Attribution d’un contrat de concession et examen des capacités des candidats : le juge des référés sanctionne l’erreur manifeste d’appréciation !

(TA Rouen, 28 janvier 2021, req. n° 390801501)

Un jugement récent du Tribunal administratif de Rouen nous éclaire sur le pouvoir d’appréciation dont dispose le juge des référés précontractuels.

En l’espèce, un candidat évincé contestait l’attribution d’un contrat de concession pour l’exploitation d’un terminal multivrac du Grand port maritime du Havre au motif notamment que la société attributaire n’avait pas justifié, lors du dépôt de sa candidature, de capacités et garanties financières suffisantes pour assurer l’exécution du contrat.

Le juge des référés rappelle qu’il

« ne peut censurer l’appréciation portée par l’autorité concédante, sur les garanties et capacités économiques et financières que présentent les candidats à un contrat de concession, que dans le cas où cette appréciation est entachée d’une erreur manifeste ».

Il relève notamment que le DC2 produit par la société attributaire ne contient aucune analyse des bilans comptables et ne renseigne que le chiffre d’affaires de l’année 2018 et non celui des trois dernières années alors que le rapport d’analyse des offres indique que toutes les candidatures ont été jugées complètes.

La société attributaire s’était en outre prévalu des capacités techniques et financières de deux sociétés tierces. Mais le juge considère qu’

« aucun des documents produits au soutien de la candidature ne confirmait formellement la faculté de s’appuyer sur les capacités financières de la société S pendant l’exécution du contrat ».

Il estime également que le justificatif présenté pour faire état du soutien financier de la société S… « ne pouvait pas être considéré comme un engagement formalisé quant à un soutien effectif de la part de cette société ». L’autorité concédante ne pouvait donc pas faire valoir que les capacités et garanties financières des sociétés tierces confortaient l’assise financière de la société attributaire.

Le Tribunal administratif de Rouen juge donc que le Grand port maritime du Havre a commis une erreur manifeste d’appréciation.

Le juge applique ensuite la jurisprudence SMIRGEOMES relative à l’intérêt à agir du candidat évincé en précisant que

« le choix de l’offre d’un candidat retenu irrégulièrement, y compris lorsque cette offre a été retenue sur la base d’informations relatives à des capacités financières et professionnelles erronées, est susceptible d’avoir lésé le candidat qui invoque ce manquement » .

L’ordonnance soulève enfin un dernier point intéressant. Le juge estime en effet que, bien qu’il y ait en principe lieu d’annuler la procédure au stade de l’analyse des candidatures, il convient ici d’annuler la procédure de passation du contrat de concession dans son intégralité,

« la divulgation par le candidat évincé d’informations se rapportant à l’offre de l’attributaire (étant) de nature à nuire à la concurrence entre les opérateurs et, dans les circonstances de l’espèce, à porter irrémédiablement atteinte à l’égalité entre les candidats » .

*article rédigé avec Jules Stolar, stagiaire