- à l’impact de la crise sanitaire sur les finances locales,
- et à un aspect de la gestion publique locale – cette année, le bilan de la mise en place des métropoles. Avec un portait en mi-teintes.
L’analyse de la Cour intervient quelques mois après la publication du rapport remis au Premier ministre par le député Jean-René Cazeneuve sur le même sujet. Voir :
Pour actualiser l’analyse, les juridictions financières se sont adressées directement aux 322 collectivités et groupements concernés par le dispositif de contractualisation mis en place en 2018, par un questionnaire qui a reçu 241 réponses. Parallèlement, les chambres régionales des comptes ont analysé les budgets votés par ces collectivités et les EPCI en 2020.
Enfin, ces éléments ont été mis en regard des données comptables d’exécution provisoire des collectivités disponibles successivement au 30 juin 2020, au 31 août et au 30 septembre. Les développements ci-après reposent donc sur des données à caractère déclaratif ou provisoires, qui appellent une certaine prudence, les conséquences de la crise sanitaire sur les collectivités territoriales au second semestre restant incertaines.
Alors qu’elles se trouvaient dans une trajectoire financière favorable depuis plusieurs exercices, celle-ci devrait se dégrader en 2020, du fait à la fois de l’impact direct de la crise sanitaire et de la réponse apportée par les collectivités, aux côtés de l’État, aux conséquences économiques et sociales de l’épidémie de covid 19.
La hausse des dépenses d’intervention, les pertes de recettes assises sur l’activité économique, la baisse de recettes tarifaires et les surcoûts liés au maintien de l’activité des services devraient altérer, à des degrés divers, leur situation financière en 2020 et entraîner un accroissement de la diversité de leurs situations.
Alors que la crise sanitaire se poursuit au second semestre, les informations recueillies par la Cour montrent que si l’ensemble des collectivités devraient connaître une érosion de leur épargne, celle-ci serait plus prononcée pour certaines collectivités du bloc communal, ainsi que pour les départements, en fonction de leur dépendance aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et de la hausse potentielle de leurs dépenses sociales. L’accroissement des dépenses d’investissement des régions devrait être financé par un recours accru à l’endettement, qui devrait rester soutenable à court terme.
Pour le bloc communal, la Cour estime que les marges de manœuvre s’avèrent affectées diversement par la crise :
La Cour poursuit en constatant, sans surprise, que les fragilités affectant les finances des départements s’accentuent :
L’évolution des régions étant moins inquiétante :
II. La mise en place des métropoles : un premier bilan peu convaincant, selon la Cour des comptes
Ce qui suit reprend fidèlement des extraits de synthèse du rapport
[…] Les métropoles sont l’expression la plus aboutie du mouvement d’affirmation de l’intercommunalité des années 2010 […]
Dans son rapport sur les finances publiques locales publié en octobre 2017, la Cour constatait la multiplication de leur nombre, sur le fondement de critères de création assouplis et pointait le risque que cela conduise à un affaiblissement du rôle moteur qui leur a été confié par le législateur.
En 2020, la Cour a examiné la mise en œuvre des réformes successives concernant les métropoles et leur impact sur leur organisation, leur situation financière et la conduite de leurs politiques publiques. La période d’examen retenue permet aux juridictions financières d’effectuer un premier point d’étape de ces réformes, mais n’a pas l’ambition de porter une appréciation définitive. La grande diversité des métropoles étudiées a conduit la Cour à ne pas retenir de recommandations à vocation générale dans le présent rapport. Toutefois, des recommandations spécifiques ont été formulées sur chacun des cas par les chambres régionales des comptes dans leurs rapports d’observations définitives et la Cour s’y associe.
Le périmètre de cette analyse porte sur 21 des 22 métropoles existantes, la métropole du Grand Paris n’ayant pas été retenue en raison de son statut particulier, dont l’évolution est envisagée. Cette analyse s’appuie en particulier sur les rapports d’observations définitives des chambres régionales des comptes issus du contrôle de 13 métropoles (Bordeaux, Brest, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nancy, Nantes, Nice, Rouen, Toulon, Toulouse) sur des périodes couvrant, pour chacune d’entre elles, l’avant et l’après passage au statut de métropole, entre 2012 et 2018.
Un statut juridique spécifique sans réel effet structurant
La réforme territoriale initiée par la loi RCT a abouti à la création d’une nouvelle catégorie d’EPCI ainsi que de deux métropoles à statut dérogatoire (Aix-Marseille-Provence, métropole du Grand Paris) et d’une collectivité à statut particulier (métropole de Lyon), dotées de compétences plus larges que celles des communautés urbaines dont les métropoles sontmajoritairement issues, en particulier au moyen d’un transfert de compétences de l’État, des régions et des départements.
Un statut juridique spécifique prenant en compte des situations locales
Selon l’étude d’impact de la loi MAPTAM, les transferts de compétences devaient permettre à la métropole de correspondre « à un degré d’intégration plus élevé, permettant une rationalisation de l’action publique sur son territoire », afin « d’accroître les potentialités des grandes agglomérations françaises ».
Toutefois, malgré des compétences supplémentaires, le statut des métropoles de droit commun les distingue peu des communautés urbaines maintenues sur d’autres territoires.
Leur diversité géographique (rapport de 1 à 22 en termes de superficie), démographique (la métropole la plus peuplée à une population neuf fois supérieure à celle qui l’est le moins) ou socio-économique (notamment au regard de l’adéquation entre périmètre et aire urbaine) traduit la prise en compte de situations locales et ne les rend pas aisément comparables.
Au-delà de la reprise et de l’extension du statut générique de métropole issu de la loi RCT, la loi MAPTAM a créé trois métropoles à statut particulier qui relèvent de contextes institutionnels locaux spécifiques : la métropole de Lyon, la métropole Aix-Marseille-Provence et la métropole du Grand Paris, exclue du champ de la présente enquête.
La création de la métropole de Lyon est l’aboutissement d’une logique d’intégration poursuivie de longue date par les acteurs publics locaux. Issue de la transformation de la communauté urbaine de Lyon (créée au 1er janvier 1969), la métropole exerce également l’ensemble des compétences du département du Rhône sur son territoire […]
Pour autant, à ce stade, l’expérience lyonnaise n’a pas tenu toutes ses promesses. En effet, si le passage de la communauté urbaine à la métropole de Lyon peut globalement être considéré comme un succès, d’autant plus qu’il s’est effectué dans des délais très courts, l’organisation en place est encore largement héritée de l’ex-communauté urbaine et les gains d’efficacité et d’efficience restent à venir. Quant aux synergies possibles entre les politiques héritées de la communauté urbaine et du département du Rhône, le périmètre des rapprochements potentiels reste limité car les deux collectivités intervenaient sur des domaines distincts pour l’essentiel. Dans les exemples analysés par la CRC Auvergne-Rhône- Alpes (adaptation de l’offre de logement à des publics spécifiques et à la précarité énergétique ; rapprochement entre économie et insertion), les résultats observés restent peu significatifs. L’impact sur la réduction de l’enchevêtrement des compétences est en définitive faible et difficile à mesurer car la mise en œuvre concrète du rapprochement de ces politiques n’a pas été accompagnée d’un dispositif de suivi qui permettrait d’en évaluer les effets.
Une nouvelle étape du développement de la métropole s’est ouverte avec l’élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains en juin 2020. S’il est évidemment trop tôt pour en mesurer les effets, cette évolution devrait apporter une légitimité renforcée à ces élus et donner un élan nouveau à la construction et au développement d’un projet métropolitain.
Du fait de la création d’un statut dérogatoire, en partie destiné à pallier l’absence persistante de consensus politique des élus locaux, le champ d’action et les ambitions de la métropole Aix-Marseille-Provence s’en sont trouvés largement amenuisés. En effet, les six anciens établissements publics de coopération intercommunale ont subsisté sous forme de « conseils de territoire » et se sont vu déléguer d’emblée par la loi, jusqu’au 31 décembre 2019, l’intégralité des compétences métropolitaines, à l’exception de quelques-unes à vocation programmatique. Cette délégation a ensuite été confirmée jusqu’au 31 décembre 2020. De fait, ces échelons locaux sont restés des centres de décision et de pouvoir, alors qu’ils étaient censés, après une brève période transitoire, n’exercer qu’un rôle essentiellement consultatif. Ils consomment ainsi l’essentiel des crédits d’investissement de la nouvelle institution, au détriment des projets métropolitains qui, à ce stade, sont réduits à la portion congrue, faute de moyens et de consensus politique. Cette organisation gagnerait à être simplifiée. Les conditions de réussite duprojet de la métropole dépendent de l’ampleur et de la cohérence des choix qu’elle fera à l’issue de la période de délégation aux conseils de territoire. Une remise à plat impliquerait en particulier de réviser à leur juste niveau les attributions de compensations, de sorte que la métropole soit dotée des moyens nécessaires pour mener à bien les projets structurants qu’elle s’est assignés.
Un statut encore sans réel effet structurant
La mutualisation des services n’a, pour l’instant, pas progressé significativement avec le statut métropolitain au-delà de ce qui existait avant son adoption (Toulouse, Nice, Tours). Elle prend des formes variées, allant du simple groupement de commandes à la mise en commun de personnels et de services, qui en représente la forme la plus fréquente. Le degré d’intégration des services reste très variable d’une métropole à l’autre et très dépendant de l’équilibre politique local. La mutualisation reste souvent inaboutie et les gains correspondants sont encore limités, en particulier en termes d’économies d’échelle. Même lorsque les services communs existent, ceux-ci ne concernent dans la majorité des cas que la métropole et sa ville-centre.
Les processus de gestion et d’organisation n’ont pas été significativement modifiés. La priorité a été donnée aux transferts de personnels liés aux transferts de compétences et les chambres régionales des comptes relèvent que le rôle et l’organisation des fonctions supports mériteraient maintenant d’être revus pour plus d’efficacité et d’efficience. Du fait de la faiblesse des dispositifs et démarches de pilotage et de contrôle, qui restent à renforcer, la mesure des effets de la transformation des communautés urbaines ou d’agglomération en métropoles n’est pas possible.
La transformation en métropoles : des promesses qui restent à concrétiser
S’il est prématuré, à ce stade, de tirer des enseignements définitifs de la mise en place de métropoles créées pour la plupart après le 1er janvier 2015, il est néanmoins possible de dresser un premier bilan d’étape, dont il ressort que les objectifs fixés par le législateur n’ont été que partiellement atteints.
Des transferts de compétences limités
L’adoption du statut de métropole s’est le plus souvent accompagnée d’une modification limitée des compétences exercées, sur un périmètre géographique généralement inchangé. En ce qui concerne les transferts de compétences communales, malgré des attributions un peu plus étendues (en particulier en matière de tourisme, de soutien aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche), la création du statut de métropole n’a pas apporté de modification substantielle au socle des compétences dont disposaient déjà les communautés urbaines. La métropole peut toutefois recevoir des compétences de la part d’autres personnes publiques que ses communes membres, notamment l’État, les régions et les départements, pour les exercer sur son territoire.
Certains transferts de compétences communales avaient déjà été effectués au profit des EPCI préexistants (communautés d’agglomération et communautés urbaines), même si la Cour note des retards très importants dans la mise en œuvre des transferts patrimoniaux correspondants. Les transferts de compétences départementales ont été, eux, réalisés a minima.
Des métropoles qui tardent à monter en puissance
Les métropoles n’ont pleinement investi ni leur rôle ni leurs compétences et tardent à monter en puissance. Leur périmètred’intervention demeure flou et elles ont éprouvé des difficultés à définir clairement ce qui relève de l’intérêt métropolitain par rapport à celui de leurs communes membres. Les contrôles mettent en évidence que ces définitions ont le plus souvent été arrêtées de manière empirique, les critères retenus relevant plus d’une analyse propre à chaque situation locale que d’une véritable stratégie métropolitaine d’intervention.
Elles ont pu aussi être les victimes de stratégies mises en œuvre avant leur création ou d’une évaluation financière des charges transférées qui pénalisent leur pouvoir financier et d’action.
La mise en place des métropoles s’est accompagnée paradoxalement de la réaffirmation du rôle central des communes dans le paysage local et de celui des maires dans la définition des politiques publiques. L’application d’un principe de subsidiarité dans l’exercice des compétences de proximité conduit à déconcentrer des services sur le territoire, lesquels sont souvent placés sous l’autorité fonctionnelle des maires. De surcroît, si la gouvernance métropolitaine repose formellement sur les instances décisionnelles que sont le conseil et le bureau métropolitains, les chambres régionales des comptes observent que le rôle des maires, à travers leur représentation dans un ensemble d’instances consultatives prévues ou non par la loi, est également déterminant dans la prise de décision. La loi engagement et proximité du 27 décembre 20192 entérine les pratiques observées et réaffirme la place centrale des maires des communes membres dans la définition et la mise en œuvre des politiques métropolitaines, confirmant l’idée selon laquelle la métropole reste un EPCI à fiscalité propre, « par nature, au service des communes »3, bien en retrait des ambitions initialement affichées par la loi qui en a fixé le statut.
Des objectifs de rayonnement peu traduits sur le terrain
L’effet structurant des métropoles se construit par leur action sur leur propre territoire, mais également au travers de coopérations avec les collectivités environnantes.
Si le législateur avait souhaité une meilleure concordance entre les périmètres institutionnels et les réalités de fonctionnement des territoires, aucune des 19 métropoles à statut général n’a connu de modification de son périmètre au moment de sa création, en dépit des différences parfois substantielles entre ce périmètre et les dynamiques socio-économiques locales. Le dynamisme d’une métropole dépendant également partiellement de celui des intercommunalités ou communes limitrophes et environnantes, son effet structurant se construit ainsi à travers son action sur son propre territoire, mais également au travers de coopérations (dites « interterritoriales ») avec les collectivités et territoires environnants, dans une logique de recherche de bénéfice mutuel.
Cette coopération revêt une grande diversité de formes et de modalités. Les dispositifs incitatifs proposés par l’État (pacte État- métropoles signé le 6 juillet 2016 ou contrats de réciprocité ville-campagne dans le cadre du troisième volet du comité interministériel aux ruralités du 13 mars 2015) ont été peu mobilisés, les métropoles leur préférant des coopérations volontaires. Les coopérations effectivement développées, visant à répondre au mieux aux intérêts des différentes parties concernées, portent sur des thématiques variées et prennent des formes institutionnelles diverses, utilisant des outils préexistants, comme les pôles métropolitains, ou adoptant des modalités moins contraignantes (accord, protocole, convention, entente), voire exemptes d’engagements financiers, avec le risque de ne pas dépasser le stade de la lettre d’intention. Les analyses des chambres régionales des comptes montrent que les coopérations des métropoles avec des villes moyennes ont connu une montée en puissance encourageante en 2019.
L’articulation de l’action des métropoles avec les régions reste limitée et hétérogène (notamment dans le cadre de la préparation et de la mise en œuvre des contrats de plan État-Régions CPER) et il est particulièrement difficile de mesurer leur apport au rayonnement des territoires.
Une trajectoire financière structurellement favorable mise à l’épreuve de la crise sanitaire en 2020
À l’entrée dans la crise sanitaire, ces établissements publics étaient globalement dans une bonne santé financière, grâce au dynamisme de leurs bases fiscales faisant plus que compenser la baisse, modérée, de leurs dotations. La croissance de leurs dépenses de fonctionnement est portée intégralement par les budgets annexes, notamment celui relatif aux transports. Les dépenses de personnel restent plus particulièrement dynamiques.
Au total, malgré le développement récent de coopérations interterritoriales qui constitue une voie à conforter, la nature et l’étendue des compétences des métropoles tout comme leur mode de gouvernance apparaissent inadaptés pour répondre aux ambitions initiales du législateur. Les métropoles demeurent encore proches des communautés urbaines, tant en termes de rayonnement que de performances de gestion. L’absence d’élection au suffrage universel des conseillers métropolitains, à l’exception notable du cas de la métropole lyonnaise désormais, ne confère pas à leurs élus une légitimité comparable à celle des conseillers municipaux, a fortiori celle des maires. Les métropoles restent de ce fait avant tout « au service » des communes qui les composent et n’évitent pas l’écueil de la fragmentation des intérêts sur leur territoire.
La réforme de la fiscalité locale et surtout les conséquences de l’épidémie de covid 19 font aujourd’hui peser des incertitudes sur leur capacité à maintenir leur trajectoire financière et leur dynamique d’investissement dans des projets par essence structurants pour leurs territoires et leurs habitants.
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