Par un arrêt Mme A. c/ ministre de la défense en date du 27 septembre 2021 (req. n° 440983), le Conseil d’État précise que, sauf à ce qu’il soit établi qu’il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, un entretien, notamment d’évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d’être qualifié d’accident de service, quels que soient les effets qu’il a pu produire sur l’agent.
En l’espèce, Mme A…, adjointe administrative de 1ère classe, a été nommée responsable du secrétariat général au service logistique de la marine de Brest à compter du 1er février 2014. Le 10 févier 2015, elle a été reçue par sa supérieure hiérarchique pour son entretien annuel d’évaluation professionnelle. Le lendemain, Mme A… a consulté son médecin traitant qui lui a prescrit un arrêt de travail pour un syndrome anxio-dépressif majeur réactionnel, avec risque suicidaire.
Le 11 mars 2015, l’intéressée a sollicité la reconnaissance de l’imputabilité au service de cet arrêt de travail, lequel a été prolongé jusqu’au 30 septembre 2015. En dépit de l’avis de l’expert psychiatre, la commission de réforme du Finistère a émis, le 17 décembre 2015, un avis défavorable à sa demande en estimant que la pathologie de l’intéressée ne présentait « pas de lien direct unique et certain » avec le service. Par une décision du 7 mars 2016, le ministre de la défense a refusé de reconnaître l’imputabilité au service de la pathologie de Mme A….
Par un jugement du 19 janvier 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision et a enjoint à la ministre des armées de prendre une nouvelle décision reconnaissant l’imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A…. Par un arrêt du 31 mars 2020 la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté la requête de la ministre tendant à l’annulation de ce jugement.
Saisi d’un pourvoi déposé par le ministre de la défense, le Conseil d’État a annulé l’arrêt et le jugement litigieux et rejeté la demande de Mme A…
Pour cela, le Conseil d’État précise que « constitue un accident de service, pour l’application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l’occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci. Sauf à ce qu’il soit établi qu’il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d’évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d’être qualifié d’accident de service, quels que soient les effets qu’il a pu produire sur l’agent. »
Or, constatant que « lors de l’entretien d’évaluation de Mme A… qui a eu lieu le 10 février 2015, la cheffe de service, dont il n’est pas contesté qu’elle est “restée calme” et a “conservé un ton mesuré”, ait tenu des propos ou ait adopté un comportement qui auraient excédé l’exercice normal de son pouvoir hiérarchique […], la circonstance que Mme A… aurait ressenti “un choc” à l’écoute de reproches qui lui ont été faits à cette occasion, lequel aurait provoqué un syndrome anxio-dépressif, n’est pas, par elle-même, de nature à établir qu’elle aurait été victime d’un accident de service. »
C’est donc à tort, conclut le Conseil d’État, que, pour faire droit à la demande de Mme A… tendant à ce que sa pathologie soit reconnue imputable au service, le tribunal administratif de Rennes a estimé que cette pathologie présentait un lien suffisamment direct et certain avec l’entretien d’évaluation pour être regardée comme un accident de service.
Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :
https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-09-27/440983