé sur ?)  le mode d’emploi du Conseil d’Etat (qui lui même reprenait en gros la trame du conseil constitutionnel quelques jours avant).

Jusqu’à présent, rien d’original, ni même d’inédit. Voir :

 

 MAIS, et c’est plus notable, dans un de ces deux jugements, le TA a précisément reconnu l’existence de telles circonstances de nature à altérer la sincérité du scrutin du simple fait qu’il y avait faible écart et forte baisse de la participation (sans autre vice fondant l’altération de la sincérité dudit scrutin, donc).

Voici un extrait de la décision refusant de prendre en compte cette baisse de la participation vu le fort écart de voix lors de cette élection

« Il résulte, enfin, de l’instruction que le taux d’abstention, qui s’élève à 49,8 % des électeurs inscrits, a été beaucoup plus important que lors de la précédente élection municipale où il n’avait été que de 27,75 %. Si cette faible participation peut être attribuée, au moins en partie, au contexte sanitaire et aux messages diffusés par le Gouvernement dans les jours précédant le scrutin, qui ont dissuadé une partie significative des électeurs de se rendre au bureau de vote le 15 mars 2020, 80 voix séparent les deux listes, soit 3,27 % des suffrages exprimés. Eu égard à cet écart de voix, il ne résulte pas de l’instruction que l’abstention inhabituelle générée par le contexte particulier dans lequel s’est déroulé le scrutin, qui a nécessairement impacté les deux listes candidates, ait été, dans les circonstances de l’espèce, de nature à en altérer la sincérité et à fausser les résultats de l’élection. »

 

Et voici surtout l’extrait de l’autre décision, prenant en compte cette baisse de la participation comme étant à elle seule, sans autre vice notable, dans un cadre de faible écart de voix, une cause de censure juridictionnelle de l’élection tant municipale qu’intercommunale. La baisse de participation était en effet notable et, surtout, dans cette affaire, la victoire de la liste gagnante n’avait été acquise dès le premier tour que par trois voix (sans lesquelles la majorité absolue n’eût pas été atteinte)  :

« 2. Il résulte de l’instruction que le taux d’abstention, qui s’élève à 55,37 % des électeurs inscrits, a été beaucoup plus important que lors de la précédente élection municipale où il n’avait été que de 34,95 %. La faible participation peut être attribuée, au moins en partie, au contexte sanitaire et aux messages diffusés par le Gouvernement dans les jours précédant le scrutin, qui ont dissuadé une partie significative des électeurs de se rendre au bureau de vote le 15 mars 2020. S’il est constant que 265 voix séparent les deux listes arrivées en tête, il résulte toutefois de l’instruction que la liste conduite par Mme A n’a obtenu que trois voix de plus que la majorité absolue qui conditionnait sa victoire à l’issue du premier tour. Mme X est, par suite, fondée à soutenir que les circonstances particulières dans lesquelles s’est tenu le scrutin du
15 mars 2020, à l’origine d’une abstention inhabituelle, ont été de nature à altérer la sincérité du scrutin et, eu égard au très faible écart de voix par rapport à la majorité absolue, à fausser les résultats de l’élection.
« 3. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, que Mme X est fondée à demander l’annulation des résultats de l’élection municipale qui s’est déroulée le 15 mars 2020 à Malville.
« 4. Il résulte des dispositions des articles L. 273-3, L. 273-6 et L. 273-8 du code électoral que si la composition du conseil communautaire et celle du conseil municipal sont issues de deux élections, celles-ci se déroulent à l’occasion d’un seul scrutin. Il appartient au juge électoral, saisi d’une contestation de l’élection des conseillers municipaux, de tirer, même d’office, les conséquences sur l’élection des conseillers communautaires d’une éventuelle rectification des résultats du scrutin à laquelle il aurait été amené à procéder. En l’espèce, l’annulation des résultats du scrutin municipal implique nécessairement que soient annulés ceux de l’élection des conseillers communautaires. »

 

VOICI CES DEUX DECISIONS :


TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES

N° 2004764

Elections municipale et communautaire de Malville

Mme A Rapporteure

M. T
Rapporteur public

Audience du 2 juillet 2020 Lecture du 9 juillet 2020

28-04 C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Nantes (6ème chambre)

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Vu la procédure suivante :

Par une protestation enregistrée le 7 mai 2020, Mme X demande au tribunal d’annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de l’élection des conseillers municipaux de la commune de Malville.

Elle soutient que :

    • –  l’abstention très importante liée à la crise sanitaire a porté atteinte à la sincérité duscrutin ;
    • –  le maintien de l’élection acquise au premier tour méconnaît le principe d’égalité dusuffrage ;
    • –  l’article 19 de la loi du 23 mars 2020 est contraire à la Constitution.Par des mémoires en défense enregistrés les 14, 15 et 16 mai 2020, Mme Martine A, M. Christophe B, Mme Monique C, Mme Sarah D, Mme Isabelle E, Mme Solenne F, Mme Sandrine G, M. Jérôme H, Mme Régine I, M. Dominique J, M. Patrick K,

M. Jérémy L et M. Dominique M concluent au rejet de la protestation.

Ils font valoir que les griefs invoqués par Mme X ne sont pas fondés.

Vu :
– le procès-verbal des opérations électorales en cause et les documents y annexés ; – les autres pièces du dossier.

N° 2004764 2

Vu :
– le code électoral ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique : – le rapport de Mme A,
– les conclusions de M. T, rapporteur public,
– et les observations de Mme A, défenderesse.

Considérant ce qui suit :

1. A l’issue du premier tour des élections municipale et communautaire qui se sont déroulées à Malville, le 15 mars 2020, la liste conduite par Mme A a recueilli 50,32 % des suffrages exprimés et obtenu dix-huit sièges sur les vingt-trois à pourvoir au conseil municipal ainsi que deux sièges au conseil communautaire, tandis que la liste de Mme X recueillait
25,99 % des suffrages exprimés et obtenait trois sièges au conseil municipal et un siège au conseil communautaire, et celle de M. S 23,69 % des suffrages exprimés et deux sièges au conseil municipal.

2. Il résulte de l’instruction que le taux d’abstention, qui s’élève à 55,37 % des électeurs inscrits, a été beaucoup plus important que lors de la précédente élection municipale où il n’avait été que de 34,95 %. La faible participation peut être attribuée, au moins en partie, au contexte sanitaire et aux messages diffusés par le Gouvernement dans les jours précédant le scrutin, qui ont dissuadé une partie significative des électeurs de se rendre au bureau de vote le 15 mars 2020. S’il est constant que 265 voix séparent les deux listes arrivées en tête, il résulte toutefois de l’instruction que la liste conduite par Mme A n’a obtenu que trois voix de plus que la majorité absolue qui conditionnait sa victoire à l’issue du premier tour. Mme X est, par suite, fondée à soutenir que les circonstances particulières dans lesquelles s’est tenu le scrutin du
15 mars 2020, à l’origine d’une abstention inhabituelle, ont été de nature à altérer la sincérité du scrutin et, eu égard au très faible écart de voix par rapport à la majorité absolue, à fausser les résultats de l’élection.

3. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, que Mme X est fondée à demander l’annulation des résultats de l’élection municipale qui s’est déroulée le 15 mars 2020 à Malville.

4. Il résulte des dispositions des articles L. 273-3, L. 273-6 et L. 273-8 du code électoral que si la composition du conseil communautaire et celle du conseil municipal sont issues de deux élections, celles-ci se déroulent à l’occasion d’un seul scrutin. Il appartient au juge électoral, saisi d’une contestation de l’élection des conseillers municipaux, de tirer, même d’office, les conséquences sur l’élection des conseillers communautaires d’une éventuelle rectification des résultats du scrutin à laquelle il aurait été amené à procéder. En l’espèce, l’annulation des résultats du scrutin municipal implique nécessairement que soient annulés ceux de l’élection des conseillers communautaires.

D E C ID E :

N° 2004764 3

Article 1er : Les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour l’élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Malville sont annulées.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme X, à Mme Martine A, à M. Jérôme H, à Mme Solenne F, à M. Patrick K, à Mme Gwenaëlle V, à M. Dominique J, à Mme Régine I, à M. Dominique M, à Mme Sarah D, à M. Anthony Launay, à Mme Aude Chiron, à M. Manuel N, à Mme Sandrine G, à M. Jérémy L, à Mme Monique C Ty, à M. Christophe B, à Mme Isabelle E, à M. Guillaume P, à M. Pierrick S, à Mme Aa Q, à M. Bernard O, à Mme Catherine T et au préfet de la Loire- Atlantique.

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Délibéré après l’audience du 2 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. K, président,
Mme A, première conseillère,

Mme P-O, conseillère
Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

La rapporteure,

Y. A

Le président,

J. K

La greffière,

S. E

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Le greffier,


TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES

N° 2003258

Elections municipale et communautaire d’Herbignac

Mme A Rapporteure

M. T
Rapporteur public

Audience du 2 juillet 2020 Lecture du 9 juillet 2020

28-04 C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Nantes (6ème chambre)

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Vu la procédure suivante :

Par une protestation et un mémoire enregistrés les 18 mars et 25 juin 2020, M. Pierre- G X demande au tribunal d’annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le
15 mars 2020 en vue de l’élection des conseillers municipaux de la commune d’Herbignac.

Il soutient que :

    • –  plusieurs électeurs ont été empêchés de voter, en raison de la crise sanitaire ;
    • –  une conseillère municipale candidate sur la liste a voté pour son fils, sansprocuration ;
    • –  le maire sortant a limité l’accès à la réunion publique du vendredi 13 mars ;
    • –  il a été victime de propos injurieux et diffjhires au cours de la campagneélectorale.Par un mémoire enregistré le 13 avril 2020, Mme Christelle U, représentée par Me Notarianni, conclut au rejet de la protestation et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. X en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.Elle fait valoir que :
    • –  la protestation est irrecevable faute de comporter de conclusions ;
    • –  les griefs invoqués ne sont pas fondés.Vu :
      – le procès-verbal des opérations électorales en cause et les documents y annexés ; – les autres pièces du dossier.

N° 2003258 2

Vu :
– le code électoral ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme A,
– les conclusions de M. T, rapporteur public,
– les observations de M. X, protestataire et celles de Mme U, défenderesse.

Considérant ce qui suit :

1. A l’issue du premier tour des élections municipale et communautaire qui se sont déroulées à Herbignac, le 15 mars 2020, la liste conduite par Mme U a recueilli 51,63 % des suffrages exprimés et obtenu vingt-deux sièges sur les vingt-neuf à pourvoir au conseil municipal ainsi que trois sièges au conseil communautaire, tandis que la liste de M. X recueillait 48,36 % des suffrages exprimés et obtenait sept sièges au conseil municipal ainsi qu’un siège au conseil communautaire.

Sur les conclusions relatives aux opérations électorales :

2. M. X soutient, tout d’abord, avoir fait l’objet d’une campagne de dénigrement, de propos diffjhires, injurieux et discriminatoires de la part des candidats de la liste conduite par Mme U et de leurs soutiens. Il se borne toutefois à produire, pour établir la réalité de ses allégations, une copie d’écran d’une publication sur Facebook se bornant à relater le caractère agité de la réunion publique de la liste qu’il conduisait et un témoignage de soutien d’une électrice de la commune, non signé par son auteure. Il n’établit ainsi pas que des abus de propagande électorale susceptibles de porter atteinte à la sincérité du scrutin auraient entaché le déroulement de la campagne électorale. Si M. X soutient également que le maire sortant, soutien de Mme U, a filtré les entrées lors de la réunion publique organisée le 13 mars 2020 par la liste conduite par cette dernière, une telle circonstance, à la supposer établie, ne serait pas de nature à constituer une irrégularité de nature à entacher le déroulement de la campagne.

3. M. X soutient, d’autre part, qu’une conseillère municipale candidate sur la liste de Mme U a voté pour son fils sans détenir de procuration, sans toutefois apporter de précisions sur le bureau de vote et l’identité des personnes concernés. En tout état de cause, et à supposer cette irrégularité établie, l’annulation de ce seul vote serait sans incidence sur les résultats de l’élection, remportée par la liste de Mme U avec 80 voix d’avance.

4. Il résulte, enfin, de l’instruction que le taux d’abstention, qui s’élève à 49,8 % des électeurs inscrits, a été beaucoup plus important que lors de la précédente élection municipale où il n’avait été que de 27,75 %. Si cette faible participation peut être attribuée, au moins en partie, au contexte sanitaire et aux messages diffusés par le Gouvernement dans les jours précédant le scrutin, qui ont dissuadé une partie significative des électeurs de se rendre au bureau de vote le 15 mars 2020, 80 voix séparent les deux listes, soit 3,27 % des suffrages exprimés. Eu égard à cet écart de voix, il ne résulte pas de l’instruction que l’abstention inhabituelle générée par le

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N° 2003258 3

contexte particulier dans lequel s’est déroulé le scrutin, qui a nécessairement impacté les deux listes candidates, ait été, dans les circonstances de l’espèce, de nature à en altérer la sincérité et à fausser les résultats de l’élection.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que la protestation de M. X doit être rejetée.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme U présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C ID E : Article 1er : La protestation de M. X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées pour Mme U au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. Pierre-G X, à Mme Christelle U, à M. Michel I, à Mme Marie-Renée Y, à M. Romain R, à Mme Jeanne S, à M. Laurent G, à Mme Cécilia V, à M. Alain L, à Mme Claudie Nn, à M. Christian Ww, à Mme Françoise Qq, à M. Maël Nn, à Mme Françoise Ee, à M. Jean-X Qz, à Mme Florence Le Er, à M. Ibrahim J F, à Mme Emmanuelle Lm, à M. Alain Xc, à Mme Céline Nb, à M. Cédric Bv, à Mme Irène Jh, à M. Yannick Df, à Mme Marie Fd, à M. Arnaud Ng, à Mme Florence Bf, à M. Christophe Md, à Mme Michelle Ss épouse Ssp, à M. Denis Nj et au préfet de la Loire- Atlantique.

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Délibéré après l’audience du 2 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Z, président,
Mme A, première conseillère, Mme R-O, conseillère

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020. La rapporteure,

Y. A

Le président,

J. Z

N° 2003258

4

La greffière,

S. U

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Le greffier,