Hier, le Conseil d’Etat a confirmé que rares, très rares, seront les requérants susceptibles de justifier d’un intérêt à agir pour attaquer un décret relatif à la répartition des tâches entre ministres (à savoir un « décret d’attribution »).
De manière tautologique, la Haute Assemblée a récemment, s’agissant de la nomination de l’actuel Garde des Sceaux, a rappeler… qu’une nomination au Gouvernement… est un acte de Gouvernement (CE, 3 août 2021, n° 443899 ; voir Une nomination au Gouvernement… est un acte de Gouvernement. CQFD ).
On rappellera qu’un « acte de Gouvernement », en droit administratif, échappe à tout recours contentieux en annulation (ou en indemnisation pour faute), car il touche soit aux rapports entre pouvoirs constitutionnels de notre Pays, soit à des agissements qui ne sont pas détachables de la conduite des relations internationales de la France. Une telle jurisprudence ne vise pas qu’à donner à l’exécutif d’utiles marges de manoeuvre : elle sert surtout à traduire en réalité le principe de la séparation des pouvoirs…
Sources : CE, 19 février 1875, Prince Napoléon, rec. 155 ; CE, 26 novembre 2012, Krikorian, n°350492… pour un cas classique, voir CE, 2 février 2016, Lecuyer, n° 387931… Pour un point récent, voir : L’acte de gouvernement se réveille-t-il ? Ou est-ce une phase de sommeil paradoxal ?
En ligne de mire dans cette décision du 3 août 2021 : la nomination de l’actuel Garde des Sceaux à son poste.
Une seconde vague d’assaut contre cette nomination a ensuite été lancée, toujours face au Conseil d’Etat. Pour attaquer cette fois les attributions relevant du Ministère de la Justice confiées entre les mains, non pas du Garde des Sceaux, mais du Premier Ministre.
Un maire, qui voit que tel ou tel adjoint a un risque de conflit d’intérêts au sens de l’article 432-12 du code pénal, ou tout simplement a un risque de manque d’objectivité et de neutralité, d’impartialité, potentiellement, dans tel ou tel dossier , doit se conserver de tels dossiers par devers lui ou bien les confier à un autre adjoint au maire. C’est la base…
Sur ces sujets, voir :
- Qu’est-ce qu’une prise illégale d’intérêts ?… et, surtout, que cela va-t-il devenir avec le texte en fin de débats parlementaires (CMP ce jour) ?
- Qu’est-ce qu’une prise illégale d’intérêts ?
- Les 5′ juridiques (06/12/21, WEKA) – Brèves + dossier « Prise illégale d’intérêts : une réforme bonne à prendre ? » [VIDEO]
Il s’est agi, dans le cas de l’actuel Garde des Sceaux, de lui ôter les dossiers pour lequel cet ancien avocat pourrait avoir un risque de manque d’impartialité (par exemple face à tel ou tel magistrat etc.). Bref, le Gouvernement a transféré les dossiers avec un risque de manque d’impartialité ou un risque d’opposition d’intérêts, comme le fait absolument tout décideur public un peu rigoureux dans la gestion de ses délégations. Et c’est ce qui fut fait donc par un décret du 23 octobre 2020.
Décret qui fut bien sûr attaqué.
Sauf que de tels recours soulèvent d’autres problématiques amusantes : qui, en termes de recevabilité des recours, a « intérêt à agir » en ce domaine ?
Ce qui revient à se poser une autre question : comment qualifier, en droit, un décret d’attribution de telle ou telle compétence à un Ministre (ou comme en l’espèce de non attribution) ?
Citons sur ce point les brèves mais stimulantes conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public sur l’affaire n° 429715, UATS-UNSA, (lecture du 31 décembre 2019) :
« Même s’ils manifestent un élément essentiel de la démocratie et ont une incidence importante sur la présentation et le vote du budget comme sur l’application des textes qui confèrent des pouvoirs aux ministres […], ces décrets demeurent essentiellement, d’un point de vue juridico-administratif, des mesures d’organisation du service. »
Source : https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CRP/conclusion/2019-12-31/429715?download_pdf
Sans doute seules des personnes très directement concernées par tel ou tel acte pourraient donc, sans doute, tenter leur chance devant le Conseil d’Etat.
Pour ce qui est d’accéder à un maroquin ministériel, nombreux sont les impétrants et rares sont les élus. Mais rares sont, aussi, ceux qui peuvent ensuite en attaquer les attributions.