Devant quel juge faut-il aller pour rechercher la responsabilité de l’auteur d’un procès-verbal d’infraction en matière d’urbanisme ?

La rancune d’un administré a donné l’occasion au Tribunal des Conflits de préciser l’ordre juridictionnel compétent pour statuer sur l’éventuelle responsabilité de l’auteur d’un procès-verbal d’infraction aux règles d’urbanisme.

L’histoire commence de façon banale : un agent de la DDT constate la construction d’un chalet en bois destiné à l’habitat sans permis de construire. En conséquence, il dresse un procès-verbal d’infraction au Code de l’urbanisme et le transmet au Procureur de la République.

Le propriétaire du chalet est alors renvoyé devant le Tribunal correctionnel. Mais celui-ci prononce la relaxe de l’intéressé, ce qui met fin aux poursuites.

Rancunier, le propriétaire du chalet décide alors de poursuivre l’auteur du procès-verbal devant le juge judiciaire pour solliciter des dommages et intérêts.

Si le Tribunal de Grande Instance de Privas s’estime bien compétent pour se prononcer sur ces demandes, la Cour d’appel n’est pas de cet avis puisqu’elle considère que c’est le juge administratif qui peut seul se prononcer sur l’éventuelle faute commise par un agent lorsqu’il dresse un procès-verbal d’infraction puisqu’à ce moment là, il agit dans le cadre de son service.

Ne lâchant pas l’affaire, notre administré se tourne alors vers le Tribunal administratif…qui considère qu’il n’est pas compétent pour trancher ce litige, ce dernier devant être porté devant le juge judiciaire.

En appel, la Cour administrative d’appel confirme l’appréciation du Tribunal administratif et saisit donc le Tribunal des Conflits pour que celui-ci précise une bonne fois pour toute la juridiction compétente pour statuer sur la demande d’indemnisation du propriétaire du terrain.

Selon le Tribunal des Conflits, un procès-verbal d’infraction aux règles d’urbanisme est un acte rattaché à la police judiciaire ; c’est donc le juge judiciaire qui est compétent pour se prononcer sur la responsabilité de son auteur :

“Le procès-verbal d’infraction dressé en application de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme ayant le caractère d’un acte de police judiciaire, le litige relatif à l’indemnisation du préjudice né de son établissement ou de sa transmission à l’autorité judiciaire relève de la juridiction judiciaire, sans qu’il soit besoin de déterminer si le dommage trouve son origine dans une faute de service ou dans une faute personnelle détachable”.

Le propriétaire du chalet revient donc à la case départ puisque son dossier est renvoyé devant le Tribunal judiciaire de Privas.

Il aura donc fallu près de deux ans et demi pour que ce justiciable puisse simplement savoir devant quel juge il devait aller pour faire valoir ses droits…

A l’heure où débutent les Etats Généraux de la Justice, on peut légitimement se demander si, parfois, la lenteur qui est imputée aux tribunaux ne vient pas d’abord de l’existence même de deux ordres de juridiction et des difficultés que l’on peut rencontrer dans la détermination de leurs compétences respectives.

Ref. : TC, 11 octobre 2021, n° C4220 (ou 4220 ou c-4220). Pour lire l’arrêt, cliquer ici